Le nucléaire dans la stratégie hydrogène de l’Union européenne
L’Union européenne (UE) a décidé d’accélérer son ambition en matière d’hydrogène bas carbone. Une consultation des citoyens européens s’est déroulée pour définir ce que serait sa future stratégie hydrogène. Dans ce domaine la France possède des atouts importants qui permettront de garantir l’indépendance énergétique de l’Europe.
Depuis 2018, l’UE a identifié le vecteur hydrogène comme l’un de ses cinq piliers pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Une vision partagée par l’Agence internationale de l’énergie et notamment par la voix de son directeur, Fatih Birol, qui affirmait l’année dernière que « le monde ne devrait pas manquer cette chance unique de faire de l’hydrogène un élément important de notre avenir énergétique propre et sûr ».
Mais pour ce faire, les pouvoirs publics doivent encourager l’émergence d’une filière industrielle complète de l’hydrogène bas carbone afin de pouvoir décarboner l’ensemble des secteurs. Le 10 mars, une première initiative allant dans ce sens a été présentée par la Commission européenne.
En effet, les usages de cet hydrogène bas carbone sont multiples. Dans l’immédiat il permettra de décarboner l’hydrogène industriel (le premier usage de l’hydrogène actuellement dans le monde), qui est produit à base d’énergies fossiles, très émettrices de CO2. Ensuite, il pourra être un vecteur de décarbonation pour d’autres usages existants, comme le transport lourd (de manière très complémentaire aux solutions électriques). Enfin le vecteur hydrogène pourra être envisagé pour contribuer à des solutions de stockage inter-saisonnier et participer à l’interconnexion des réseaux énergétiques (Power to X, X=power, gas, fuel, chemical) dans des mix électriques comportant une part importante d’énergies renouvelables intermittentes.
En France , l’Etat affiche aussi de fortes ambitions en matière d’hydrogène dans sa feuille de route énergétique, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), publiée en avril 2020[2]. Elle fixe un objectif de 10 % d’hydrogène décarboné dans l’industrie en 2023 et de 20 à 40 % dès 2028. De plus, dans le plan de soutien post-COVID à l’industrie aéronautique, le Gouvernement a annoncé débloquer des fonds pour le lancement du premier avion à hydrogène en 2035.
L’énergie nucléaire, l’alliée de l’hydrogène bas carbone
Pour l’heure, les autorités européennes privilégient le recours aux énergies renouvelables pour produire l’hydrogène bas carbone. A l’occasion de la consultation publique sur la stratégie hydrogène de l’Union, la SFEN a voulu rappeler que :
- Pour être un atout dans la transition énergétique, l’hydrogène devra être produit de manière peu carbonée. L’hydrogène est aujourd’hui produit essentiellement à partir d’énergies fossiles. Plusieurs solutions existent pour produire de l’hydrogène bas carbone : l’électrolyse de l’eau à partir de l’électricité bas carbone par exemple est une technologie mature industriellement et déployable dès aujourd’hui à grande échelle. La France, en particulier, peut s’appuyer sur un réseau électrique déjà quasiment décarboné pour développer une filière industrielle d’électrolyse performante.
- Afin de caractériser l’hydrogène, il faut établir des critères clairs avec un vocabulaire simple. La méthode de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) sur l’ensemble de la chaine de production (incluant la production d’électricité) apparait comme la méthode scientifique la plus rigoureuse pour évaluer le bilan carbone de la production d’hydrogène comme des autres vecteurs énergétiques. A ce titre, parler d’hydrogène « bas carbone », avec un seuil d’émissions de CO2/kgH2, est la définition la plus simple, pertinente, et efficace, en comparaison à une caractérisation sur la base de couleurs, censées représenter différentes chaines de production.
- L’hydrogène produit par électrolyse, avec un approvisionnement sur le marché de l’électricité en base, nucléaire et renouvelables, sera la plus compétitive par rapport au procédé de vaporeformage du méthane. Ce procédé permettra de plus son utilisation près des lieux de consommation industrielle, en limitant ainsi les émissions de CO2 liées au transport de l’hydrogène.
- L’UE, dans son ambition de faire de l’hydrogène l’un des cinq piliers de la transition énergétique, doit à la fois accompagner la création de filières et apporter son soutien à la R&D pour toutes les solutions dans ce domaine, y compris celles qui reposent sur de nouvelles générations de réacteurs nucléaires. Cette stratégie lui permettra de maintenir son leadership dans la concurrence internationale.
Un enjeu d’indépendance énergétique
L’Allemagne qui a pris la décision sortir de l’énergie nucléaire, prévoit, dans le scénario de décarbonation préparé par son agence de l’énergie, de devoir importer en 2050 de 20 % à 35 % de son énergie primaire sous forme d’hydrogène décarboné, dont la moitié de pays non Européens.
La France, quant à elle, en maintenant un socle nucléaire important, qui passe par le lancement sans tarder du renouvellement de son parc nucléaire, devra être en mesure d’assurer sa souveraineté nationale sur la production d’hydrogène décarboné.
En effet, il est important de lier, au niveau de l’UE, la production d’hydrogène avec la question de notre indépendance énergétique. Faire reposer le mix énergétique européen futur sur des importations élevées d’hydrogène peut créer de nouvelles dépendances, alors que notre stratégie bas carbone doit permettre d’affranchir l’Europe de sa dépendance aux hydrocarbures fossiles.