Avec Washington, l’Ukraine relance la construction de réacteurs

L’Ukraine cherche à développer de nouvelles infrastructures énergétiques avec l’aide des États-Unis. En particulier, le programme de construction de neuf réacteurs américains AP1000 prend forme avec de premiers travaux à Khmelnytskyï. Sur cette même centrale, située dans la partie ouest du pays, l’Ukraine progresse pour finaliser deux chantiers mis en pause en 1990.
Alors que la centrale de Zaporijia, la plus grande du pays est aux mains des troupes russes et que les structures énergétiques du pays sont prises pour cible, l’Ukraine est à la recherche de nouvelles solutions. Déjà, l’Ukraine souhaite rapidement finaliser les chantiers, interrompus en 1990, de deux unités à la centrale de Khmelnytskyï. De plus, Energoatom et Westinghouse ont annoncé le 15 avril 2024 avoir commencé les travaux pour accueillir les deux futurs réacteurs américains de la centrale, les premiers sur le continent européen.
La centrale nucléaire de Khmelnytskyï se situe dans la ville de Netichyn à moins de 300 km de Kiev, à l’ouest, et à 100 km au nord de la ville de Khmelnytskyï – comme les autres centrales nucléaires, elle porte le nom de son oblast (division administrative ukrainienne) et non celui de la municipalité. Deux réacteurs de technologie russe (VVER) de 1000 MWe sont en exploitation, les unités n°1 et n°2, depuis 1987 et 2004. Deux autres unités, dont la construction avait été lancée en 1986 et 1987, sont restées inachevées. La troisième unité est considérée comme terminée à 75 % [1]. La centrale de Khmelnytskyï n’a pas été totalement épargnée par le conflit, l’interception de drones à 5 et 20 km du site fin 2023 avait provoqué des dommages sans conséquences sur le bon fonctionnement de la centrale [2].
La future plus puissante centrale du pays ?
Le gouvernement ukrainien cherche dans un premier temps à compléter les deux unités inachevées, puis vise à construire deux nouveaux réacteurs cette fois-ci 100 % américains, des AP1000 (1 100 MW) [3]. Dans les deux cas, Westinghouse est en support des opérations. « Nous avons déjà réalisé un certain nombre de contrôles pour les centrales en opération, et pour celles en construction, KhNPP-3, KhNPP-4, qui complètent le savoir-faire d’Energoatom, a déclaré Patrick Fragman directeur général de Westinghouse. Westinghouse soutient les efforts d’Energoatom (NNEGC) dans les domaines où notre expérience et notre expertise peuvent être particulièrement utiles à l’Ukraine. Bien sûr, il ne s’agit pas du même rôle que pour les unités 5 et 6, pour lesquelles nous sommes des développeurs de technologie, mais je peux dire sans hésiter que, sur certains sujets, nous fournissons une aide à Energoatom ».
Energoatom, l’exploitant de la centrale nucléaire, annonçait en 2021 une inspection détaillée de l’unité n°3, avec Westinghouse, afin d’étudier les opérations à conduire. Selon les propos du ministre de l’Énergie ukrainien German Galushchenko de janvier 2024, « l’unité n°3 de la centrale nucléaire de Khmelnytskyï (KhNPP) pourrait être mise en service dès que possible, d’ici 2 ans et demi » [4]. Petro Kotin, le président d’Energoatom, a annoncé que l’Ukraine était en négociation pour acheter des composants VVER-1000 du projet bulgare annulé de Béléné à destination des unités 3&4. L’Ukraine espère obtenir un accord en juin 2024 (Reuters [5]). Le même mois, l’unité 3 devrait être prête à accueillir ses composants selon l’exploitant national [6]. Un projet de loi pour la reprise du chantier a été déposé à la Rada, le parlement ukrainien [7]. La réalisation de ces projets ferait de la centrale la plus puissante du pays devant Zaporijia.
La construction des deux premiers AP1000 en préparation
Le 15 avril, Energoatom et son partenaire américain ont annoncé le début des travaux pour la construction des AP1000 de la centrale nucléaire. L’unité 5 devrait bénéficier des équipements du projet de réacteur sur la centrale Virgil C. Summer en Caroline du Sud, abandonné en cours de construction en 2017. Cela permettrait d’accélérer la construction de la première unité, selon le PDG d’Energoatom. L’Ukraine vise à construire en tout neuf réacteurs AP1000.
Outre les réacteurs de grande puissance dont l’Ukraine souhaite équiper son parc nucléaire, Kiev s’intéresse également à la petite puissance, et, là encore, se tourne vers les États-Unis. Un accord a ainsi été conclu en avril 2024 entre Energoatom et la société Holtec qui développe le SMR-300 pour la création en Ukraine de capacités de fabrication de composants pour les petits réacteurs modulaires, ainsi que des systèmes de stockage et de transport pour le combustible nucléaire usagé. ■
Gaïc Le Gros (Sfen)
Photo – ©Energoatom – Petro Kotin, PDG d’Energoatom annonce les premiers travaux sur la centrale de Khmelnytskyï qui visent à stabiliser le site.
[1] https://www.world-nuclear-news.org/Articles/Completion-of-Khmelnitsky-3-begins-in-Ukraine
[2] https://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/update-190-iaea-director-general-statement-on-situation-in-ukraine
[3] https://www.kmu.gov.ua/en/news/pislia-budivnytstva-novykh-blokiv-khmelnytska-aes-stane-naipotuzhnishoiu-v-ievropi-herman-halushchenko
[4] https://www.kmu.gov.ua/en/news/pislia-budivnytstva-novykh-blokiv-khmelnytska-aes-stane-naipotuzhnishoiu-v-ievropi-herman-halushchenko
[5] https://www.reuters.com/business/energy/ukraine-hopes-start-installing-nuclear-reactors-bulgaria-june-2024-03-22/
[6] https://energoatom.com.ua/en/post/1762
[7] https://energoatom.com.ua/en/post/1762