Le nucléaire à 70 €/MWh : cinq questions pour tout comprendre

Plafonnement des prix, captation de la rente nucléaire, fin de l’Arenh… EDF et le gouvernement ont trouvé un accord pour définir un prix de vente de référence de l’électricité nucléaire, à 70 euros. Celui-ci devrait être mis en place à partir de 2026 pour lisser les effets sur les particuliers et les entreprises d’éventuelles hausses brutales des prix de marché.
Pourquoi fallait-il un accord entre l’État et EDF sur le prix de l’électricité ?
EDF est actuellement contrainte de vendre une partie de sa production nucléaire à ses concurrents à un tarif fixe de 42 euros par MWh, dans le cadre de l’Accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh). Ce système pose plusieurs problèmes. D’une part, il prend fin en 2025, nécessitant ainsi la mise en place d’un remplacement anticipé. « Ces négociations étaient indispensables. Il était impensable de laisser le marché sans régulation », explique le ministre de l’Économie Bruno le Maire.
Nous avons conclu un accord entre l’État et EDF qui permettra à la France de rester l’un des pays les plus compétitifs en Europe pour l’électricité. Il pose les bases de la nouvelle régulation française de l’électricité nucléaire et fait entrer EDF dans le XXIe siècle. ↓
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) November 14, 2023
D’autre part, les mécanismes actuels de formation des prix n’ont pas permis de protéger les consommateurs français de la hausse des prix liée à la crise énergétique. « Au cours des deux dernières années, les prix de l’électricité ont augmenté de 80, 90, 100%. Les consommateurs ne l’ont pas vu, car nous avons mis en place un bouclier tarifaire. Mais ce bouclier a un défaut : il aura coûté près de 40 Mds d’euros », ajoute le ministre de l’Économie. La ministre de l’Énergie Agnès Pannier-Runacher précise même que « Cette nouvelle organisation permettra de déconnecter les prix de l’énergie du prix du gaz (et) de mettre fin à certains défauts de l’Arenh, en responsabilisant tous les acteurs du système ».
Quel est le prix de référence convenu entre l’État et EDF pour la vente de l’électricité nucléaire après 2025 ?
L’accord trouvé entre EDF et le gouvernement vise à garantir un prix moyen de l’électricité nucléaire autour de 70 euros par MWh. « Le bouclier tarifaire était une protection provisoire. L’accord obtenu avec EDF est une protection permanente », assure Bruno Le Maire. Ces dernières années, les prix sur les marchés ont atteint des records à plusieurs centaines d’euros.
« La valeur de 70 euros est le résultat de nos anticipations de long terme sur 15 ans à partir de 2026 », explique le cabinet de Bruno le maire. Ce dernier explique que « Le prix de référence est le prix moyen de la production nucléaire permettant à la fois de couvrir de façon soutenable l’ensemble des coûts du nucléaire existant ainsi que les investissements futurs, en particulier dans le programme nouveau nucléaire EPR2 ».
Comment comparer le prix de l’Arenh à 42 euros et l’accord à 70 euros ?
Les ministres en charge de l’Accord insistent pour dire que l’accord obtenu ne signifie pas une hausse des prix de l’électricité. Bruno Le Maire explique que « Tous ceux qui font des comparaisons avec les 42€ le MWh de la régulation précédente oublient que ce chiffre ne correspondait qu’à un tiers de la production nucléaire d’EDF ». En effet alors que l’Arenh ne portait que sur 100 TWh de production du parc, le nouvel accord s’entend sur l’ensemble de la production nucléaire française. Et l’Arenh ne représente qu’environ 50 % de la partie fourniture du prix de l’électricité qui comprend aussi une part transport et une part taxes (actuellement réduites à zéro).
Dans le régime actuel, le prix du mégawattheure, après l’application du bouclier tarifaire, s’élève à 130 euros par MWh pour un consommateur particulier et 200 à 300 euros par MWh pour une entreprise. Avec l’accord obtenu, les services du ministère de l’Énergie annoncent une hausse des tarifs de l’électricité de 10 % en 2024, puis visent une stabilité des prix à partir de 2026.
Comment seront protégés les consommateurs en cas de hausse des prix ?
Les consommateurs vont pouvoir bénéficier de la rente nucléaire, dès lors que les prix de marché repartiront à la hausse. Ainsi, ce mécanisme de plafonnement des prix sera mis en place pour protéger les consommateurs, selon la ministre de la Transition énergétique. Il sera activé dès que les prix pratiqués par EDF dépasseront significativement le prix d’équilibre moyen de 70 euros par mégawattheure (MWh). Lorsque le prix moyen atteindra les 78,5 euros le MWh, 50 % des revenus supplémentaires générés par EDF au-delà de ce seuil seront rétrocédés à la collectivité, bénéficiant ainsi aux consommateurs. En cas de dépassement du seuil de 110 euros, la collectivité captera 90% de ces revenus excédentaires.
Quel impact sur l’outil industriel d’EDF ?
EDF a subi les conséquences du bouclier tarifaire et du mécanisme de l’Arenh au cours des dernières années de crise. Par exemple en 2022, l’entreprise a dû céder 120 TWh de son électricité nucléaire (au lieu de 100 TWh) à 42 euros à ses concurrents alors que les prix de marché explosaient. Avec ce mécanisme EDF doit pouvoir protéger les consommateurs tout en assurant « la prolongation de nos centrales et la construction des nouveaux réacteurs », explique Agnès Pannier-Runacher.
Mais pour que le système soit efficient, EDF doit retrouver un haut niveau de production avec ses 56 réacteurs nucléaires en fonctionnement et l’arrivée imminente de l’EPR de Flamanville. Ainsi, Luc Rémont, PDG d’EDF explique « il nous faut produire plus pour atteindre une rentabilité ». L’électricien vise une production de 360 TWh et même vise un horizon de 400 TWh grâce à des augmentations de puissance du parc existant. ■
Par Ludovic Dupin (Sfen)
Copyright : Le 14 novembre, EDF et le gouvernement ont présenté leur accord sur le prix de référence de l’électricité nucléaire. De gauche à droite : Bruno Le Maire, ministre de l’Économie ; Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique ; Luc Rémont, PDG d’EDF. ©MTE