Décryptage : l’accident de Saint-Laurent - Sfen

Décryptage : l’accident de Saint-Laurent

Publié le 20 mai 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Début mai, Canal+ a diffusé un documentaire sur l’accident nucléaire survenu en 1980 à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher). L’événement, qui n’a eu aucune conséquence sur les populations et l’environnement, est survenu sur une technologie de réacteurs aujourd’hui abandonnée : la filière Uranium Naturel Graphite Gaz (UNGG). Que s’est-il passé ? Quelle est la situation aujourd’hui ? Décryptage.

 

1980 : fusion du combustible

En France, le seul accident survenu depuis le début du nucléaire a eu lieu en mars 1980 sur le réacteur 2 de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux près de Blois.

Suite à un problème de corrosion, une plaque métallique du réacteur s’est décrochée et a obstrué les  canaux (voir encadré bleu). Cette plaque a ensuite gêné le refroidissement du cœur, entraînant la fusion de deux éléments de combustible (environ 20 kg d’uranium naturel enrichi à 0,7%). La chute de barres est intervenue 12 secondes après le début de dépassement des compteurs de la DRG (Détection Rupture de Gaine). Les éléments de combustible 1 et 2 du canal FO5 M19 C14 ont fondu et ont été retenus en grande partie par la culasse de rétention. La quantité d’uranium disséminé dans le réacteur a été estimée à 2,6 kg.

Les risques d’exposition à la radioactivité étaient accrus pour les travailleurs. Les équipes de la centrale et en particulier les opérateurs, ont su gérer cette situation exceptionnelle. L’accident, classé rétroactivement au niveau 4 de l’échelle INES (niveau le plus bas pour un accident), n’a eu aucune conséquence sur le personnel et l’environnement (aucun rejet radioactif identifié à ce jour).

Le réacteur, gravement endommagé, a été arrêté pendant trois ans et demi. Période pendant laquelle des travaux de décontamination ont été engagés pour le réhabiliter. Décontamination, nettoyage du canal, récupération des débris, puis des poussières dans le caisson… ces travaux ont duré deux ans.

Après de nombreux contrôles et vérifications par l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) et le ministère chargé de la sûreté nucléaire de l’époque, le réacteur a été autorisé à fonctionner de nouveau en octobre 1983. Quelques années plus tard, en 1992, EDF, exploitant de la centrale, a décidé d’en arrêter définitivement l’exploitation. L’entreprise s’était déjà tournée vers une autre technologie : les réacteurs à eau pressurisée (voir « Les enseignements »). Ce réacteur est aujourd’hui en cours de démantèlement.

 

 
LES ELEMENTS DE COMBUSTIBLE DES REACTEURS UNGG
Dans les réacteurs UNGG, le combustible est placé dans des « canaux » percés dans les briques d’un empilement de graphite. Une quinzaine d’éléments combustibles d’uranium naturel sont introduits dans chacun de ces canaux. Puis, du gaz carbonique caloporteur passe autour de ces éléments.
 

 

Aucune conséquence sur les populations et l’environnement

En 1993 et en 2003, les études radioécologiques menées sur plusieurs années successivement par l’IPSN et l’IRSN, ont montré que les quantités de plutonium trouvées dans les sédiments et les végétaux aquatiques de la Loire sont comparables à celles mesurées autour des autres centrales nucléaires françaises.

Dans une analyse publiée le 18 mai, l’IRSN indique que les traces des rejets de 1980 ne sont plus perceptibles dans la Loire depuis 1994. Et précise que « les traces de plutonium mesurées dans les sols dans le cadre de la surveillance à proximité des sites nucléaires d’EDF sont issues des retombées des essais nucléaires, sans influence discernable des rejets des centrales nucléaires ».

 

Les enseignements

Les premiers réacteurs nucléaires, construits en France entre 1958 et 1966, appartenaient à la filière UNGG (Uranium Naturel Graphite Gaz). Actuellement les six réacteurs UNGG (Chinon A1, A2, A3, Saint-Laurent A1, A2, Bugey 1) sont arrêtés et en cours de démantèlement. 

Au-delà de l’aspect technique spécifique aux réacteurs graphite-gaz, l’accident de 1980 confirme l’importance de maintenir en permanance le refroidissement du cœur.

Les UNGG étaient différents, ce qui rendait difficile le retour d’expérience entre les différents sites. La centrale de Saint-Laurent ne ressemblait pas à celle de Bugey, qui ne ressemblait pas à Chinon, car à l’époque la filière ne cessait d’évoluer.

Début des années 1970, la France a opté pour le REP pour équiper son parc nucléaire.

 

Une enquête administrative est en cours

Selon le reportage diffusé par Canal+, des effluents de plutonium auraient été rejetés dans la Loire en 1980, au moment de l’accident. Une enquête administrative a donc été ouverte par la Ministre de l’Energie et de l’Ecologie, Ségolène Royal pour « faire toute la lumière sur les circonstances et sur l’information dont ont bénéficié, alors, les autorités de contrôle ». 

 

Copyright photo – CORNUT CYRUS

Publié par Boris Le Ngoc (SFEN)

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