L’empreinte écologique des réacteurs de 4e génération - Sfen

L’empreinte écologique des réacteurs de 4e génération

Publié le 24 novembre 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Demain, l’empreinte écologique des réacteurs nucléaires sera-t-elle encore plus faible qu’elle ne l’est aujourd’hui ? C’est en tout cas la promesse des projets de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium dont l’objectif est de produire une énergie quasi illimitée tout en réduisant le volume de déchets radioactifs, les rejets thermiques et chimiques, ainsi que la dose perçue par les travailleurs. A l’occasion des journées techniques « Nucléaire et environnement » (26 et 27 novembre), panorama des atouts écologiques de ces réacteurs de demain. 

Brève histoire des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium

Les réacteurs à eau ont vu se succéder les réacteurs prototypes de première génération, puis les réacteurs de deuxième génération qui constituent le parc actuel et enfin les réacteurs de troisième génération (comme l’EPR).

Les réacteurs à sodium liquide ont, à plus petite échelle (seulement 19 réacteurs exploités dans le monde), suivi le même processus depuis 1951, date du premier réacteur nucléaire producteur d’électricité, refroidi avec l’eutectique sodium/potassium (NaK). Des réacteurs prototypes génération 1 ont fonctionné (Rapsodie en France), puis des réacteurs de deuxième génération intégrés au réseau de production (Phénix et Superphénix en France ou BN 600 en Russie). Actuellement, de nouveaux réacteurs sont en procédure de démarrage, qui s’appuient sur l’expérience de ces réacteurs de seconde génération : BN 800 en Russie et PFBR en Inde. Peut-on les appeler réacteurs de troisième génération ?

Quant aux réacteurs rapides sodium de quatrième génération, ils n’existent encore que sous la forme de projets.

Il faut signaler que les réacteurs de quatrième génération sont étudiés dans le cadre du forum International Génération IV (GIF). Actuellement, six types de réacteurs font l’objet d’une étude. Les réacteurs rapides (RNR) à sodium sont l’un de ces six concepts. Ils disposent d’une expérience industrielle plus importante que les autres concepts qui, pour évoluer, devront passer par des phases de prototypes de première génération.

 

Une énergie quasi-illimitée

Le combustible des réacteurs rapides est constitué d’environ 20 % de plutonium et de 80 % d’uranium naturel ou appauvri. En cas d’utilisation de couvertures fertiles, il est possible de disposer de plus de plutonium qu’au départ, celui-ci ayant été créé grâce aux captures de neutrons par l’uranium. Phénix avait, par exemple, un taux de surgénération de 1,16 (soit 16 % de plutonium de plus en fin de cycle)

Avec ce plutonium disponible, il est possible de fabriquer un nouveau combustible après retraitement : le MOX. Le processus peut se répéter si l’on continue d’apporter de l’uranium, naturel ou appauvri. Le réacteur fonctionne donc en brûlant l’intégralité de l’uranium et pas seulement l’isotope 235 de l’uranium naturel comme c’est essentiellement le cas dans les réacteurs à spectre thermique.

Avec les stocks d’uranium appauvri présents sur le territoire français et le plutonium issu du combustible usé des centrales, les RNR permettraient à l’Hexagone d’assurer son approvisionnement énergétique pendant des millénaires, sans avoir besoin de mine d’uranium, ni d’usine d’enrichissement.

 

Une réduction des déchets en quantité et en dangerosité

Les réacteurs rapides au sodium font partie d’un ensemble basé sur les réacteurs à eau et le retraitement. Cet ensemble permet de minimiser la production de déchets. Aujourd’hui, le retraitement des combustibles usés permet déjà de valoriser jusqu’à 96 % de la matière. Il ne reste alors que 4 % de déchets finaux représentants environ 40 tonnes/an en France pour l’ensemble du parc en exploitation. Cependant, après un second passage en réacteur, l’uranium et le plutonium récupérés lors du retraitement, ne sont plus utilisables dans ces réacteurs à eau pour des raisons de neutronique, à cause de la création d’une trop forte proportion d’isotopes indésirables. Les réacteurs rapides n’ont pas ces problèmes : tous les isotopes du plutonium sont fissiles en spectre rapide. Ils peuvent donc fonctionner en multi-recyclage. Ce qui conduit à une réduction importante des déchets finaux, qui se limitent alors pour l’essentiel aux produits de fission.

Les réacteurs rapides peuvent être surgénérateurs (producteurs de plutonium) ou sous-générateurs (consommateurs de plutonium), selon la mise en place ou non de couvertures fertiles. Ils permettent donc d’optimiser la gestion des stocks de plutonium, soit en fonctionnant en surgénérateur si on désire charger de nouveaux réacteurs rapides, ou charger des réacteurs à eau avec du MOX, soit en fonctionnant en sous-générateurs si on décide de limiter ces stocks.

Enfin, la séparation des actinides des produits de fission –  contributeurs de l’émission de chaleur des colis vitrifiés et de la radio-toxicité résiduelle à long terme des déchets ultimes – permet de diminuer drastiquement la radioactivité et la puissance résiduelle des déchets ultimes. La combustion de ces actinides est impossible dans les réacteurs à eau, mais, sous l’angle de la neutronique, possible sur les réacteurs rapides au sodium. Le choix optimal entre transmutation ou stockage des actinides mineurs reste ensuite à faire, sur la base de critères techniques et économiques.

 

Un bilan environnemental intéressant

L’expérience acquise dans l’exploitation de Phénix et de Superphénix montre que les rejets de gaz radioactifs des RNR sont presque nuls (la technologie actuelle ne permet pas de les mesurer). Le tritium est en grande partie capturé dans les « pièges froids ». Par définition, les sodiums primaire et secondaire restent confinés dans leurs circuits, ce qui empêche tout rejet extérieur en fonctionnement.

En matière de dosimétrie, les résultats aussi sont remarquables. La moyenne des doses individuelles reçues par le personnel sur une année était inférieure à celle reçue dans un vol long courrier et environ 50 à 200 fois inférieure à la radioactivité naturelle.

Lorsqu’ils entreront en exploitation, les RNR répondront au plus haut niveau de sûreté, au moins égal à celui des réacteurs à eau de 3e génération. En cas d’accident, la radioactivité sera confinée dans le réacteur, empêchant tout impact sur l’environnement et supprimant toute  nécessité d’évacuer les populations riveraines.

Enfin, les RNR garderont les atouts qui font du nucléaire une technologie essentielle pour la défense du climat et la lutte contre la pollution atmosphérique : ils n’émettront ni CO2, ni particules fines, ni aucun autre polluant dans l’atmosphère. 

 

Les réacteurs rapides refroidis au sodium sont des candidats sérieux pour représenter les réacteurs de quatrième génération. Leurs objectifs environnementaux sont ambitieux : possibilité de fonctionnement sur des millénaires sans besoin de mines d’uranium ou d’usines d’enrichissement, possibilité de brûler l’uranium et le MOX issus d’un second passage dans les réacteurs à eau, réduction importante des déchets finaux en quantité et en dangerosité… Leur haut niveau de sûreté permettra, en situation accidentelle, d’éviter tout rejet et évacuation des populations locales. Enfin, en fonctionnement normal, les rejets et la dosimétrie du personnel sont encore minimisés pour les RNR refroidis au sodium.

Publié par Joël Guidez (CEA)

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