L’Allemagne ouvre la porte à la coopération avec la France sur le nucléaire

Berlin veut faire évoluer sa position traditionnellement anti-atome pour soutenir les efforts au niveau européen en faveur de la transition énergétique. Cette ouverture est saluée à Paris, mais contestée par les partenaires de coalition du nouveau chancelier.
Le glissement annoncé de l’Allemagne vers une posture plus pragmatique pourrait changer le traitement réservé à l’atome dans les politiques de soutien aux énergies bas-carbone à Bruxelles, mais aussi à la BEI ou la Banque Mondiale. Sous réserve que la question ne se transforme pas en sujet majeur de discorde entre les partenaires au pouvoir.
La visite du chancelier allemand Friedrich Merz à Paris le 7 mai a donné le ton, le couple franco-allemand appelant notamment à « mettre fin à toutes les discriminations au niveau européen à l’égard des énergies bas carbone, nucléaires comme renouvelables« . Qualifié de « changement radical », l’abandon de l’opposition de principe a été confirmé par des officiels allemands au Financial Times le 19 mai. C’est ensuite la ministre de l’économie et de l’énergie Katherina Reiche ne l’endosse lors d’un sommet à Bruxelles le 22 mai, déclarant, selon des propos rapportés Euractiv : « Nous suivons une autre voie que la France. Mais chaque tonne de CO2 économisée est une bonne chose. Nous devons être ouverts sur le plan technologique« .
La coopération de l’Allemagne permettrait de négocier une série d’évolutions souhaitées de longue date par la France, comme l’alignement du traitement entre le nucléaire et les énergies renouvelables dans les politiques de soutien aux technologies bas carbone, par exemple, pour la production d’hydrogène ou dans la Taxonomie européenne. L’absence d’objection de Berlin pourrait aussi encourager la revue des politiques de la BEI et de la Banque Mondiale en faveur du financement de nouveaux projets nucléaires.
La « guerre de religion » n’est pas finie
Le ministre de l’industrie et de l’énergie Marc Ferracci a résumé le soulagement à Paris en se félicitant, dans des déclarations à l’AFP le 23 mai, de voir l’Allemagne prête « à sortir de la guerre de religion sur le nucléaire« . Il a également rappelé que la France voulait obtenir un traitement comparable aux renouvelables dans le cadre du régime sur les aides d’Etat.
Cette liste de voeux contraste avec le démenti cinglant affiché le même jour par le ministre allemand de l’environnement et du climat Carsten Schneider. Dans des déclarations à la presse locale il a qualifié la prise de position de ses collègues « d’opinions privées« , et rappelé que le contrat de coalition n’autorisait pas le gouvernement à prendre une position sur le nucléaire. Tenant de la ligne dure de son parti, le SPD, il est allé jusqu’à affirmer qu’il ne pouvait « pas sérieusement qualifier une telle technologie de durable« .
La bataille de mots rappelle que le nouveau chancelier aura bien du mal à faire consensus pour afficher des ambitions domestiques claires sur le nucléaire. En matière de politique extérieure, l’abstention a aussi ses vertus. Mais elle ne suffirait pas pour dépasser les déclarations de principes et engager des mesures plus concrètes financièrement. ■