En pleine crise énergétique, la Belgique ferme le réacteur Doel 3
Le 23 septembre 2022, après 40 ans de service, le réacteur belge Doel 3 a définitivement été arrêté. Une fermeture vivement critiquée pour des raisons aussi bien climatiques qu’économiques.
« Une forte production nucléaire (représentant 52,4 % de l’électricité belge) a fait baisser la production des centrales à gaz et a permis d’augmenter les exports d’électricité », constatait le gestionnaire du réseau électrique Belge, Elia, en janvier 2022. Pourtant, en pleine crise énergétique en Europe, le gouvernement a maintenu la fermeture du réacteur numéro 3 de la centrale nucléaire de Doel située au nord du pays. Avec une production totale de 270 TWh et un facteur de charge de près de 80 %, Doel 3 a évité l’émission de 100 millions de tonnes de CO2, si cette production avait été réalisée avec des centrales à gaz. Le gaz en Belgique représentait par ailleurs 25 % de la production électrique en 2021 et 35 % en 2020.
⚛️ Après 40 ans de service, le réacteur #nucléaire de #Doel3 sera arrêté aujourd’hui.
👏 Merci à tou.te.s les professionnel.le.s du nucléaire qui ont contribué à produire autant d’électricité bas carbone en Belgique en toute sûreté au fil des années.
📊 Quelques chiffres… pic.twitter.com/ub7jEbg0CF
— Forum Nucléaire (@ForumNucleaire) September 23, 2022
Une fermeture dans un contexte troublé
La fermeture de ce réacteur a été actée en 2003 dans le cadre du plan de sortie du nucléaire du pays. Celui-ci, porté par le « Parti Écolo » mettait un point final à l’exploitation des réacteurs dès leurs 40 ans. Or, Doel 3 fut mis en service en juin 1982. Les verts belges se placent donc dans la continuité de la loi de 2003 pour ce réacteur malgré le chamboulement des marchés de l’énergie depuis l’invasion russe en Ukraine déclenchée en février 2022. ce nouveau paradigme énergétique a eu un impact sur la loi de 2003 puisqu’en mars 2022, le gouvernement a repoussé la sortie du nucléaire de 10 ans avec la prolongation de Doel 4 et de Tihange 3. Il a été également décidé que Doel 1&2 iront jusqu’en 2025 soit 50 ans d’exploitation. Mais le réacteur de Doel 3 faisait l’objet d’une attention particulière de la part des partis antinucléaires.
Doel 3, une fermeture symbolique
La fermeture du réacteur revêt une certaine symbolique. Tout d’abord, c’est le premier réacteur à fermer alors que ce n’est pas le plus vieux du parc belge. Ensuite, le réacteur a souvent été présenté, à tort, comme « fissuré » par ses opposants, notamment l’actuelle ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten.
En effet, en 2012 de nouveaux appareils de contrôles non destructifs repéraient des anomalies dans la cuve des réacteurs de Doel 3 et de Tihange 2. Il s’agit de microbulles d’hydrogène (et non de fissures). Selon l’Autorité de sûreté nucléaire, l’Agence fédérale de Contrôle nucléaire (AFCN), les conclusions des divers tests et analyses au fil des ans ont montré que la présence de microbulles d’hydrogène « n’avait pas d’impact anormal sur les propriétés mécaniques des cuves de Doel 3 et Tihange 2 » et que celles-ci n’évoluaient pas.
Une orientation qui divise de plus en plus
La contestation résonne dans plusieurs partis politiques belges. Le parti de la N-VA[1], la Nouvelle Alliance Flamande (Nieuw-Vlaamse Alliantie), avait même demandé en juin que la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten soit dessaisie du dossier sur les conditions de prolongation de Doel 4 et Tihange 3. La N-VA accusait la ministre de vouloir faire échouer les négociations avec Engie. Quelques jours avant l’arrêt de Doel 3, la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (Chrétiens-démocrates et Flamands (CD&V[2])), a provoqué la colère de la vice-première ministre écologiste (Groen[3]) en demandant à l’AFCN « s’il serait possible de reporter l’opération de démantèlement de Doel 3 au cas où une relance du réacteur était envisagée ultérieurement ». La vice-première ministre s’est dite « choquée » par cette remise en cause du calendrier « à quelques jours de la mise à l’arrêt des opérations », rapporte Le Monde. « Les verts doivent comprendre que leur opposition au nucléaire nuit gravement à l’intérêt général », a également déclaré le président de Mouvement réformateur (MR)[4].
À mentionner également, la mobilisation de la société civile avec une manifestation de Stand Up for Nuclear devant la centrale nucléaire de Doel le 23 septembre dernier. Selon un sondage de Polaris réalisé pour le Forum nucléaire belge, 66 % des Belges souhaitent que la Belgique continue à utiliser l’énergie nucléaire après 2025 contre 44 % en 2020. De plus, 72 % des Belges estiment également que l’énergie nucléaire fait partie de la solution climatique (contre 60 % en 2020). ■
Gaïc Le Gros (Sfen)
Photo Dursun Aydemir / Anadolu Agency via AFP
Légende : Manifestation contre la fermeture du réacteur Doel 3 le 23 septembre 2022.
[1] 24 députés sur un total de 150 à la Chambre des représentants.
[2] 12 députés sur un total de 150 à la Chambre des représentants.
[3] Ecolo-groen, 21 députés sur un total de 150 à la chambre des représentants.
[4] 14 députés sur un total de 150 à la chambre des représentants.