Excell : point d’étape à mi-parcours

Lundi 8 novembre 2021, le groupe EDF et le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen) ont présenté un deuxième point d’étape du plan Excell : 22 des 25 engagements fixés initialement ont été atteints, voire dépassés.
Le plan Excell vise à permettre à la filière nucléaire de retrouver le plus haut niveau de rigueur, de qualité et d’excellence pour être au rendez-vous des projets nucléaires, en France ou à l’étranger. Présenté en décembre 2019 et lancé au printemps 2020, il comprend « 5 axes résumés en 5 mots clés : gouvernance, compétence, fabrication, supply chain et standardisation », détaillait en octobre 2020[1] à la Sfen Alain Tranzer, délégué général à la qualité industrielle et aux compétences nucléaires d’EDF.
Le 8 novembre 2021, un an après le dernier point d’étape, la montée en compétence de la filière nucléaire se confirme. Alain Tranzer, Marjorie Hazeveld, responsable du plan Soudage, Bernard Fontana, PDG de Framatome et Alain Gauvin, directeur général d’Onet Technologies et vice-président Grandes entreprises – ETI du Gifen ont fait état du plan Excell et de ses avancées.
Une gouvernance renforcée
La gouvernance des projets nucléaires a été renforcée par la mise en place du dispositif de contrôle des grands projets. Chaque projet engagé fait l’objet d’une revue trimestrielle présidée par le Président d’EDF. Le dispositif, déjà présent dans l’aéronautique ou l’automobile, vise à assurer le bon déroulement du projet en soumettant au comité la décision de passer d’une phase à une autre. L’idée est d’éviter que des aléas et des modifications interviennent alors que la phase suivante est déjà enclenchée. « On insiste sur le pilotage des aléas pour éviter un engorgement sur le chantier », explique Alain Tranzer. Pour ce faire, « nous capitalisons les bonnes pratiques du chantier de Flamanville sur celui d’Hinkley Point C (HPC) et les bonnes pratiques d’Hinkley Point C sur l’EPR 2 ».
Compétence et formation
L’Université des métiers du nucléaire (UMN) a été créée en avril 2021 et vise à faciliter la lecture et la cohérence d’ensemble des formations existantes, d’identifier les manques et les priorités afin d’apporter des réponses concrètes en impliquant les acteurs-clés des territoires, industriels, professionnels de la formation et de l’emploi. Alain Tranzer a illustré son propos avec la création d’une filière d’apprentissage dans le sud de la France pour répondre à un besoin localisé, dans le cadre du Grand carénage. « Nous nous appuyons sur les BTS existants, nous ajoutons un petit supplément de nucléaire et nous développons une année en apprentissage avec un emploi à la clé, à EDF, Framatome, Ortec, Endel, etc. », détaille-t-il. L’UMN n’est pas un établissement physique mais une bannière et une plateforme qui réunit les différentes formations labélisées. Pour en savoir plus sur l’UMN[2].
Le plan soudage : le retour de l’excellence
Le plan soudage vise à garantir la qualité de réalisation de bout en bout. La Haute école de formation soudage du Cotentin (Hefaïs[3]) a été créée, en partenariat avec Orano, Naval Group et les Constructions mécaniques de Normandie (CMN). Elle accueillera sa première promotion en septembre 2022 et permettra aux soudeurs de s’entraîner dans des conditions représentatives des milieux nucléaires ou de la marine, marqués notamment par leur exiguïté. « La formation ne suffira pas à former tous nos besoins en soudeurs, précise Marjorie Hazeveld, heureusement il y a d’autres initiatives dans la filière », souligne-t-elle. Celles-ci seront par ailleurs labélisées par l’UMN afin d’assurer leur conformité avec les exigences de la filière.
Les standards développés par la filière afin d’encadrer les risques ont permis de diminuer les soudures non-conformes. « Nous étions sur un niveau de 14 % de soudures sur site à reprendre sur le parc en 2020, expose Alain Tranzer. Ce niveau est de 8,8 %, à date, au bout de trois trimestres en 2021, sur un échantillon représentatif de 3 000 soudures. Nous visons 7 % soit une division par deux de la non-qualité des soudures sur site ».
Pour la construction des EPR 2, une version optimisée de l’EPR, trois leviers supplémentaires ont été mentionnés. D’une part, réaliser beaucoup plus de soudures en atelier avec des supers modules de préfabrication. L’objectif est de diviser par deux le nombre de soudures réalisées sur site par rapport à FLA3. D’autre part, multiplier par 10 les soudures réalisées de manière automatique. Enfin, digitaliser le suivi des soudures pour avoir une meilleure maîtrise de l’activité des chantiers.
Supply chain, fabrication et standardisation
Le plan Excell a permis de définir avec la filière 12 standards engageants pour « fabriquer conforme du premier coup ». Ils seront déployés dès 2022, ainsi que des contrats plus simples, qui équilibrent la relation entre EDF et ses fournisseurs. « Nous visons une exigence commune de ne plus envoyer de pièce vers le site sans que la pièce soit garantie sans défaut et sans trou dans la documentation, c’est ce que nous appliquons systématiquement sur tous les nouveaux contrat EPR 2 mais également rétrospectivement sur 26 contrats d’HPC et une dizaine de contrat du grand carénage », a explicité Alain Tranzer.
Facteurs de qualité et de sûreté, la standardisation et la réplication sont systématiquement privilégiées. Dans ce cadre, des catalogues d’usage obligatoire ont été définis afin de rationaliser l’usage des équipements au bénéfice de ceux qui ont fait leurs preuves. Par exemple, la diversité des robinets en catalogue a été divisée par 10, passant de 13 000 à 1 200 références. Autre exemple, la construction diesels d’ultime secours (DUS) a été standardisée.
Les objectifs à atteindre
22 des 25 engagements ont atteint, voire dépassé, les objectifs fixés et sont prêts pour un déploiement à grande échelle. Les trois points manquants seront atteints en 2022.
– Nomination de responsables fournisseurs stratégiques en face de 20 fournisseurs. L’objectif est de mettre d’accord sur un plan de performance pluriannuel très engageant la direction générale du fournisseur et celle d’EDF. « Nous considérons que nous avons encore besoin de trois mois de travail », a conclu Alain Tranzer.
– Renforcer la coopération et l’imbrication d’EDF et de ses fournisseurs sur la maquette du numérique des montages électromécaniques du chantier d’HPC. Théoriquement, toutes les définitions détaillées sont faites par EDF et les fournisseurs l’enrichissent avec des éléments d’exécution. Un outil complexe à mettre en place. En effet, des problématiques de cybersécurité ou de protection de la propriété intellectuelle, de droit d’accès, de droit d’utilisation ou d’accès à distance ont été identifiées. « Toutes les difficultés sont maintenant levées, a déclaré Alain Tranzer, il y a encore quelques développements informatiques nécessaires pour attaquer le déploiement courant 2022 ».
– Accélérer la gestion des aléas. L’objectif est que 95 % des non-conformités de fabrication débouchent sur une décision en moins de trois mois. « Sur le chantier d’HPC nous sommes à 93 %. C’est un très gros progrès par rapport à Flamanville où nous n’étions même pas à 80 % ».
Une intégration du retour d’expérience qui fait ses preuves à Hinkley Point C
Pour rappel, la centrale nucléaire d’Hinkley Point C comptera à terme deux réacteurs EPR. Ces derniers sont en construction depuis 2018 pour le premier et 2019 pour le second. L’intégration des retours d’expériences des chantiers précédents (Flamanville-3, Taishan-1&2, Olkiluoto-3) produit ses effets. Le délai pour gérer un aléa a ainsi été divisé par 4. Celui-ci est passé de 80 jours au troisième trimestre 2020 à 20 jours au troisième trimestre 2021. « On coule deux fois plus de béton qu’il y a un an, et malgré ça on a moins de stock d’aléas en management de projet à gérer », a déclaré Alain Tranzer.
La troisième phase du plan Excell
La troisième phase du plan Excell doit permettre de consolider les résultats acquis et pérenniser les actions engagées pour rejoindre les meilleurs standards industriels. Cet objectif de capitalisation se traduit par 30 engagements à tenir d’ici mi-2022.
« Dix-huit mois après le lancement du plan Excell, les premiers résultats sont là. L’année à venir doit nous permettre de consolider ces actions menées par l’ensemble de la filière nucléaire française et de retrouver le plus haut niveau d’exigence industrielle pour être au rendez-vous de la lutte contre le changement climatique », a déclaré Alain Tranzer.
[1] https://www.sfen.org/rgn/plan-excell-edf-point-avancement-15-octobre-2020/
[2] Article RGN UMN.
[3] En référence à Héphaïstos, dieu grec du Feu et maître des arts de la forge et du travail des métaux.
[1] https://www.sfen.org/rgn/plan-excell-edf-point-avancement-15-octobre-2020/
[3] En référence à Héphaïstos, dieu grec du Feu et maître des arts de la forge et du travail des métaux.