Paluel : une installation industrielle ancrée dans son territoire

Avec ses 4 réacteurs, la centrale nucléaire de Paluel (Haute-Normandie) est un site de production électrique majeur. Dans le contexte du « Grand Carénage » et un an après un incident de manutention dans le bâtiment du réacteur n°2, éclairage avec Brice Farineau, directeur du site, sur les chantiers en cours et les enjeux à venir.
Parlez-nous de votre centrale. Où est-elle ? Qui alimente-t-elle en électricité ? Combien de gens y travaillent ?
Brice Farineau – Paluel est la première centrale du palier 1300 MW construite en France. Sa mise en service s’est échelonnée entre 1984 et 1986. La centrale est située entre Dieppe et Fécamp. Près de 1500 salariés d’EDF travaillent sur le site, couvrant tous les corps de métier (exploitation, maintenance, logistique, tertiaire…).
Les salariés de Paluel sont épaulés par environ 700 prestataires permanents, qui réalisent des missions complémentaires à celles effectuées par EDF.
L’ambition du site est de répondre aux besoins de nos clients en produisant avec le plus haut niveau de sûreté possible, une électricité propre et peu onéreuse.
Comment fait-on pour la faire accepter dans une région où l’agriculture et le tourisme sont très développés ?
BF – La production d’électricité d’origine nucléaire a un avantage extrêmement fort : nous produisons une énergie « décarbonée » de façon massive. Les choix faits il y a trente ans restent donc tout à fait d’actualité aujourd’hui et répondent aux attentes sociétales du point de vue de la réduction des émissions de CO2 et de la préservation de l’environnement. Cela est complètement cohérent avec les ambitions d’EDF à l’horizon 2030. La centrale est par ailleurs complètement intégrée dans son territoire et bénéficie de la confiance de plus 80 % des riverains de proximité.
Nos meilleurs ambassadeurs sont nos salariés. Nos équipes démontrent au quotidien leur professionnalisme, leur rigueur. Ils veillent au respect des règles de sûreté mais également celles liées à l’environnement.
Nous ouvrons aussi les portes de la centrale au public et à nos riverains, qui souhaitent la découvrir. Cela leur permet, en toute transparence, de se rendre compte par eux-mêmes du bon état des matériels et de notre rigueur d’exploitation. Nous veillons aussi à développer les relations avec les collectivités locales et à informer régulièrement les pouvoirs publics.
La centrale de Paluel en est à sa troisième « visite décennale », ces grands chantiers de révision générale des installations. En quoi consistent ces travaux ? Où en est-on aujourd’hui ?
BF – Les visites décennales font partie du programme d’investissement appelé « Grand Carénage ». On y procède au réexamen de sûreté des réacteurs et on intègre de nombreuses modifications et opérations de modernisations de l’installation. A titre d’exemple, suite à l’incident de Fukushima, des groupes électrogènes « d’ultime secours », complémentaires à ceux dont le site est déjà équipé, sont implantés pour pouvoir fonctionner en cas d’inondation importante du site. D’autres modifications comme celles sur les circuits de ventilation sont mises en place pour faire face à de très fortes chaleurs. Il y a aussi des travaux de remplacement de gros composants pour pouvoir exploiter les centrales au-delà de 40 ans : transformateurs électriques de puissance, échangeurs… On peut aussi citer les travaux de modernisation comme celles du contrôle-commande avec un recours plus important aux technologies numériques.
Les visites décennales des tranches de la centrale de Paluel ont débuté en 2015 avec la tranche 2. Cet arrêt n’est pas encore terminé suite à l’accident de manutention que nous avons rencontré lors du remplacement des Générateurs de Vapeur qui sont des échangeurs de chaleur de 450 tonnes et de 25 mètres de haut qui assurent l’interface entre le circuit primaire et le circuit secondaire. Lors de sa manutention, un générateur a basculé pour s’immobiliser sur les plaques de protection du réacteur. Les travaux de remise en état sont actuellement en cours avec un redémarrage de la tranche qui est programmé en fin de cette année. Nous avons réalisé l’an dernier la Visite Décennale Grand Carénage de Paluel 1, avec des travaux qui se sont déroulés avec succès d’avril à novembre 2016. Un important retour d’expérience a été fait depuis l’arrêt de Paluel 2 pour optimiser le déploiement des modifications et anticiper de nombreuses activités sur les tranches en marches. Les Visites Décennales de Cattenom 1 et de Paluel 1 ont directement bénéficié de cette expérience.
Actuellement, nous réalisons le programme de la visite décennale de Paluel 3 dont l’arrêt a débuté le 11 février dernier et se poursuivra jusqu’en août. La dernière visite décennale de Paluel sera celle du réacteur numéro 4, prévue en 2019. Cet arrêt marquera globalement la fin des opérations du Grand Carénage pour le site. En parallèle de tous ces chantiers, nous poursuivons bien entendu l’exploitation des tranches en marche, afin de garantir la production d’électricité demandée par nos clients.
Pouvez-vous nous faire un bilan des retombées économiques locales des travaux menés à Paluel depuis 2015 ?
BF – Tous les investissements nécessaires au bon déroulement des visites décennales ont été anticipés et réalisés de 2013 à 2015. Cela a permis de commencer le Grand Carénage en garantissant une bonne logistique et en particulier des conditions de travail et de restauration satisfaisantes pour les intervenants mais aussi des temps d’accès raisonnables au poste de travail. La construction d’infrastructures permettant d’accueillir un grand nombre d’intervenants a donc été nécessaire puisqu’au pic d’activités, nous accueillons près de 4000 personnes sur le site (construction d’un parking, d’une base de vie regroupant des vestiaires, des bureaux, des restaurants, une déchetterie…).
Pour réaliser tous ces travaux, nous avons mis en place des partenariats locaux afin de faire bénéficier le tissu industriel local des retombées économiques du Grand Carénage. Nous avons ainsi élargi la liste des sociétés avec lesquelles la centrale travaille en Normandie. Nous avons aussi mis en relation des entreprises « majors » du nucléaire avec des entreprises locales pour leurs permettre de sous-traiter en s’appuyant sur des compétences locales.
Enfin, un important travail a été réalisé avec la CCI, pôle emploi et la sous-préfecture de Dieppe pour développer des formations spécifiques au domaine nucléaire et favoriser l’embauche.
Au final, nous estimons qu’un tiers des marchés passés par le site depuis 2014 l’ont été auprès d’entreprises locales pour un montant d’environ 90 M€. Les infrastructures qui ont été construites sur le site représentent quant à elles environ 2 M€ de marchés locaux, soit plus de 70% des parts de marchés ! Enfin, 450 embauches ont été réalisées ces deux dernières années entre EDF et ses fournisseurs locaux grâce au Grand Carénage. Ce sont aussi quelques 400 places de formation qualifiantes qui ont été créées et réalisées. Tout cela ne tient pas compte de l’impact positif sur l’hébergement et la restauration, ainsi que les retombées sur les commerces locaux.
Pouvez-vous nous décrire les missions du directeur d’unité ? Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier au quotidien ?
BF – C’est avant tout un rôle de patron d’usine, dans une usine un peu particulière… Comme je l’ai dit précédemment, notre souci permanent est d’exploiter les réacteurs en maintenant le plus haut niveau de sûreté. C’est notre permis d’exploiter ! La responsabilité vis-à-vis du public et de l’environnement mais aussi des salariés est donc très importante en tant que Directeur d’Unité.
Comme pour tout manager, il s’agit aussi de mobiliser et d’emmener tous les acteurs de la centrale vers des objectifs compris, connus et partagés. Il faut bien sûr faire grandir chaque collaborateur et fixer des exigences toujours plus élevées pour viser l’excellence, qui est la garantie de la pérennité de notre activité.
Ma mission consiste aussi à ce que chacun soit motivé et ait conscience qu’il contribue personnellement au résultat collectif. Cela est d’autant plus compliqué que la géographie du site et l’éloignement des bureaux ne facilitent pas le travail transverse, ni la communication. Il faut donc mettre en mouvement la ligne managériale, et favoriser toutes les opportunités de rencontres entre les salariés.
Ce métier est passionnant. Le challenge est très important au quotidien, avec un programme industriel hors normes. Il y a une remise en question permanente de nos façons de faire pour innover et être chaque jour plus efficaces collectivement. On est en quête d’amélioration en permanence pour gagner en performance. A ce titre, il s’agit de se comparer aux meilleurs pour se remettre en question perpétuellement. Cela nous tire vers le haut et nous donne l’occasion de nous interroger sur nos pratiques, ainsi que sur les leviers d’innovation et d’efficacité à mettre en œuvre. Une des forces du parc nucléaire français est justement de pouvoir savoir rapidement où certains sujets clefs fonctionnent le mieux, ce qui permet ensuite de s’en inspirer.
Comment inciter les jeunes à s’orienter vers la filière nucléaire ? Et à s’engager au sein de la SFEN Jeune Génération ?
BF – Notre industrie est complètement adaptée aux enjeux de l’époque : répondre aux besoins en énergie électrique en apportant une solution aux problèmes de réchauffement climatique. Le rôle et la place de l’énergie nucléaire dans ce contexte est essentiel. On produit de l’électricité, un produit indispensable à tous, qui entre dans chaque foyer, qui touche toutes les activités, et qui est en phase avec les préoccupations sociétales du moment. Nous avons besoin de toutes les compétences et de tous les corps de métiers dans cette belle filière. Chacun en fonction de ses goûts, de ses aspirations et de ses compétences peut donc trouver sa place et s’épanouir dans cette industrie, et tout particulièrement à Paluel !