La fermeture de Fessenheim n’est pas une solution mais un problème
On ne peut que contester la pertinence de l’objectif d’une réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique à compter de l’année 2025. On ne voit pas ce qui justifie cette amputation, présentée par certains comme le projet primordial de la transition énergétique en France ! De même, on ne voit pas pourquoi 50% plutôt que 40% ou 60% ?
En faisant l’hypothèse raisonnable d’une consommation d’électricité approchant en 2025 les 600 TWh, il faudrait diminuer de 136 les 436 TWh nucléaires existants pour ramener le nucléaire à la moitié du mix électrique. Il faudrait donc fermer 22 réacteurs ( sur 58) et cela en un temps très court : entre 2018 et 2024 puisque le Président à annoncé qu’hormis Fessenheim, aucune autre centrale nucléaire ne serait fermée d’ici la fin du quinquennat en 2017. Mettre hors service plus d’une vingtaine de réacteurs dans des délais aussi courts serait un coup très rude porté à l’outil industriel. Une décision d’autant plus malvenue que la plupart des réacteurs susceptibles d’être arrêtés, approchant ou atteignant à peine les 40 ans dans les années 2020, pourraient se voir autorisés par l’Autorité de Sûreté Nucléaire à fonctionner encore 10 ou 20 ans ! De telles prolongations peuvent être légitimement pronostiquées si l’on considère par exemple la situation aux Etats-Unis où l’Autorité de sûreté a autorisé les trois-quarts des réacteurs nucléaires à poursuivre leur fonctionnement jusqu’à 60 ans.
Plus généralement, défaire en quelques années le tiers du secteur nucléaire français serait envoyer au pays et au monde un message négatif disant : la France ne veut plus s’appuyer sur son nucléaire ; elle le met sur une voie de garage en attendant d’en sortir. Un tel message de désengagement aurait un effet très préjudiciable auprès de nos partenaires et la France perdrait à coup sûr son aura et son leadership sur le marché nucléaire mondial avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les exportations et les emplois qui leur sont liés. Dans une déclaration à des médias français fin 2012, le Chef économiste de l’Agence Internationale de l’Energie, Fatih Birol, exprimait cette même idée en soulignant :
« le nucléaire produit une électricité à un coût raisonnable sans rejeter de CO2 et si la France veut continuer à exporter sa technologie nucléaire, qui est compétitive, je crois qu’en réduire la part à domicile n’est pas le meilleur argument de vente ».
Participant de cette même démarche de « détricotage » du nucléaire français, la fermeture annoncée de la centrale de Fessenheim n’apparaît elle non plus nullement justifiée, ni pour des motifs de sûreté, comme l’a établi l’ASN, ni pour des motifs stratégiques. Les promoteurs de ce projet ont-ils bien mesuré les difficultés qu’il entraînerait concernant l’équilibre offre/demande d’électricité, les emplois, le manque à gagner pour l’exploitant, la déstabilisation économique régionale, les indemnités à verser aux partenaires étrangers qui possèdent des parts (32%) dans l’installation ?… Quiconque examine le dossier devrait vite s’apercevoir que la fermeture prématurée de Fessenheim n’est pas une solution mais un problème.
Issu du cahier du Cahier d’acteur de la SFEN dans le débat sur la transition énergétique: Projet pour une transition énergétique réaliste