Vers un jumeau numérique du projet Cigéo
Les équipes de l’Andra en charge du projet Cigéo travaillent depuis de nombreuses années sur le développement de moyens numériques haute performance capables de simuler l’évolution du stockage et de son environnement géologique depuis la période d’exploitation jusqu’à long terme. La semaine passée, l’Agence a fait un pas de plus dans le numérique en renouvelant son partenariat avec Inria. Décryptage des enjeux avec Frédéric Plas, directeur de la recherche et du développement de l’Andra.
Que vous apporte votre partenariat avec l’Institut national de recherche en sciences du numérique (Inria) ?
Frédéric Plas – Inria est reconnu en France et à l’international pour son expertise sur la simulation numérique. Il travaille notamment avec de nombreux acteurs des géosciences, comme le BRGM ou Total. Il nous ouvre une passerelle entre la recherche académique, qui a ses propres acteurs et ses propres objectifs, et nos volets très applicatifs et opérationnels.
Le partenariat que nous avons noué depuis 2009 nous permet de répondre à nos besoins sur les outils de simulation numérique. L’Inria nous apporte des compétences et différents outils, comme des méthodes numériques ou des méthodes statistiques. Ce partenariat est d’autant plus essentiel que l’Andra doit traiter des questions de simulation complexes par la diversité des processus physiques ou chimiques, par l’échelle spatiale des objets et les échelles de temps mis en jeu (séculaire pour l’exploitation, jusqu’à 1 million d’année en après fermeture pour Cigéo).
Quelles sont vos attentes vis-à-vis du renouvellement de ce partenariat ?
F.P. – Nos besoins en simulation numérique évoluent avec le projet Cigéo : d’un objectif principalement centré sur la démonstration de sûreté après fermeture avec le Dossier 2005, ces besoins sont aujourd’hui, et plus encore demain, élargis au développement industriel de Cigéo. Avec toujours comme exigence la sûreté de Cigéo, la simulation numérique nous aide pour l’optimisation de la conception et doit préparer l’observation-surveillance en exploitation. Il nous faut donc des outils de simulation de plus en plus précis et très performants. Trois grands thèmes sont concernés en premier lieu par la simulation numérique pour y répondre : le calcul haute performance au sens large, permettant d’améliorer la rapidité, robustesse, et la précision des simulations numériques, les couplages multi-physiques permettant d’améliorer les représentations des processus phénoménologiques et enfin les méthodes de gestion des incertitudes. A ces thèmes de base, dans la perspective de la réalisation et de l’exploitation de la phase industrielle pilote si Cigéo était accepté, s’ajoute l’intelligence artificielle et le big data.
Quels sont vos objectifs concernant l’utilisation des outils numériques ?
F.P. – La comparaison entre ce que l’on prédit et ce que l’on observe est essentielle. L’un de nos objectifs est d’avoir une représentation de l’évolution phénoménologique de Cigéo en trois dimensions prenant en compte notamment les aspects thermiques, hydrauliques, mécaniques ou chimiques. Dans la thermique et la thermo-hydraulique nous réalisons déjà des simulations 3D qui intègrent les enjeux du stockage ou du milieu géologique. Nous disposons ainsi d’une cartographie dans l’espace qui nous permet de visualiser le fonctionnement de Cigéo. Nous l’utilisons particulièrement aujourd’hui pour l’évaluation de ce qui se passera après la fermeture du site. Nous préparons donc la même chose sur la phase d’exploitation, ce qui nous permettra de démontrer que nous la maitrisons. En effet, il est nécessaire de valider que « le début de l’histoire » de Cigéo, c’est-à-dire la phase pendant laquelle il sera en fonctionnement, sera cohérent avec ce que nous anticipons après sa fermeture.
Enfin, ces simulations seront aussi utiles dans nos études sur la récupérabilité éventuelle des colis, en particulier pour maitriser les phénomènes qui se dérouleront au sein des alvéoles.
La simulation numérique doit ainsi accompagner le développement progressif de Cigéo et contribuer à donner aux futurs exploitants mais aussi, dans le cadre de la gouvernance de Cigéo, aux parties prenantes, des clés de compréhension de son bon fonctionnement et de son adaptation éventuelle.
Quelles sont les prochaines étapes ?
F.P. – Nous attendons des améliorations sur des processus de simulation qui nous permettront de disposer d’outils encore plus performants et détaillés, en support à l’exploitation de Cigéo. C’est particulièrement le cas de la mécanique, pour la stabilité des ouvrages souterrains. Nous cherchons à faire entrer dans nos outils de calculs des modèles phénoménologiques plus complexes pour renforcer la démonstration de nos marges et de la solidité de nos dimensionnements.
Les installations du futur seront couplées au numérique, et Cigéo n’y échappe pas. Une maquette numérique (BIM) est déjà en cours de développement. A terme, nous cherchons à avoir un jumeau numérique complet de l’installation. Il intégrera probablement toutes les données de nos modèles physiques. Nous pourrons alors les faire tourner en anticipation directement dans la maquette.