AREVA dans le partenariat franco-chinois
A quelques semaines de la COP21, François Hollande était à Pékin pour s’assurer de la mobilisation des autorités chinoises dans la lutte contre le changement climatique. A cette occasion, lui et son homologue Xi Jinping ont assisté à la signature d’un protocole d’accord entre AREVA et l’électricien chinois CNNC. Après Hinkley Point, la filière nucléaire française montre sa détermination à nouer un partenariat stratégique durable avec la Chine, premier marché nucléaire au monde.
Signé le 2 novembre, ce protocole entre AREVA et CNNC marque un tournant dans la coopération entre les deux entreprises sur le plan industriel et capitalistique. Le Chinois ayant annoncé son entrée prochaine au capital de l’entreprise française. Décryptage.
Une coopération industrielle centrée sur les activités du cycle de l’uranium
L’accord AREVA-CNNC porte sur l’ensemble des activités du cycle de l’uranium : extraction et enrichissement de l’uranium, traitement-recyclage des combustibles usés, transport et stockage des déchets, déconstruction des centrales. En revanche, il ne concerne pas l’activité réacteur, qui passera prochainement sous le giron d’EDF.
Le savoir-faire d’AREVA dans les métiers du cycle sont précieux pour la Chine. Acteur de référence dans le transport et l’entreposage des déchets, n°1 mondial dans le traitement-recyclage des combustibles usés, qui permet de fabriquer le combustible MOX, AREVA a des atouts à faire valoir pour une Chine qui a d’importantes ambitions en la matière.
Depuis 1987, la Chine a annoncé son ambition de fermer le cycle et sa stratégie de retraitement du combustible usé. Symbole de cette volonté : une usine de retraitement des combustibles semblable à celle de La Hague (Manche) sur le plan technique et de la production (capacité de 800 tonnes par an) devrait voir le jour dans les prochaines années. Selon la presse, le projet se monterait à plusieurs milliards d’euros. AREVA a fait une offre commerciale, mais rien n’est encore signé.
Le processus de sélection du site d’accueil de la future usine de retraitement-recyclage pourrait prendre jusqu’à trois ans. Aujourd’hui, six provinces ont été présélectionnées : Shandong, Jiangsu, Zhejiang, Fujian, Guangdong et Gansu. Les cinq premières abritent des sites en bord de mer alors que la dernière est située à l’intérieur des terres. D’après nos informations, les autorités locales de deux de ces sites auraient déjà retiré leur candidature.
La technologie de retraitement-recyclage, développée depuis plusieurs décennies par la France (et que seul l’Hexagone est à maîtriser), permet de réduire considérablement le volume et la toxicité des déchets radioactifs de haute activité. Et, par ailleurs permet d’économiser la ressource en uranium. Un atout non négligeable quand on sait que la Chine a considérablement augmenté ses besoins en uranium. AREVA est d’ailleurs l’un de ces fournisseurs depuis plusieurs années déjà.
CNNC bientôt actionnaire minoritaire d’AREVA ?
Le gouvernement français a donné son accord de principe à l’apport de capitaux étrangers dans AREVA. « Dès lors que la Chine est un partenaire, puisque nous construisons ensemble des centrales nucléaires, il était assez légitime de les associer à la restructuration (d’AREVA) » a indiqué François Hollande lors d’une conférence de presse mardi 3 novembre.
La prise de participation de CNNC au capital d’AREVA devrait avoir lieu dans les prochains mois, « nous définirons le montant de l’augmentation de capital sans la pression que certains voudraient mettre », a ainsi mis au point le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, dans une interview aux « Echos » la semaine dernière.
Cette participation pourrait rester minoritaire. « L’Etat va rester un actionnaire très majoritaire, il a aujourd’hui 87 % du capital d’AREVA, précise Philippe Varin, Président du Directoire du groupe sur les ondes de Radio Classique. CNNC prendra une part minoritaire ».
La Chine : un partenaire stratégique pour l’équipe de France du nucléaire
La Chine est incontournable. Dans les quinze prochaines années, l’Empire du Milieu concentrera la moitié de la croissance mondiale dans le nucléaire. « La puissance nucléaire installée en Chine en 2020, ce sera l’équivalent de la France, en 2025, ce sera l’équivalent des Etats-Unis, puis ensuite, la Chine va devenir numéro 1. » résume Philippe Varin et de conclure : « c’est donc très important que nous puissions élargir notre coopération avec CNNC. »
Après le ticket EDF-CNN pour le projet Hinkley Point C (construction de deux EPR au Royaume-Uni), la filière nucléaire franchit un nouveau palier dans le renforcement de son partenariat stratégique avec la Chine avec cette coopération AREVA-CNNC. Les deux groupes se connaissent et les partenariats industriels sont anciens. Ces dernières années, ils ont créé plusieurs joint ventures, notamment pour le contrôle commande numérique des centrales, les services de maintenance et d’optimisation des centrales en services ou la fabrication de pompe. Demain, de nouvelles étapes pourraient être franchies. Ces joint-ventures illustrent bien la volonté de coopérer et nouer des alliances stratégiques avec les partenaires industriels chinois.
Photo copyright – AREVA