Le paquet énergie-climat 2030 et la crise du marché de l’électricité - Sfen

Le paquet énergie-climat 2030 et la crise du marché de l’électricité

Publié le 1 février 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021

Le 22 janvier, la Commission européenne a présenté à la presse les propositions du second « paquet énergie-climat » dans lequel se dessinent les contours d’une nouvelle politique énergétique européenne. Une semaine après cette présentation, le 29 janvier, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) dressait le même constat que le cabinet de conseil Capgemini avant lui : le marché européen de l’électricité, mis en mal par l’afflux non maîtrisé sur le réseau d’énergies intermittentes, est en crise. Pour rompre avec cette situation, le CGSP plaide pour que la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) soit la première priorité du paquet énergie-climat 2030.  

Notons que les propositions de ce nouveau « paquet » ne sont pas actées. Celles-ci seront soumises en mars au Conseil européen, lequel regroupe l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (UE).

L’enjeu pour ces derniers sera de parvenir à une position commune en vue de faciliter les négociations avec leurs partenaires étrangers à l’occasion de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Paris fin 2015.   

La crise du marché européen de l’électricité

En 2008, décidé à prendre le leadership sur la scène mondiale dans la lutte contre le réchauffement climatique, le Conseil européen a adopté le paquet énergie-climat, un programme ambitieux qui fixe trois objectifs pour la période 2013-2020 : la diminution de 20 % des émissions de GES, l’augmentation de 20 % de la part des énergies renouvelables (ENR) dans la consommation énergétique totale de l’UE et l’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique de l’UE. En France, le Grenelle de l’Environnement a rappelé l’objectif de diviser par 4 les émissions de GES totales d’ici à 2050. Cet objectif tient compte de la spécificité française qui a déjà une intensité carbone faible du secteur électrique de l’ordre de 80 gCO2/kWh grâce à l’importance qu’occupe l’énergie nucléaire. La réduction de 20 % des GES d’ici 2020 concerne donc d’autres secteurs que celui de l’électricité, à savoir le transport et l’industrie.  Lorsque les objectifs du premier paquet énergie-climat ont été fixés, l’UE n’était pas encore touchée par la crise.

Au contraire, avec une moyenne de 2,8 % de croissance annuelle entre 2004 et 2007, la prospérité économique était au rendez-vous. Par ailleurs, les prix des combustibles fossiles étaient en forte augmentation (de 9 dollars le baril en 1998 à 145 dollars en 2008). L’hypothèse des dirigeants européens était alors que ces tendances allaient persister. Selon eux, les ENR allaient devenir compétitives et les subventions s’arrêter mécaniquement.

Malheureusement, sous l’influence de la crise et de l’apparition des gaz non conventionnels, ces hypothèses se sont révélées inexactes. La crise économique a réduit la demande en électricité de 10 % alors que dans le même temps la production thermique et d’ENR a augmenté, provoquant une situation de surcapacité et une baisse des prix de gros, devenus plus volatils. Par ailleurs, aux Etats-Unis, la révolution des gaz de schiste a fait chuter le prix du charbon facilitant l’exportation massive de cette énergie vers l’Europe. Les prix des combustibles fossiles se trouvaient alors bien en dessous de leur niveau de juillet 2008.   

Pourquoi le seul objectif du paquet énergie-climat devrait être de réduire les gaz à effet de serre ?

Cette seconde version du paquet énergie-climat s’inscrit dans le prolongement de la précédente politique énergétique. Ainsi, à horizon 2030, la Commission européenne propose de réduire de 40 % les émissions de GES (par rapport aux émissions enregistrées en 1990). Un effort supplémentaire par rapport à celui fixé en 2009. Mais, un effort réaliste en témoigne l’objectif presque atteint de réduction de 20 % des GES (cf. 19,9 % fin 2012). En fournissant les deux tiers de l’électricité décarbonée de l’UE, l’énergie nucléaire n’est d’ailleurs pas étrangère à ce bon résultat. Cependant, ce résultat risque d’être mis à mal par le développement des centrales à charbon au détriment des centrales nucléaires et à gaz. Ainsi, en Allemagne, entre 2011 et 2012, les émissions de GES ont augmenté d’environ 1,5 % alors que la consommation d’électricité a, elle, baissé de 4,6 %. Efficacité énergétique et réduction des GES ne vont donc pas toujours de pair !

La politique européenne a favorisé la diffusion de trois principales technologies renouvelables: l’éolien, les panneaux solaires et la biomasse. Il est important de reconnaître qu’aucune de ces technologies ne peut vraiment avoir un impact important sur le changement climatique. Les deux premières sont intermittentes et de faible densité et il n’y a pas assez ni de terrain ni de mers peu profondes pour fournir une production globale suffisante pour répondre à la croissance de la demande énergétique mondiale. De plus, puisque la part de l’électricité de la demande énergétique finale augmente et va gagner du terrain dans le domaine des transports, le fossé entre la demande totale et la contribution de ces technologies va sûrement augmenter. Les technologies éoliennes et la production solaire actuelles sont, au mieux, marginales dans un contexte d’émissions mondiales en constante augmentation depuis 1990. Concernant la biomasse, sa neutralité en carbone est largement débattue. Dans le paquet énergie-climat, la Commission propose de porter à 27 % la part d’ENR dans la consommation énergétique totale de l’UE. Un objectif louable mais qui peut être parfois contradictoire avec le premier objectif, de diminution des émissions de GES, comme le montre l’exemple allemand…

Si les subventions aux ENR sont nécessaires pour que certaines technologies encore jeunes acquièrent de la maturité, elles ne doivent pas pour autant mettre en péril le marché européen de l’électricité en entraînant surcapacités des moyens de production, effondrement des prix de gros, ou accroissement de la facture énergétique des consommateurs. En cela, il apparaît nécessaire que le paquet énergie-climat se consacre à la réalisation d’un unique objectif quantifié : la diminution des émissions de GES, les autres objectifs devant lui être subordonnés.  

Par la rédaction