Belgique : sortir du nucléaire, subventionner le gaz
Le 1er octobre, le nouveau gouvernement fédéral a prêté serment 493 jours après son élection. Composé d’une coalition de sept partis politiques, il s’est notamment engagé à respecter le calendrier de sortie du nucléaire voté il y a presque 20 ans. Cette décision, portée par les écologistes belges, en plus d’être un non-sens climatique, menace aujourd’hui la sécurité d’approvisionnement du pays.
La sortie du nucléaire a été portée par les élus du parti « Ecolo » en 2003, lorsqu’ils faisaient partie du Gouvernement Verhofstadt I, notamment Olivier Deleuze, ex-directeur de Greenpeace Belgique (1989), alors Secrétaire d’État à l’Énergie et au Développement durable. La loi prévoyait alors l’arrêt des premiers réacteurs en 2015 après 40 ans d’exploitation : Doel 1&2 et Tihange 1. En 2009, le gouvernement d’Herman van Rompuy décide de prolonger l’exploitation de ces trois réacteurs nucléaires à 50 ans (accepté par le Parlement en 2015). Au sein de la coalition de 2020, on trouve les deux partis écologistes et antinucléaires belges « Ecolo » et « Groen » avec Tine Van Der Straeten (Groen) comme ministre de l’Énergie et Zakia Khattabi (Ecolo) au ministère de l’Environnement et du Climat. La sortie du nucléaire pour 2025 est maintenue mais les incertitudes sont encore nombreuses.
Le nucléaire en Belgique représente la moitié de la production électrique avec sept réacteurs à eau pressurisée répartis sur deux centrales nucléaires : Tihange et Doel. Pour pallier l’arrêt du nucléaire, le gouvernement souhaite soutenir la construction de nouvelles centrales à gaz et pour cela, le 4 avril 2019, la Chambre des représentants a adopté une loi destinée à subventionner les centrales électrogènes à gaz. La question de la prolongation de certains réacteurs nucléaires (Doel 3 et Tihange 4) reste pour le moment ouverte mais urgente. Le gouvernement a prévu une issue de secours afin de prolonger le nucléaire en cas de risque sur la sécurité d’approvisionnement ou d’augmentation du prix de l’électricité.
Un calendrier serré
Un rapport sur les projets sélectionnés pour le mécanisme de rémunération de capacité (CRM) est attendu sur la table du gouvernement pour novembre 2021. Il analysera l’état de la sécurité d’approvisionnement et l’impact sur les prix de l’électricité et donc la nécessité de prolonger jusqu’à 2 GW de nucléaire. Néanmoins, Engie Electrabel alerte sur le calendrier du gouvernement qu’il juge « insuffisant » pour faire adopter l’amendement par le parlement et réaliser des travaux en vue de la prolongation de l’exploitation. De plus, la Commission européenne a annoncé le 21 septembre l’ouverture d’une enquête approfondie concernant le mécanisme de capacité belge, ce qui pourrait retarder la publication du rapport. L’exécutif européen entend déterminer si ce mécanisme est conforme aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État. À titre préliminaire, la Commission a déjà indiqué que la Belgique « n’a pas encore suffisamment démontré ni correctement quantifié les éventuels futurs problèmes d’adéquation des ressources sur le marché belge de l’électricité »[1].
Une augmentation des émissions de CO2
Remplacer des capacités nucléaires qui émet 12 grammes d’équivalent CO2 par kilowattheure (gCO2éq/kWh) par des centrales à gaz qui émettent 490 gCO2éq/kWh aura un impact sur les émissions de CO2.
Le rapport d’Energyville, un projet collaboratif de recherche flamand[6], montre une hausse des émissions de CO2 : « Une prolongation de 10 ans de l’exploitation de deux réacteurs réduira les émissions de CO2 du secteur électrique de 25 millions de tonnes sur la période et une prolongation de 20 ans, de 45 millions de tonnes », précise le rapport.
Elia, le gestionnaire du réseau, prévoit une augmentation de la demande en électricité jusqu’à près de 6 TWh supplémentaires d’ici à 2030[7] ainsi qu’une augmentation des importations de 15 à 40 TWh[8]. Le bilan carbone des énergies importées variera fortement selon la provenance, par exemple, lundi 05 à octobre à 18h, les émissions de l’électricité produite en France, qui s’appuie sur le nucléaire et les renouvelables, étaient de 52 gCO₂eq/kWh contre 389 gCO₂eq/kWh pour les Pays-Bas et 301 gCO₂eq/kWh pour l’Allemagne, qui s’appuient sur les énergies fossiles[9] et les renouvelables.
[1] Enerpresse n°12663
[2] https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-en-belgique-une-transition-energetique-contre-le-climat-1008522
[3] https://economie.fgov.be/sites/default/files/Files/Energy/Etude-prospective-electricite-rapport-monitoring-securite-approvisionnement-decembre-2019.pdf
[4] file:///C:/Users/glegros/Downloads/20171114_ELIA_4584_AdequacyScenario.pdf
[5] https://www.electricitymap.org/zone/FR
[6] https://www.energyville.be/en/news-events/energyville-introduces-additional-energy-system-scenarios-electricity-provision-belgium
[7] https://economie.fgov.be/sites/default/files/Files/Energy/Etude-prospective-electricite-rapport-monitoring-securite-approvisionnement-decembre-2019.pdf
[8] file:///C:/Users/glegros/Downloads/20171114_ELIA_4584_AdequacyScenario.pdf
[9] https://www.electricitymap.org/zone/FR