Belgique : arrêt anticipé de deux réacteurs - Sfen

Belgique : arrêt anticipé de deux réacteurs

Publié le 2 avril 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Suite à l’identification de défauts sur les parois métalliques des cuves des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2, le 25 mars, l’électricien belge Electrabel (filiale de GDF Suez) a décidé d’anticiper l’arrêt de tranche de ces unités de quelques semaines en attendant les résultats des nouveaux tests. Une décision de précaution qui traduit la vigilance de l’exploitant en matière de sûreté nucléaire. 

 

Des défauts qui ressemblent à de petites cloques aplaties

En juillet 2012, des défauts avaient été identifiés dans les parois métalliques (d’une épaisseur de 20 cm) des cuves. Ces défauts qui ressemblent à de petites cloques aplaties ont une taille moyenne de 10 à 15 mm et une épaisseur semblable à celle d’une feuille de cigarette. Un phénomène que l’on retrouve dans d’autres constructions métalliques.

Suite au redémarrage des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 en mai 2013, l’autorité de sûreté belge (AFCN) avait demandé à Electrabel d’étudier et de tester le comportement des matériaux irradiés présentant déjà des indications de défauts. Réalisés en janvier 2014, ces tests avaient comme objectif de connaître l’effet combiné des défauts, du vieillissement et de l’irradiation. Une première dans le secteur nucléaire. 

Une multitude de tests ont été réalisés afin de déterminer les propriétés des matériaux de la cuve du réacteur. Considérant qu’il est extrêmement difficile de prendre des échantillons au sein même des cuves de Doel 3 ou de Tihange 2, les échantillons proviennent d’un bloc d’acier d’une virole fabriqués il y a trois ans en France par AREVA, pour construire un générateur de vapeur. Ce bloc d’acier contient également des défauts dus à l’hydrogène et possède la même composition chimique. 

Ces échantillons de métal ont été soumis à de fortes irradiations aux neutrons au sein d’un réacteur de recherche à même d’obtenir en 4 semaines l’équivalent d’une irradiation de 40 années. Trois tests ont été menés permettant d’évaluer la résistance du matériau : la traction, la ductilité à chaud (capacité à se déformer sans se rompre) et la ténacité (la quantité d’énergie qu’un matériau peut absorber avant de se rompre). Si les deux premiers tests ont été conformes aux attentes des experts, le troisième test, celui relatif à la ténacité, a divergé. 

C’est la raison pour laquelle, par mesure de précaution, Electrabel a décidé d’arrêter les réacteurs de Doel 3 et Tihange 2. Anticipant ainsi de quelques semaines, les arrêts de tranche qui étaient programmés aux mois d’avril-mai.

 

L’anticipation de l’arrêt de tranche ne présage pas d’une fermeture définitive

L’une des hypothèses pouvant expliquer les résultats du test de ténacité réside dans les différences dans la préparation de ce test : les échantillons du matériau étaient plongés dans l’eau (au lieu de l’être dans une capsule), une entaille a été faite avant l’irradiation et non après, ou encore les tests de ténacité ont été réalisés immédiatement après l’irradiation.

Afin d’obtenir une meilleure vision des résultats actuels, Electrabel a mandaté le Centre d’Etude de l’Energie Nucléaire (SCK CEN) qui va réaliser des analyses complémentaires. Les résultats seront connus le 15 juin prochain. 

On ne peut pas dire à l’heure actuelle si les réacteurs âgés de 32 ans (Doel 3) et 31 ans (Tihange 2) seront définitivement fermés. Par contre, leur éventuel redémarrage ne pourra être envisagé que si les résultats inattendus des tests de ténacité trouvent une explication satisfaisante et que d’autres tests permettent de montrer que l’effet de l’irradiation sur l’acier des cuves n’affecte pas de manière inacceptable ses propriétés. 

 

Quelles sont les conséquences sur le réseau électrique belge ? 

Suite à l’arrêt anticipé des réacteurs, le gestionnaire du réseau de transport électrique, Elia, a publié une analyse de l’impact de cette mesure. Si la sécurité d’approvisionnement n’est pas menacée dans les jours et les semaines à venir, « la situation pourrait potentiellement devenir préoccupante à moyen terme (hiver 2014 – 2015) vu les évolutions attendues dans le parc de production (fermetures récentes et annoncées de centrales au gaz et sortie prévue de Doel 1 et Doel 2 en février et octobre 2015) ». 

D’une capacité de production de 2 000 MW, les réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 fournissent à eux-seuls 15 à 20% de l’électricité de la Belgique. Elia évalue avec les autorités les possibilités de compenser cette perte.

Publié par Boris Le Ngoc (SFEN)