La R&D dans la coopération franco-britannique - Sfen

La R&D dans la coopération franco-britannique

Publié le 4 mai 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021
eranian_philippe

Le nucléaire est une industrie du temps long dans laquelle la R&D occupe une place majeure. Pour innover et engager des programmes de recherche d’envergure, d’importants investissements doivent être consentis. Différents acteurs de plusieurs pays unissent leurs forces et travaillent ensemble. Quels sont les défis ? Quels sont les acteurs clés ? Sur quels projets sont-ils mobilisés ? La convention SFEN du 5 mars a été l’occasion de lever le voile sur ces coopérations.

 

Des deux côtés de la Manche, cap sur les réacteurs à neutrons rapides

Depuis plusieurs décennies, la France et le Royaume-Uni ont tissé des liens forts en matière de R&D. D’abord dans la Défense, puis, plus tard, dans le nucléaire civil. Dans ce dernier domaine, « nous travaillons en étroite collaboration avec le CEA » précise Paul Howarth, Directeur général du National Nuclear Laboratory (NNL).

Les deux centres de recherche ont signé un accord de coopération qui s’articule autour de trois projets : le réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH), les réacteurs à neutrons rapides et le cycle du combustible.

Le Royaume-Uni a rejoint le projet RJH en 2013. « Nous préparons avec eux et les autres pays partenaires les expérimentations qui auront lieu sur ce réacteur à partir de fin 2019 » précise Christophe Béhar, Directeur de l’Energie Nucléaire au CEA. Ce réacteur de recherche – qui remplacera son ainé Osiris – est indispensable pour continuer l’étude des problématiques du vieillissement des matériaux et améliorer les connaissances en matière d’accident grave.

Le CEA et le NNL ont tous deux acquis une expérience importante dans les réacteurs à neutrons rapides : chacun a exploité pendant une dizaine d’années ce type de réacteur, la France avec Phenix et la Grande-Bretagne avec Dounreay. Deux « trésors » en matière de retours dont la mutualisation est indispensable pour la réalisation et le succès d’un réacteur comme ASTRID.

Enfin, la France et le Royaume-Uni collaborent dans le domaine de l’assainissement et du démantèlement. « Beaucoup d’activités au Royaume-Uni ont des similitudes avec la France : il y à la fois des réacteurs électrogènes à assainir et démanteler, mais également des installations du cycle du combustible. » indique Christophe Béhar. 

 

Pour les jeunes britanniques, ce sera la fusion nucléaire

Le partenariat entre le CEA et NNL s’inscrit dans le long terme avec l’échange d’étudiants. « Formation, thèses… : on essaie le plus possible d’échanger nos étudiants. Il est intéressant de regarder comment nos voisins travaillent et voir comment nous pouvons travailler ensemble » résume Paul Howarth.

Outre-Manche, les nouvelles générations qui embrassent une carrière dans le secteur viennent de différents horizons, du monde de l’énergie bien sûr, mais aussi du secteur aérospatial. « Pour ces jeunes, le futur c’est la fusion nucléaire plutôt que la fission. C’est ce projet qui les motive à rejoindre le nucléaire » précise Martin Freer, Directeur de l’Institut de l’énergie Birmingham (BEI).

En attendant la rupture technologique, le Royaume-Uni, avec l’aide de la France, cherche à valoriser l’atout énergétique que représente plutonium. « J’espère que la gestion du plutonium sera utilisé pour préparer les réacteurs à neutrons rapides dont le développement dépend d’une stratégie dans l’aval du cycle » indique Christophe Béhar. 

 

 

La R&D chez les industriels

En matière de R&D, les industriels ne sont pas en reste. Avec un budget de 250 millions d’euros, EDF travaille à l’amélioration de la performance de ses activités opérationnelles. Pour Bernard Salha, Directeur R&D du groupe, « la recherche peut aussi être pour des enjeux immédiats ».

Chaque année au Royaume-Uni, l’électricien français, qui consacre 30 millions de livres à la recherche nucléaire, s’intéresse tout particulièrement aux réacteurs avancés refroidis au gaz (AGR) – une technologie qui se trouve uniquement au Royaume-Uni ; aux questions du vieillissement des installations et aux risques externes pour les réacteurs de génération 3.

Comme les organismes de recherche, EDF a développé des partenariats avec les acteurs de la filière nucléaire britannique : NNL pour l’étude des matériaux en exploitation, ou encore l’Université de Manchester avec l’ouverture d’un centre commun de simulation et de modélisation. 

 

Le rôle de la R&D dans le retour en force du nucléaire au Royaume-Uni

Pour quelles raisons le Royaume-Uni a–t-il décidé de se tourner (à nouveau) vers l’atome pour produire une partie de son électricité ?

La R&D, et NNL en particulier, a joué un rôle déterminant.

Retour en arrière. A l’origine, le gouvernement britannique s’est fixé pour objectif de réduire de 80 % ses émissions de CO2 en 2050. Le NNL a donc été saisi pour élaborer les scénarios de mix énergétique qui permettraient d’y arriver. Le résultat est sans appel : « il n’était pas possible d’atteindre cet objectif sans énergie nucléaire » résume Paul Howarth. Pour le laboratoire de recherche le mix énergétique de demain sera composé de « trois tiers » : renouvelables, énergies fossiles et nucléaire.

Après avoir dessiné la trajectoire, les acteurs engagent une autre étape : comment parvenir à multiplier les capacités de production bas carbone (75 GW d’énergie nucléaire 2050 contre 18 GW aujourd’hui) ? Aujourd’hui, « on ne sait pas encore comment faire. La R&D apportera des réponses sur le déploiement des réacteurs de 3e génération et l’utilisation des combustibles dans les réacteurs à neutrons rapides » précise Paul Howarth. 

 

 

Copyright photo – ERANIAN PHILIPPE