L’expertise nucléaire française dans le suivi de charge séduit en Europe - Sfen

L’expertise nucléaire française dans le suivi de charge séduit en Europe

Publié le 24 octobre 2017 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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  • Transition énergétique

Ayant développé une expertise depuis plusieurs années dans le suivi de charge de ses réacteurs nucléaires, le savoir-faire français attire des exploitants étrangers, notamment européens, désireux d’apporter de la flexibilité à des réseaux électriques de plus en plus difficiles à équilibrer en raison de l’importance croissante des sources de production intermittentes.

L’électricité ne se stocke pas, ou très peu, alors que la consommation – et de plus en plus la production – fluctue en permanence. Pour équilibrer offre et demande et éviter le black out, production et consommation doivent concorder. L’un des outils à disposition des opérateurs du réseau électrique consiste à mobiliser, à la hausse comme à la baisse, la puissance des unités de production d’électricité pilotables. Un procédé appelé « suivi de charge » qui fait classiquement appel aux barrages de lac, aux centrales thermiques, mais aussi, en France, au nucléaire.

Méconnue, la souplesse du parc nucléaire français permet d’ajuster à tout moment l’offre de production des différentes énergies variables à la demande des consommateurs. En général trois types de fonctionnement en régime flexible sont définis : réglage de fréquence primaire et secondaire (dépendant de la demande du réseau) et programmes de charge variable prédéfinis (avec des réductions ou des augmentations de la puissance délivrée convenues à l’avance avec l’opérateur du réseau). Ainsi, un réacteur peut varier de 100 % à 20 % de puissance en une demi-heure, et remonter aussi vite après un palier d’au moins deux heures, et ce deux fois par jour.

 
Le suivi de charge a-t-il une incidence sur la sûreté ?
A l’été 2017, le « suivi de charge » a été mis en cause dans la corrosion des barres de combustible des réacteurs de la centrale nucléaire de Brokdorf, dans le nord de l’Allemagne. Selon les experts, la raison pourrait toutefois être trouvée dans l’augmentation de la puissance du réacteur, passé de 1440 à 1480 MW en 2006. D’autant qu’EDF, qui pratique le « suivi de charge » depuis des années sur des dizaines de réacteurs, n’a jamais constaté de lien entre cette technique de production et la corrosion des assemblages combustibles. Selon le retour d’expérience de l’électricien, la corrosion dépend essentiellement de l’irradiation des assemblages et de la température et, bien sûr, de la chimie de l’eau primaire et des matériaux des gaines. Le niveau de puissance influe certes sur la température du circuit, de quelques degrés, et durant environ 5 % de la durée d’un cycle, mais ce n’est pas suffisant pour avoir un impact mesurable.
 

Une technologie à l’utilité croissante

En Europe, la capacité de production installée des énergies renouvelables intermittentes progresse année après année, et avec elle un besoin journalier d’équilibrage du réseau toujours plus important. C’est dans ce cadre qu’AREVA NP exporte sa technologie permettant à un réacteur d’effectuer du suivi de charge. Dernier cas en date, mi-octobre, avec l’installation par l’entreprise française de sa technologie AFLC (pour Advanced Load Following Control) à la centrale de Goesgen, en Suisse, permettant d’ajuster automatiquement la production d’électricité aux besoins de l’exploitant du réseau. Cette solution de suivi de charge proposée par AREVA NP permet de faire varier la production de la centrale entre 50 et 100 % de sa capacité installée sans intervention de l’exploitant. L’adaptation de la production peut être réalisée avec des augmentations de puissance allant jusqu’à 30 mégawatts par minute.

Dès 2008, AREVA NP avait déjà fourni sa technologie ALFC aux centrales nucléaires allemandes Philippsburg 2, Isar 2, Brokdorf et Grohnde, et de nouveaux projets internationaux sont envisagés, notamment grâce à l’adaptation en cours de la technologie ALFC à d’autres conceptions de réacteurs.


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Les perspectives

L’approche française du suivi de charge nucléaire ne prévaut pas dans la plupart des autres pays où la part du nucléaire y est moins importante et où cette source d’énergie est utilisée « en base », les réacteurs fonctionnant à puissance maximale sans variation. Dans ces pays, l’essentiel de la flexibilité est apporté par des sources de production thermiques ou hydrauliques. Pourtant, à mesure que les capacités renouvelables progresseront, d’autres pays pourraient être amenés à recourir au suivi de charge pour leurs centrales nucléaires.

En France, avec la fermeture progressive des centrales thermiques à flamme, et sauf à vouloir ouvrir de nouvelles centrales à gaz (et donc augmenter les gaz à effet de serre) le nucléaire deviendra un atout toujours plus précieux dans l’équilibrage du réseau et contribuera à intégrer au mieux le développement des énergies renouvelables.

Crédit photo : EDF / COLIN MATTHIEU


Par Tristan Hurel (SFEN)

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