L’Allemagne peut-elle redémarrer ses réacteurs nucléaires ? - Sfen

L’Allemagne peut-elle redémarrer ses réacteurs nucléaires ?

Publié le 25 septembre 2023 - Mis à jour le 12 octobre 2023

La fermeture des réacteurs nucléaires en Allemagne pose à la fois un enjeu majeur sur la sécurité d’approvisionnement en Europe et retarde la décarbonation de l’électricité sur la plaque ouest européenne. Certains politiques outre-Rhin, se disent prêts à redémarrer les unités. Selon le cabinet américain Radiant energy Group, ce serait possible pour certains d’entre eux. 

Le 15 avril dernier, l’Allemagne fermait ses deux derniers réacteurs nucléaires : Emsland, Isar 2 et Neckarwestheim 2. Fin août 2023, le chef de file de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), Friedrich Merz déclarait que, si la CDU était au pouvoir, elle lancerait de redémarrage des centrales nucléaires. En juillet 2023, un rapport du Radiant Energy Group, une société de conseil américaine, évoquait la possibilité de redémarrer huit unités, dont cinq en moins de 9 mois dans le « meilleur scénario ». Dans leur rapport, les experts calculent que l’électricité allemande est aujourd’hui décarbonée à 50 %, contre 74 % si le pays n’était pas sorti du nucléaire.

Le sujet du redémarrage des réacteurs allemands est complexe, car les facteurs sont multiples (techniques, politiques, industriels, etc.) et il faut analyser chaque centrale. Le rapport du Radiant Energy Group mentionne que pour le redémarrage de ces huit réacteurs « aucun obstacle insurmontable n’a été identifié », mais que « du pragmatisme et du volontarisme étaient nécessaires ». L’obstacle politique semble néanmoins aujourd’hui suffisant important pour maintenir la situation. La question de la faisabilité de telles opérations pourrait à nouveau surgir lors des prochaines élections au Bundestag en 2025 et devra alors faire l’objet d’un nouveau point de situation.

Un redémarrage à réalisme variable

Dans son analyse, Radiant Energy Group classe les réacteurs en fonction de la facilité à redémarrer les unités. On y trouve trois critères : le statut de la licence d’exploitation, la position du Länder et la position de l’exploitant. Il est important de préciser que la colonne « licence » du tableau ci-dessous comprend les licences d’exploitation et de démantèlement. Ainsi, on pourra noter que la licence de démantèlement des réacteurs de Gundremmingen a déjà été délivrée.

Isar 2, prêt à redémarrer – Le réacteur de 1 400 MW est désigné comme le plus simple à redémarrer. Arrêté il y a quelques mois, Isar-2 bénéficie aussi bien du soutien de l’exploitant que du Land. Selon le Radiant Energy Group, il dispose même d’un combustible correspondant à « six mois de production à pleine puissance » et neuf mois en modulation de puissance. De plus, Isar 2 n’a pas encore reçu d’autorisation de démantèlement. Enfin, du personnel pourrait être mobilisé aisément pour le redémarrage.

Brokdorf, Gronde & Krümmel – Les trois unités bénéficient du soutien de l’exploitant (E.on), mais pas du Länder, que ce soit en Schleswig-Holstein, en Bade-Wurtemberg ou en Basse-Saxe. Du point de vue technique, le réacteur de Brokdorf serait le plus facile à redémarrer. En effet, selon une source proche, Grohnde a réalisé pendant l’été la décontamination des circuits (FSD) – ce qui poserait des difficultés pour la justification du bon niveau de sûreté de l’installation – et Krümmel est en bon état, mais nécessiterait de nouveaux équipements, dont le groupe turboalternateur, et donc de nouveaux investissements.

Neckarwestheim 2 et Emsland : les exploitants ont tourné la page – Le redémarrage de ces centrales, fermées en avril 2023, nécessiterait un soutien politique et industriel ce qui semble improbable à court terme. D’autant plus que l’état fédéral est le principal actionnaire de l’exploitant EnBW et que RWE ne souhaite pas continuer dans le domaine du nucléaire.

Grundremmingen B & C – Selon le rapport du Radiant Energy Group, les deux réacteurs de Grundremmingen, fermés en 2017 et 2021, n’ont pas subi d’opérations de démantèlement significatives et peuvent ainsi être redémarrés « si le démantèlement est suspendu par l’opérateur » indique cependant le Radiant Energy Group. Il souligne également la nécessité d’une action politique forte alors que l’exploitant, RWE, a lui-même jeté l’éponge. Le site dispose d’une licence de démantèlement, mais encore une licence d’exploitation comment mentionné plus haut, les licences se cumulent. Néanmoins « un redémarrage dans de telles conditions ferait probablement l’objet d’une décision de justice et il est peu probable que RWE se lance dans une telle bataille », explique une source proche du dossier.

Le cas de Fessenheim

En France, le débat se pose parfois dans la sphère politique sur le redémarrage de la centrale de Fessenheim dont les deux unités ont été arrêtées en 2020. Mais dans leur cas, leur remise en service est impossible. La centrale est en effet entrée en pré-démantèlement avec le démontage d’une partie des équipements de la salle des machines. Ces matériels sont soit utilisés sur d’autres réacteurs du parc, soit envoyés en ferraille. De plus, l’autorisation d’exploitation a été abrogée. Enfin, si la maintenance a été effectuée jusqu’au dernier jour, les importants travaux destinés à passer la barrière des 40 ans, eux, n’ont pas été engagés.

Gaïc Le Gros (Sfen)

Crédit photo ©Shutterstock – Centrale nucléaire d’Isar, 2022.