Bilan électrique 2022 : un système résilient malgré les crises
Le 16 février 2023, le gestionnaire de réseau RTE a présenté le bilan de l’année 2022. Les conditions exceptionnelles de l’année passée n’ont pas remis en cause la résilience du système électrique français. Les effets de la crise sont « essentiellement de natures économiques », relève RTE, et la France demeure l’un des pays dont l’électricité est la plus fortement décarbonée.
La forte hausse des prix du gaz, la faible disponibilité du parc nucléaire et de l’hydraulique font de l’année 2022 une année exceptionnelle. La production totale d’électricité française se situe à son plus bas niveau depuis 1980. Néanmoins, « il n’y a pas eu de rupture d’approvisionnement », se félicite RTE. Le gestionnaire souligne le rôle des interconnexions du réseau européen ainsi que la gestion de la crise par les pouvoirs publics, la remise en service d’un grand nombre de réacteurs nucléaires , des températures anormalement hautes pour la saison et une baisse de la consommation. Retour sur cette année exceptionnelle en cinq points.
- Une consommation d’électricité en net recul
La consommation d’électricité corrigée des aléas climatiques et des effets calendaires a représenté 459,3 TWh soit une baisse de 4,2 % par rapport à la moyenne 2014-2019. Sur la période 2021-2022, la baisse est de 1,7 %. « Tous les secteurs sont concernés par la baisse. L’industrie est la plus exposée aux prix de l’électricité, mais on a également observé une baisse du secteur résidentiel et tertiaire de l’ordre de 5 % en moyenne au cours des quatre derniers mois de l’année », explique Thomas Veyrenc, Directeur exécutif stratégie, prospective et évaluation chez RTE. Il est par ailleurs difficile d’attribuer cette dernière aux actions de sobriétés volontaires ou à la contrainte économique.
Les industriels électro-intensifs, ont, quant à eux, connu une baisse importante de leur consommation annuelle : chimie (-12 %), métallurgie (-10 %) et sidérurgie (-8 %). Une baisse exacerbée en fin d’année avec une consommation inférieure de 20 % entre septembre et décembre par rapport à 2021.
- La production d’électricité à son niveau le plus bas depuis 1992
Le volume total d’électricité produit en France est inférieur de 15 % par rapport à l’année 2021. En cause, les baisses des productions nucléaire (-82 TWh) et hydraulique (-12 TWh). « La disponibilité du parc nucléaire s’est située à un niveau historiquement faible, tout au long de l’année 2022, s’établissant à 54 % contre 73 % en moyenne entre 2015 et 2019 », note RTE. Ceci s’explique, d’une part, par le cumul d’indisponibilités prévues, notamment dans le cadre du programme Grand Carénage et des quatrièmes visites décennales des réacteurs les plus anciens, et d’autre part, par des indisponibilités fortuites, en particulier pour faire face au phénomène de corrosions sous contraintes découvert sur les réacteurs les plus récents et les plus puissants. Le minimum historique a été atteint le 28 août 2022 avec près de 65 % du parc à l’arrêt avant de remonter pour le passage de l’hiver. « À l’automne, la disponibilité du parc nucléaire a évolué comme prévu par RTE », précise le gestionnaire.
L’hydroélectricité a également été impactée lors cette année considérée comme la deuxième plus sèche observée après celle de 1989. Les stocks ont même « atteints des niveaux historiquement bas à la mi-juillet, fait savoir RTE. Seules la gestion responsable de ces stocks par les exploitants et des conditions climatiques favorables à l’autonome ont permis une forte contribution de la filière à la sécurité d’approvisionnement lors de la période hivernale ». La production hydraulique avec un total de 49,6 TWh est en recul de 20 % par rapport à la moyenne 2014-2019. L’hydroélectricité reste la deuxième filière productrice d’électricité en France derrière le nucléaire mais devant le gaz.
- Un impact CO2 maitrisé malgré la conjoncture
Le recours au parc thermique (charbon et gaz) pour la production d’électricité n’a pas atteint les niveaux redoutés limitant ainsi la hausse des émissions de gaz à effet de serre associée. En effet, les centrales à gaz ont été sollicitées à un niveau inédit : 44 TWh contre 32,9 TWh en 2021. Le gaz devenant ainsi la troisième énergie productrice d’électricité devant l’éolien. Les émissions ont légèrement augmenté avec un total de 25 MtCO2eq en 2022 contre 21,5 MtCO2eq en 2021, celles-ci demeurent néanmoins parmi les plus faibles d’Europe. En 2022, l’intensité carbone de la production électrique française est de 56 gCO2eq/kWh contre 141 gCO2eq/kWh en Espagne, 368 gCO2eq/kWh en Italie et 387 gCO2eq/kWh en Allemagne. En France, le charbon n’a représenté que 0,6 % du mix électrique (3 TWh) alors qu’il représentait 12 TWh/an en moyenne entre 2010 et 2018. RTE a par ailleurs observé un volume record d’énergies renouvelables installées (+ 5 GW) tout en notant que le rythme de déploiement n’était pas suffisant pour atteindre les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). « La consommation d’électricité en France est [également] parmi les plus décarbonées d’Europe, y compris en tenant compte des importations », a d’ailleurs pris le soin de préciser RTE.
- La France importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 1980
Pour la première fois depuis 1980, la balance des échanges transfrontaliers d’électricité est négative, avec un solde de 16,5 TWh, soit un peu moins de 4 % de la consommation d’électricité nationale. Ce solde s’est creusé pendant l’été au moment où la disponibilité du nucléaire et de l’hydraulique était au plus bas. « Les mois de juillet, août et septembre ont représenté à eux seuls 60 % du solde négatif soit 10 TWh », détaille RTE. Une situation dont le coût est à mettre en regard de la facture énergétique de la France. Les importations ont ainsi pesé pour environ 7 milliards d’euros sur une facture globale (électricité, pétrole, gaz, etc.) de 115 milliards d’euros, en augmentation de près de 60 milliards d’euros par rapport à 2021.
- Emballement des prix du marché de l’électricité
En 2022, les prix du gaz se sont envolés entraînant ceux de l’électricité. Il a été observé des prix records de 612€/MWh sur les marchés Spot en France au cours de l’été et même de 1 200€/MWh sur le marché à terme en août 2022 pour une livraison au premier trimestre 2023. Sur ces derniers, RTE dénonce l’attitude excessive des acteurs de marché vis-à-vis des fondamentaux du système électrique. RTE parle d’une perception des risques « démesurée au regard des risques effectifs de tension […] même dans des scénarios très pessimistes ». Cette prime de risque s’est effondrée avec le retour sur le réseau des réacteurs nucléaires et la baisse de la consommation électrique.
Le bilan électrique étant une analyse rétrospective, RTE a annoncé que le bilan de l’hiver sera proposé à la mi-mars et le bilan prévisionnel 2023 sera présenté cet été. RTE a par ailleurs annoncé l’arrivée d’un nouveau site regroupant des données et analyses.■