Innovons pour les turbines dampierroises - Sfen

Innovons pour les turbines dampierroises

Publié le 31 décembre 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Dans une centrale thermique, qu’elle utilise l’uranium, le charbon, le gaz ou tout autre combustible, le circuit secondaire – dont la turbine est une pièce maîtresse – est essentiel. Soumis à d’importantes pressions et températures, il n’aime pas l’air et doit se protéger d’éventuelles surpressions. À la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly, Michel Vogel, chargé d’affaire, a pris le problème à bras-le-corps.

Chasser le trop-plein d’oxygène du secondaire

« À Dampierre, on enregistre des entrées d’air dans le circuit secondaire. Et ce n’est bon ni pour la sûreté, ni pour le rendement de la turbine » regrette Francis Laurent, chef de projet tranches en marche de la centrale.

Le circuit secondaire fermé eau–vapeur convertit l’énergie thermique produite par la chaudière nucléaire en énergie électrique. La vapeur vient des générateurs de vapeur, elle entraîne une turbine accouplée à un alternateur. L’énergie électrique ainsi produite est évacuée sur le réseau. Au cours de ce processus, la vapeur subit donc plusieurs modifications : elle est détendue, séchée, surchauffée, condensée et réchauffée à nouveau, avant de retourner dans les générateurs de vapeur. Ce circuit est soumis à des pressions, voire des surpressions. Il en est protégé par des soupapes de sûreté.

Francis Laurent souligne : « Trop d’air dans le circuit secondaire cause des oxydations qui pourraient à terme s’infiltrer dans le circuit primaire. Autre effet de l’excès d’oxygène : la qualité de la vapeur est moins bonne et peut affecter le rendement de la turbine. Il faut donc empêcher les entrées d’air. »

Les membranes de protection mises en cause

La turbine est protégée contre les incidents – manque de lubrification, survitesse et surpression – qui pourraient mettre en cause sa tenue mécanique. Un système de sécurité arrête automatiquement la turbine sur incident et des soupapes (ou membranes) limitent la pression de vapeur.

À EDF Dampierre, la chasse à l’oxygène surnuméraire a justement permis d’identifier ces membranes anti-surpression comme cause principale des entrées d’air. Ces membranes – 36 par turbine – sont d’origine, installées lors de la construction sur la boîte d’échappement des turbines.

En cuivre, avec pion brasé sans joints, découpées par un couteau fixe, elles sont sujettes à l’oxydation et doivent être changées régulièrement lors des arrêts pour maintenance. De plus, avec le temps, les couteaux sur lesquels s’appuient les membranes doivent eux aussi être changés. Pour corriger ces défauts, plusieurs techniques ont été utilisées, sans toutefois faire leurs preuves.

Michel Vogel, chargé d’affaire au service machines tournantes et électricité est l’ange gardien des turbines dampierroises. Il ne pouvait se résoudre à laisser la situation en l’état.

 

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Francis Laurent, chef de projet tranches en marche – EDF Dampierre


Trop d’air dans le circuit secondaire cause des oxydations qui pourraient à terme s’infiltrer dans le circuit primaire. Autre effet de l’excès d’oxygène : la qualité de la vapeur est moins bonne et peut affecter le rendement de la turbine. Il faut donc empêcher les entrées d’air.


L’alliance des compétences et des savoir-faire

« Suite aux problèmes de 2013, pendant la préparation d’un arrêt pour maintenance, j’ai eu l’idée de remédier définitivement aux défauts des membranes, se souvient Michel Vogel. J’avais appris que le constructeur Alstom avait proposé de remplacer les membranes par des pots d’échappement. Mais cette solution n’avait pas été retenue par EDF. » C’est finalement début 2014 que le chargé d’affaires contacte la société Fike et évoque la possibilité de changer de technologie.

Fike conçoit et fabrique des disques de rupture, des évents d’explosion, des systèmes de surpression et d’isolation d’explosion.

Sollicitée par Michel Vogel, la filiale française répond avec un disque de rupture composé d’un film Téflon prisonnier de deux feuilles en inox (donc inusable) et des accessoires de bridage.

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Les nouvelles membranes posées à la centrale de Dampierre, inusables et parfaitement étanches.

Pour maîtriser les coûts, Michel répartit les fournitures par spécialités : la société Milhyroux fabrique les brides en acier, fournit les vis et met en peinture, quand SIEM produit les joints Supranite inaltérables. Les grilles d’appui des anciennes membranes sont conservées pour éviter le risque accident et le nombre de membranes est ramené à 24 au lieu de 36. Alstom et l’ingénierie EDF valident la modification. Une note de synthèse, rédigée par Alstom, reprend l’historique de l’innovation et précise les pièces et les calculs.

L’autre intérêt de ces membranes est leur assemblage. Pré-assemblées en atelier par Milhyroux, également fournisseur des brides, les membranes Fike équipées de leurs 2 joints SIEM arrivent sur site « prêtes à poser », limitant les manutentions et interventions. Chaque ensemble membrane est fixé par 28 vis sur la boîte d’échappement de la turbine. Sans oublier une amélioration notable pour la sécurité : une virole soudée à la bride supérieure permet la manutention de l’ensemble tout en protégeant la membrane.

Les nouvelles membranes sont posées en juillet sur le réacteur 4. Les premières sont mises en place par l’AMT, une unité nationale de maintenance d’EDF, selon une gamme de maintenance écrite par le service MTE de Dampierre. Sur les réacteurs 1 et 3, c’est l’entreprise AMALIS qui prend le relais du montage.

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Michel Vogel présente les caractéristiques des nouvelles membranes à ses collègues. 

Une bonne idée partagée avec les autres centrales

Le parc nucléaire français étant standardisé, la diffusion des bonnes idées et bonnes pratiques est d’autant plus facilitée. Michel Vogel, qui avait déjà échangé avec ses collègues des autres centrales sur cette problématique de membranes « fuitardes », partage désormais ce changement technologique qui apporte de nombreux avantages.

En septembre dernier, la centrale de Dampierre accueillait un séminaire auquel ont participé des équipes des centrales de Tricastin, Blayais, Fessenheim, Chooz et Chinon, ainsi que des représentants des unités d’ingénierie et de logistique d’EDF et les entreprises Milhyroux, Siem et Fike. Et en mars 2015, cette solution sera présentée à l’ensemble des équipes du parc nucléaire français au Challenge national de la production nucléaire d’EDF.

Pour Sébastien Miossec, Directeur délégué tranches en marche de la centrale de Dampierre, « cette nouvelle technologie va dans le sens d’une amélioration de la durée de fonctionnement et de la sûreté ».

 
EN CHIFFRES 
 
La centrale nucléaire de DAMPIERRE
 
4 réacteurs
900 MW mis en service en 1980 et 1981
23,4 TWh produits en 2013
6 % de la production nucléaire française
1 334 salariés EDF
300 salariés d’entreprises partenaires
109 embauches en 2013
 

Par la Rédaction