Enquête sur les prix de l'électricité : de la pertinence de pousser le nucléaire - Sfen

Enquête sur les prix de l’électricité : de la pertinence de pousser le nucléaire

La commission d’enquête sénatoriale a publié, le 4 juillet dernier, en plein entre-deux-tour des législatives, un rapport de 763 pages détaillant une série de recommandations visant à garantir des prix stables et abordables tout en soutenant une transition énergétique. Il réaffirme notamment « l’absolue nécessité d’une programmation de long terme sur l’énergie », la prolongation du parc nucléaire actuel et la construction de 14 EPR2.

La crise des prix de l’énergie a conduit le Sénat à initier, début 2024, une commission d’enquête pour proposer des solutions à long terme sur la production et la consommation d’énergie, tout en stabilisant les prix de l’électricité en France. La Commission d’enquête s’est notamment penchée sur la structuration du marché, les normes européennes, une vision prospective de la consommation d’électricité, ainsi qu’une revue des différents scénarios à horizon 2035-2050. Dans un rapport publié le 4 juillet, elle tire des nombreuses auditions plusieurs solutions, dont plusieurs concernent le nucléaire.

14 nouveaux réacteurs EPR 2 à horizon 2050

Le rapport de la commission d’enquête souligne la nécessité de construire 14 nouveaux réacteurs EPR2 d’ici 2050. Bien que le rapporteur appelle à « ne pas exclure des études sur un modèle de réacteur N4 modernisé », il admet que « la poursuite du programme EPR2 est probablement la stratégie la plus raisonnable ». La commission précise qu’elle « ne peut que recommander la confirmation de la réalisation d’un ambitieux programme de construction de 14 nouveaux réacteurs ». Ces réacteurs, conçus pour être plus sûrs et plus efficaces que les modèles précédents, sont essentiels pour répondre à la demande croissante d’électricité tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. La construction de ces réacteurs s’inscrit dans une stratégie de long terme visant à renforcer la capacité de production nucléaire de la France, assurant ainsi une source d’énergie stable et décarbonée.

Prolongation du parc nucléaire au-delà de 60 ans

La commission envisage des scénarios de production électrique de 700 et 850 TWh en 2050, avec une part de 60 % de nucléaire en 2035. Pour 2050, en plus de la mise en service de 14 nouveaux réacteurs, la commission insiste pour rendre possible l’exploitation des réacteurs existants au-delà de 60 ans. Cette prolongation, s’appuyant sur les enseignements de pays étrangers (en particulier les États-Unis), permettrait de maintenir une capacité de production élevée et est considérée comme « une solution extrêmement compétitive » tout en accompagnant « un déploiement des énergies renouvelables ».

Relance de la recherche sur les réacteurs à neutrons rapides (RNR)

La commission recommande de relancer les recherches sur les RNR. Ces réacteurs sont capables de prolonger la durée de vie de lever d’éventuelles tensions sur les ressources en uranium que la commission considère comme étant en voie de « raréfaction » et de réduire les déchets nucléaires. La relance de cette recherche est jugée cruciale pour garantir la pérennité de l’approvisionnement en combustible nucléaire et pour soutenir la transition vers une économie décarbonée. Au-delà de 2050, le rapporteur insiste pour avoir « un déploiement progressif d’un parc de réacteurs de quatrième génération » et des installations du cycle allant de pair.

Notons qu’il n’y a pas aujourd’hui de tension sur l’approvisionnement en uranium, comme cela avait été expliqué lors de la Convention de la Sfen de Printemps de 2024 sur l’alimentation du parc aujourd’hui et demain.

 

Un grand carénage pour le cycle nucléaire

La commission d’enquête souligne la stratégie de fermeture du cycle adoptée depuis plus de 50 ans. Elle vise à recycler le combustible, réduisant ainsi le volume et la toxicité des déchets ultimes. Le rapport souligne que la France maîtrise presque entièrement le cycle aval du combustible, incluant la conversion, l’enrichissement, la fabrication, le traitement et le recyclage mais « estime nécessaire de constituer une filière souveraine d’uranium de retraitement enrichi ». Le rapport met en évidence la nécessité d’un « grand carénage » des installations de retraitement et de recyclage pour prolonger leur fonctionnement au-delà de 2040.

Révision des textes européens contraires à la neutralité

Au-delà du nucléaire, pour assurer la stabilité et la compétitivité du mix énergétique français, la commission pousse pour une révision des directives européennes afin de permettre une plus grande flexibilité nationale dans la gestion du mix électrique. Les textes actuels sont parfois jugés contraires au principe de neutralité technologique et imposent des contraintes jugées disproportionnées.

Réduction des taxes sur l’électricité

Pour alléger la facture des consommateurs, la commission propose plusieurs mesures fiscales. La TVA sur la consommation de base serait réduite de 20 % à 5,5 %, le rapporteur souhaite que l’accise sur l’électricité passe de 21 euros à 9,5 euros par MWh. De plus, il propose une suppression de la Contribution tarifaire d’acheminement (CTA) ainsi qu’un Contrat pour différence (CfD) fixé entre 60 et 65 euros par MWh, garantissant un prix stable et prévisible pour les consommateurs et les producteurs. ■

Par Thomas Jaquemet (Sfen)

Image : Le Sénat @RICCARDO MILANIHans LucasHans Lucas via AFP