Energie nucléaire, l’Inde en a besoin et s’en donne les moyens - Sfen

Energie nucléaire, l’Inde en a besoin et s’en donne les moyens

Publié le 26 janvier 2021 - Mis à jour le 19 octobre 2021
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Le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Kakrapar, dans l’État indien du Gujarat, a été connecté au réseau électrique le 10 janvier 2021. Il s’agit du premier réacteur à eau lourde sous pression (PHWR) d’une capacité de 700 MW conçu dans le pays. Plus globalement, l’Inde se tourne résolument vers l’énergie nucléaire pour répondre à ses besoins croissants en électricité et contribuer à lutter contre ses émissions de CO2, les plus fortes au monde avec la Chine. La France a toute sa place dans ce grand pays pour contribuer à un futur bas carbone.

La centrale nucléaire de Kakrapar est construite près de la ville de Surate dans l’État du Gujara, à l’ouest de l’Inde. Elle est exploitée par la compagnie Nuclear Power Corporation of India Ltd (NPCIL).

Le 10 janvier dernier, le réacteur Kakrapar 3 a été connecté au réseau pour la première fois après une divergence réussi en juillet 2020. Il s’agit du premier réacteur à eau lourde sous pression (PHWR) de 700 MW à être connecté au réseau électrique du pays. Selon l’ancien secrétaire du Département de l’énergie atomique, Anil Kakodkar, « d’autres unités devraient suivre dans les prochaines années », à commencer par Kakrapar 4, également de 700 MW, dont la mise en service est prévue d’ici fin 2021. Sur le site de Kakrapar, deux réacteurs 1 et 2 sont déjà en service depuis 1993 et 1995. Ce sont des PHWR de 220 MW, de conception indienne.

La précédente mise en service commerciale d’un PHWR de technologie indienne remonte à janvier 2011 (réacteur 4 de 220 MW de la centrale de Kaiga dans le sud-ouest du pays). Depuis cette date, seuls les réacteurs 1 et 2 de Kundankulam de technologie russe (2×1000 VVER) ont été mis en service, respectivement en 2014 et 2017.

Un engagement du gouvernement indien pour décarboner le mix énergétique

L’Inde est l’un des pays les plus peuplés au monde, avec plus de 1, 35 milliard d’habitants (2018). C’est aussi le 3ème consommateur mondial d’énergie et la part de l’Inde dans la demande mondiale totale d’énergie primaire devrait doubler à 11 % d’ici 2040 contre 6 % actuellement. Le pays dispose d’un parc électrique d’une puissance cumulée de 374 GW (décembre 2020), principalement alimenté par des centrales à charbon (53,7 %), ce qui conduit à des niveaux de pollution, les plus élevés au monde. L’ensemble de ces éléments a donc conduit le gouvernement à porter des ambitions fortes pour sa politique énergétique, en visant un mix décarboné de 40 % à l’horizon 2030.

Le nucléaire, un pilier pour contribuer à décarboner le pays

L’énergie nucléaire en Inde fait l’objet d’un programme ambitieux, qui s’appuie sur différentes technologies. L’objectif affiché du gouvernement indien est d’atteindre une capacité de 22,48 GW d’ici 2032, contre 6,78 GW actuellement. Le nucléaire ne représente actuellement que 2 % du mix énergétique qui est produit par 23 réacteurs (dont 2 BWR de 160 MW chacun ; 19 PHWR compris entre 100 MW et 700 MW avec Kakrapar 3 ; et 2 VVER de 1000 MW) disposant d’une capacité totale de 7,48 GW.

L’ambition de l’Inde ? Démarrer chaque année un nouveau réacteur pour atteindre une capacité installée électronucléaire de l’ordre de 50 GW à l’horizon 2040. Avec 9 réacteurs en cours de construction, l’Inde occupe la 2ème place après la Chine en termes de nombre de réacteurs en cours de construction dans le monde.

En parallèle, le pays oriente son programme de recherche nucléaire sur la valorisation de ses vastes réserves de thorium, pour développer des réacteurs utilisant cette ressource. Enfin, l’Inde entre aujourd’hui dans la Phase II de son programme avec la construction du réacteur PFBR à neutrons rapides de 500 MW à Kalpakkam, prise en charge par l’entité publique BHAVINI. 6 réacteurs commerciaux de 500 MW sont prévus à l’horizon 2050.

Le projet Jaitapur, pilier de l’accord de coopération nucléaire inter-gouvernemental entre la France et l’Inde depuis 2008

Parmi tous ces projets et bien que l’Inde tienne à maîtriser ses technologies et ses compétences sur son sol, il existe une place pour les technologies étrangères, moyennant un effort de localisation. Le Premier ministre Narendra Modi a imprimé sa vision du développement de l’Inde au travers de plusieurs programmes d’envergure nationale. En particulier, la localisation en termes de fabrication sur le sol indien de pièces et de composants ainsi que le développement de compétences sont respectivement déclinés au travers des programmes Make India et Skill India.

Dans ce contexte, le projet Jaitapur est un des piliers stratégiques la relation bilatérale entre la France et l’Inde notamment pour accompagner le pays dans sa transition énergétique. EDF est en négociation exclusive avec l’exploitant NPCIL pour ce projet qui vise la construction de 6 réacteurs de technologie EPR dans l’Etat du Maharashtra, dans le centre-ouest. D’une puissance installée d’environ 10 GW, le projet générera jusqu’à 75 TWh d’électricité décarbonée pour alimenter plus de 70 millions de foyers indiens (sur la base d’une consommation électrique, encore basse en Inde, d’un foyer de 3 personnes), évitant ainsi l’émission de près de 80 millions de tonnes de CO2 par an.

EDF et NPCIL ont signé un accord de coopération industriel en mars 2018 qui a permis la remise d’une offre technico-commerciale par EDF en décembre 2018. La remise d’une offre engageante est prévue dans le courant de l’année 2021 avec une cible de signature de contrat dans les mois suivants, ce qui, selon EDF, permettra de lancer les activités d’exécution du projet.

De même, en anticipation des études nécessaires à la construction, EDF, en partenariat avec d’autres industriels français et indiens, a engagé des discussions pour l’établissement d’un centre d’ingénierie en Inde.

Sur le plan de la formation, EDF, en partenariat avec l’AFCEN[1] et Bureau Veritas, a lancé en mars 2018 une académie de formations aux codes français RCC[2]. Elles sont destinées au tissu industriel indien pour leur permettre de s’appuyer sur des entreprises locales dans le respect des exigences de qualité attendues pour une centrale EPR. Plus récemment, EDF, I2EN[3] et VJTI[4] ont signé un accord de coopération en août 2020 pour la réalisation d’une étude de préfaisabilité visant à instituer un centre d’excellence dans l’État du Maharashtra, en Inde.

Un des points forts du groupe français EDF, chef de file de la filière nucléaire en France, est qu’il est déjà très présent en Inde, au travers de projets sur les énergies renouvelables (éolien, solaire, hydro) et de villes intelligentes.

 

[1] Association française pour les règles de conception, de construction et de surveillance en exploitation des chaudières électronucléaires.

[2] Série de codes portant sur la conception, la fabrication, le suivi en exploitation etc. élaborés par l’AFCEN, qui s’appuie sur la réalité des pratiques, le retour d’expérience industriel et le progrès des connaissances pour garantir le haut niveau de qualité et de sûreté que requiert l’exploitation des réacteurs nucléaires.

[3] Institut international de l’énergie nucléaire.

[4] L’institut technologique Veermata Jijabai est une école d’ingénieurs située à Mumbai, Maharashtra, en Inde, et l’une des plus anciennes écoles d’ingénieurs d’Asie.

 


Cécile Crampon (Sfen) avec les éléments de Thomas Mieusset, conseiller nucléaire à l’Ambassade de France à Dehli, et sources EDF – Inde. – Crédit photo ©Shutterstock

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