Label vert européen : le nucléaire toujours en suspens - Sfen

Label vert européen : le nucléaire toujours en suspens

Publié le 17 mars 2020 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Le lundi 9 mars 2020 a été publiée la version définitive du rapport du groupe d’experts techniques sur la finance durable. Ces derniers, mandatés par la Commission européenne, avaient la lourde tâche d’établir une classification des investissements considérés comme durables. L’avenir de l’énergie nucléaire reste en suspens tandis que la porte est ouverte au gaz, une énergie fossile pourtant fortement émettrice de CO2.

C’est un texte qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Le 18 juin 2019, la Commission européenne a publié un projet de « taxonomie européenne » visant à orienter les investissements des marchés financiers vers des activités dites « durables ». Ce projet est le fruit des travaux d’un groupe d’experts techniques de la Commission (Technical Expert Group, TEG) qui a passé en revue 70 secteurs économiques (agriculture, transport, énergie…). Afin de recueillir les sentiments des européens sur ce label, une consultation en ligne s’est tenue du 25 août au 13 septembre 2019 à laquelle la SFEN a participé. A ce jour, les résultats de la consultation n’ont pas été communiquées.

Le rapport du TEG a pour objet de nourrir le futur règlement européen sur la finance durable. A cette occasion, des lignes de fractures importantes entre les partenaires européens sont apparues. Une coalition de pays, menée par la France, plaidait pour l’inclusion du nucléaire au regard de ses nombreux bénéficies pour l’environnement. Tandis qu’un autre bloc de pays, farouchement antinucléaire, préférait voir un soutien affirmé au gaz, considéré comme une énergie de transition malgré son bilan carbone important (490g eq CO2/kWh selon le GIEC).

Le nucléaire fera l’objet d’une nouvelle analyse

Formellement le groupe d’experts ne rejette pas totalement l’énergie nucléaire. Ces derniers affirment ainsi que « les preuves de la contribution substantielle potentielle de l’énergie nucléaire aux objectifs d’atténuation du changement climatique étaient nombreuses et claires. Le rôle potentiel de l’énergie nucléaire dans l’approvisionnement en énergie à faible émission de carbone est bien documenté ».

Néanmoins pour ces derniers, le nucléaire ne satisfait pas au critère de non-préjudice significatif à l’environnement (do not significant harm en anglais, DNSH). Plus précisément peut-on lire : « En ce qui concerne les dommages potentiels importants à d’autres objectifs environnementaux, y compris l’économie circulaire et la gestion des déchets, la biodiversité, les systèmes d’eau et la pollution, les preuves sont complexes et plus difficiles à évaluer dans un contexte taxonomique ». Les experts concluent en précisant que la question de l’énergie nucléaire doit être traitée par un groupe d’experts ad hoc. Une préconisation déjà formulée après la première mouture du texte l’année dernière.

Pourtant, cette prise de position interroge. Les impacts sanitaires et environnementaux du cycle de vie des activités nucléaires ont déjà fait l’objet de nombreuses études et rapports internationaux de référence[1]. Le corpus scientifique existant permet de conclure dès aujourd’hui que l’industrie nucléaire européenne satisfait déjà l’exigence de non-préjudice significatif à l’environnement sur l’ensemble des critères étudiés. L’activité nucléaire est par ailleurs déjà soumise à cette exigence au sein de l’UE par une directive européenne[2] sous le contrôle des autorités de sûreté nationales.

Enfin, ce critère de non-préjudice significatif à l’environnement n’est pas appliqué avec la même rigueur quant aux effets à long terme possibles pour les autres technologies. Des organisations européennes, comme Foratom, ont ainsi plaidé pour une approche technologiquement neutre de ce principe.

Face à l’urgence climatique, l’option nucléaire

L’Union Européenne, tout comme l’Agence Internationale de l’Energie et le GIEC, s’est pourtant récemment prononcée à multiples reprises en faveur de l’énergie nucléaire. Fin 2018, la communication de la Commission européenne sur sa « stratégie énergétique de long terme » a confirmé que le nucléaire sera, au côté des renouvelables, le pilier d’un système énergétique européen bas carbone à l’horizon 2050 avec une part d’énergie nucléaire d’environ 15 % du mix électrique européen et une capacité installée relativement stable à 110 GWe.

Un message que plusieurs institutions européennes ont déjà entendu. Ainsi les gouverneurs de la Banque européenne d’investissement (BEI) ont retenu, le 14 novembre 2019, une approche technologiquement neutre. Ils se sont engagés à ne plus soutenir les énergies fossiles après 2021 et à continuer à financer toutes les technologies bas-carbone, y compris le nucléaire.

De même, le Parlement européen a voté le 28 novembre 2019 une résolution dans laquelle il estime que « l’énergie nucléaire peut contribuer à atteindre les objectifs en matière de climat dès lors que c’est une énergie qui n’émet pas de gaz à effet de serre, et qu’elle peut également représenter une part non négligeable de la production électrique en Europe ».

En effet, pour atteindre ses objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030, les besoins en décarbonation sont estimés entre 175 et 290 milliards d’euros par an. Le financement privé jouera un rôle clé dans cet effort.

Le rapport d’experts définitif étant remis. Le règlement européen relatif à la taxonomie devrait être adopté d’ici la fin de l’année 2021 afin d’être pleinement mise en œuvre en 2022.


Nuclear and Sustainable Development, AIEA, 2016

Directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs


Par Maruan Basic (SFEN)

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