A la mémoire de Jean-Claude Leny - Sfen

A la mémoire de Jean-Claude Leny

Publié le 28 février 2017 - Mis à jour le 28 septembre 2021

Jean-Claude Leny qui fut Président de la SFEN de 1975 à 1977 est décédé en octobre dernier. Il est une figure emblématique de l’industrie nucléaire française qu’il a portée au plus haut niveau mondial de réussite. Portrait.

Ingénieur X-Télécom (1949) il débuta aux PTT mais fut rapidement appelé au CEA où il fut affecté au Service de Physique Mathématique sous la direction de Jules Horowitz. En 1958 il fut envoyé aux Etats-Unis où il put apprécier les qualités respectives des deux types de réacteurs les plus achevés, réacteur à eau bouillante (REB) et réacteur à eau pressurisée (REP); la marine américaine venait de choisir les REP pour équiper ses sous-marins, il observa : « ce choix nous livrait sur un plateau une masse fantastique d’expertise et de leçons tirées ».

Au début des années 1960, il rejoignait EURATOM à Bruxelles ; il fut chargé du projet ORGEL, une variante de réacteur modéré à l’eau lourde et refroidi par un liquide organique. Il s’installa en 1964 au Centre Commun de Recherche d’Ispra en Italie : une étape cruciale pour ORGEL était la réalisation, dans ce Centre, du réacteur d’essai « ESSOR » à construire avec le concours de l’industrie européenne. Il fallait relever de multiples défis : recruter des personnels, constituer des équipes internationales et les encadrer, sélectionner des industriels dont la participation était essentielle et conduire avec eux le projet, garder le cap dans le processus complexe des décisions fortement politiques des instances européennes. Le succès de la réalisation d’ESSOR témoigna des capacités de Jean-Claude Leny, de sa stature de meneur d’hommes et aussi de négociateur.

1970 fut une année charnière pour l’industrie nucléaire française : la Commission PEON recommanda « de lancer la construction de quatre ou cinq unités à eau ordinaire ». FRAMATOME était évidemment intéressée : filiale d’ingénierie nucléaire du Groupe SCNEIDER elle détenait la licence REP de Westinghouse, elle avait participé à la construction de la Centrale de Chooz et elle travaillait à celle de Tihange en Belgique. Elle gagna l’appel d’offre d’EDF pour la fourniture des chaudières nucléaires de deux unités à Fessenheim, en octobre 1970, face à la concurrence de la CGE avec des REB sous licence de General Electric, puis la commande des quatre chaudières pour Bugey en 1971. 

Jean-Claude Leny est alors appelé pour renforcer la direction de FRAMATOME qui se développe rapidement : en 1972 sa société-mère (devenue Creusot-Loire) lui fait apport d’ateliers lourds de fabrication, son ingénierie est vigoureusement enrichie, la fourniture du combustible est activement ajoutée au catalogue. Après le choc pétrolier, FRAMATOME reçoit commande en 1974 du premier « contrat-programme » d’EDF dans le cadre de sa politique judicieuse de standardisation et qui sera suivi ultérieurement d’autres.

FRAMATOME se lance aussi à l’exportation avec succès recueillant des commandes en Belgique (1974), Afrique du Sud (1976), Corée du Sud (1980) et Chine (1986).

Face à cette considérable charge de travail ingénierie-fabrication-construction, il fallait décupler (et d’avantage) le personnel en un temps record. Jean-Claude Leny a été à l’œuvre : il a recruté et rassemblé les talents et les compétences de divers horizons, les a intégrés, mis à la tâche sans délai. Son autorité était pleine et entière, requérant la loyauté la plus totale. Exigeant, il pouvait être dur mais il savait reconnaître les mérites, partager le succès. Clair sur les objectifs, il était lucide dans l’analyse des situations et pour concentrer les efforts sur l’essentiel.

Dans les périodes de changement politique et de bouleversement industriel (sortie de Westinghouse du capital en 1981, dépôt de bilan de Creusot-Loire en 1984), Jean-Claude Leny, grâce à ses bonnes connaissances des instances décisionnelles françaises et internationales, a œuvré avec beaucoup d’opiniâtré et d’intelligence pour préserver l’indépendance de la Société tout en mettant un terme à la licence.

Au début des années 1980, les mises en service des unités nucléaires se succédèrent, jusqu’à six par an : c’était la sanction de la réussite pour EDF et pour FRAMATOME. En 1983 Jean-Claude Leny devint Président de FRAMATOME qui atteignit bientôt le statut d’une société internationale comptant 15 000 employés dans le monde.

Quand Jean-Claude Leny quitta la Présidence de FRAMATOME en 1996 pour une retraite bien méritée, il laissa à ses successeurs une entreprise prospère et au premier rang de l’industrie nucléaire mondiale. 


Par ses compagnons de la SFEN