Les déchets nucléaires: bon sens et confusions
Les déchets nucléaires sont souvent considérés comme un fardeau empoisonné que nous nous apprêtons cyniquement à léguer aux générations futures. A la source de ces images terribles qui nous viennent à l’esprit il y a souvent des idées qui sans être fondamentalement fausses mènent à des malentendus quand elles sont mal interprétées
D’abord l’idée que les déchets de haute activité « vont rester radioactifs pendant des centaines de milliers d’années »
Ce propos n’est pas faux techniquement parlant. Mais dès lors qu’il est exprimé, il aboutit rapidement à des interprétations trompeuses… car le fait que les déchets restent longtemps radioactifs n’est pas un problème dès lors qu’ils sont correctement confinés et ne peuvent atteindre en quantités dommageables les individus et l’environnement ! Et, de la même manière, il faut se rappeler que l’environnement dans lequel nous vivons est naturellement radioactif… à commencer par la terre du pot de fleurs sur notre balcon, qui contient un peu d’uranium et qui restera radioactive pendant des milliards d’années ! Cela montre que la question à considérer n’est pas celle de la durée mais celle de l’intensité de la radioactivité.
Pendant les « centaines de milliers d’années » en question, la radioactivité des déchets vitrifiés – qui a fortement décru au bout de 300 ans – sera certes toujours présente mais elle sera de plus en plus faible, bien inférieure à celle de nombreux gisements d’uranium naturellement présents dans l’écorce terrestre et ne menacera en rien les habitants de la planète. C’est pourquoi la fameuse expression, parfaitement exacte dans son énoncé, entretient un véritable malentendu car beaucoup l’interprètent comme l’annonce de périlleux lendemains pour nos descendants, lui prêtant ainsi un sens qu’elle n’a pas.
Ensuite parlons de l’idée que « enfouir ces déchets va empoisonner la Terre »
Est-ce que le stockage de ces déchets dans des couches géologiques profondes correspond à une pollution interne ? Notre planète est elle-même un gigantesque réservoir de radioactivité naturelle. Le flux thermique qui maintient chaud son sous-sol est dû pour 80% à la désintégration des éléments radioactifs présents en abondance partout dans la croûte terrestre, essentiellement uranium, thorium, potassium 40. La radioactivité n’est donc pas un « empoisonnement », c’est la toile de fond omniprésente du paysage souterrain. L’ajout de déchets à quelques centaines de mètres de profondeur ne modifie que très marginalement cette situation naturelle et ne constitue en rien l’ « empoisonnement » annoncé.
En quelques millénaires – une courte période à l’échelle des temps géologiques – le surcroit de radioactivité ainsi localement apporté se sera résorbé tandis que les radioéléments « autochtones » continueront leurs désagrégations successives appelées à durer encore des milliards d’années…
Pour finir comment se construit cette association du stockage avec « un fardeau pour les générations futures. »
Il est vrai que le centre de stockage des déchets est un projet qui traversera les siècles, et les générations. Mais peut-on réellement parlé de fardeau légué de manière immorale à nos descendants ? Nous ne le pensons pas ! Les deux mérites du stockage géologique qui mènent à un consensus international sur ce choix de gestion des déchets de haute activité sont qu’il offre une sûreté totalement passive, ne réclamant pas d’action particulière à la charge des générations suivantes ; et qu’il permet d’isoler les déchets de la biosphère pendant de longues durées, le temps que leur radioactivité soit revenue à des niveaux négligeables.
Comment ?
Le stockage est aménagé à l’intérieur d’une couche géologique stable et imperméable et à une profondeur suffisante (400 à 500 mètres) pour le protéger des séismes éventuels des terrains de surface ou d’autres phénomènes d’érosion ainsi que de possibles intrusions, volontaires ou non. Nos raisonnements nous poussent à associer un stockage sur des échelles de temps millénaires à des implications spatiales tout aussi vastes, imaginant un impact futur pour la planète entière et les générations qui l’habiteront.
Mais ici l’espace et le temps ne sont pas liés : Les quantités limitées de déchets produits par l’énergie nucléaire laisseront au centre de stockage une dimension strictement locale, loin des discours qui le rapprochent d’un « empoisonnement planétaire » au centre des préoccupations de nos descendants futurs.
Un impact radioactif très inférieur à la radioactivité naturelle
Finalement, la question essentielle à poser est la suivante : quel pourra être l’impact radioactif de ces déchets, dans un futur rapproché ou lointain, sur les populations vivant à proximité immédiate du stockage? Les analyses menées en France et au plan international s’accordent sur des niveaux très faibles, à la limite du mesurable.
La Règle Fondamentale de Sûreté française impose que dans le pire des cas la dose de radioactivité reçue par les individus les plus exposés ne dépasse pas 0,25 millisievert par an (soit environ le 1/10ème de la radioactivité naturelle). L’ANDRA la calcule à un niveau encore nettement inférieur.