Les Verts finlandais et le nucléaire : interview de Peppi Seppälä

Interview réalisée par le forum nucléaire espagnol traduite en français par la Sfen avec l’autorisation de l’interviewée.
La protection de la nature et la lutte contre le changement climatique ont mené Peppi Seppälä à rejoindre le parti Vert finlandais. Porte-parole des Jeunes Verts de Finlande qu’elle a dirigés pendant 2 ans et conseillère municipale d’Espoo, la deuxième ville du pays, Peppi Seppälä explique la position de son parti vis-à-vis du nucléaire et sa démarche pour trouver un chemin commun vers un monde sans énergies fossiles.
Comment est née votre intérêt pour le nucléaire et comment en êtes-vous devenue une défenseuse ?
Il se trouve que, lorsque j’avais 13 ans, j’ai réalisé un exposé à l’école sur les dangers de l’énergie nucléaire. Cependant, ce n’est que bien plus tard, à l’université, que j’ai découvert comment le nucléaire fonctionnait réellement et quelles étaient les précautions prises par les centrales nucléaires. Au même moment, j’ai également découvert à quel point le changement de cap pour se séparer des énergies fossiles était sans commune mesure et combien il serait difficile, si ce n’est impossible, de réaliser ce tournant sans l’énergie nucléaire. Je ne me vois pas comme pro-nucléaire mais plutôt comme anti-fossiles, et c’est dans ce sens que je suis pour faire appel à tous les leviers disponibles.
Quelles sont les idées reçues concernant les centrales nucléaires ?
La première est qu’elles émettent (beaucoup) de CO2 alors que leurs émissions sont similaires, voire inférieures à celles des énergies renouvelables. La seconde idée reçue est qu’il n’y a aucune solution de stockage pour les déchets. En Finlande, nous avons construit une solution de stockage et des installations similaires pourraient être adoptées dans d’autres pays. Par ailleurs, on observe « deux poids deux mesures » avec les déchets nucléaires. Pour je ne sais quelles raisons, on pense que le nucléaire doit gérer ses déchets alors qu’on est OK que les centrales fossiles émettent leurs déchets dans l’atmosphère.
L’autre principale idée reçue est que le nucléaire est trop dangereux et risqué. Le nombre de personnes décédées lors d’un accident nucléaire est pourtant très fortement inférieur au nombre de personnes tuées chaque année par les énergies fossiles et leurs émissions.
Comment changer ces idées reçues ?
En ayant une discussion ouverte et factuelle ! Mais aussi en écoutant honnêtement les inquiétudes des gens. Par exemple, en Finlande, nous sommes transparents sur le fonctionnement des centrales nucléaires et nous organisons des visites pour les intéressés. C’est aussi important d’accepter que des personnes puissent avoir différentes opinions. Dans tous les cas, avoir une discussion constructive nous aide à trouver des solutions pour nos problèmes qui eux sont communs.
La Finlande a une solution pour le stockage des déchets. Pensez-vous que c’est un élément clef pour l’acceptation sociale ?
Je pense en effet que ça a un impact important. Bien que les dangers des déchets nucléaires soient parfois exagérés, avoir une solution complète est une bonne chose. J’espère que cela va inspirer les moyens de production d’énergie à se pencher sur la gestion de leur production de bout en bout comme le fait le nucléaire.
Pourquoi avez-vous décidé de rejoindre les Verts (finlandais) ?
J’ai toujours été inquiétée par la situation environnementale et le parti des Verts était le seul à prendre les risques du changement climatique au sérieux. Je partage aussi l’idée que nous devons prendre soin de tout le monde, même ceux qui ne peuvent se faire entendre, comme la nature et les générations futures avec qui nous partagerons la même planète.
À votre avis, pour quelles raisons votre parti a-t-il été amené à soutenir le nucléaire ? Est-ce qu’il y a des avis divergents sur ce choix au sein du parti ?
Je ne pense pas qu’il existe un seul parti politique où tous les membres seraient d’accord sur tout, et le parti des Verts comprend aussi des personnes qui sont plutôt hostiles à l’énergie nucléaire. Ceci étant dit, je pense que la principale raison de ce soutien se trouve dans le volume des discussions que nous avons eu sur les questions énergétiques. Ces échanges ont donné une compréhension globale et partagée de la situation, ce qui a amené des personnes opposées au nucléaire a changé d’opinion et à accepter, au moins partiellement, cette énergie.
Croyez-vous que cette vision favorable du nucléaire, partagée par certains de vos collègues suédois, va s’étendre à d’autres pays ?
Il y a un nouveau mouvement en Europe qui considère l’énergie nucléaire comme nécessaire pour se débarrasser des énergies fossiles. Je pense que, dans cette discussion sur l’atome, nous allons observer des changements au fur et à mesure que la transition énergétique et ses objectifs gagnent de l’importance. La chose la plus importante est de ne pas mettre les gens dans un coin, mais toujours garder un dialogue et trouver un chemin commun malgré les différences d’opinions.
Dans d’autres interviews, vous avez dit que, tant que les centrales étaient sûres, aucun parti finlandais ne souhaitait la fermeture prématurée de centrale nucléaire, est-ce bien ça ?
Oui, c’est exact. Les politiques finlandais ont souvent eu une vision pragmatique de la production d’énergie. Nos échanges sur le nucléaire ont plutôt concerné les problèmes de réalisation de projets et les retards que la fermeture de réacteurs.
Cette position est à l’opposé de la situation espagnole où l’agenda politique vise la fermeture des 7 centrales du pays entre 2027 et 2035. Avez-vous un commentaire à ce propos ?
Les mix énergétiques de chaque pays sont différents, il n’y a pas une seule solution qui conviendrait à tout le monde. En même temps, nous avons pu voir la crise énergétique en Europe après l’attaque de l’Ukraine par la Russie. Il semblerait également que nous ne soyons pas sur la bonne trajectoire pour limiter le réchauffement climatique sous les 1,5 °C. C’est pourquoi la fermeture de moyens de production bas carbone m’inquiète.
Vous avez pointé les avantages de l’association du nucléaire aux renouvelables. Pensez-vous que c’est la bonne solution ?
Je pense personnellement qu’une combinaison d’une énergie comme le nucléaire et des renouvelables, plus instables, est une transition plus facile que d’aller directement à du tout renouvelable. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas développer des solutions pour le stockage d’électricité ou d’économie d’énergie, mais nous ne pouvons pas tout miser sur ces seules mesures. C’est aussi important de prendre en compte la précarité énergétique qui serait causée par une production intermittente et des prix volatils.
Comment voyez-vous l’avenir du nucléaire dans le monde ?
Je pense que le nucléaire va croître dans la prochaine décennie, mais j’espère aussi que nous allons commencer à réduire la consommation énergétique de nos modes de vie. Il est important que les pays souffrants d’un manque d’énergie développent ce point, mais qu’en même temps, dans les pays plus développés, nous trouvions un moyen de réduire notre consommation.
Avez-vous un message à faire passer ?
J’aimerais qu’un maximum de personnes se renseigne sur les différents moyens de production énergétique et prenne en compte les avantages et les inconvénients. Cela pourra créer une base saine pour échanger et nous orienter vers les meilleures solutions énergétiques possibles pour notre avenir.■
Interview réalisée par le forum nucléaire espagnol traduite en français par la Sfen avec l’autorisation de l’interviewée.