Programme EPR2 : un plafond à 72,8 milliards d’euros pour les six premiers réacteurs - Sfen

Programme EPR2 : un plafond à 72,8 milliards d’euros pour les six premiers réacteurs

Publié le 19 décembre 2025
Devis maximum, FID attendue pour fin 2026 ou encore premier béton nucléaire en mars 2029… EDF a précisé les conditions de développement du « chantier du siècle » le jeudi 18 décembre après la validation du devis prévisionnel des six premiers EPR2 par son Conseil d’administration.

72,8 milliards d’euros (valeur 2020). C’est au maximum ce que coûteront les trois premières paires d’EPR2 français, a indiqué EDF lors d’une conférence le jeudi 18 décembre. Ce devis prévisionnel, validé par le Conseil d’administration du groupe, fera l’objet d’un audit au premier trimestre 2026 par la Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (Dinn). Un travail qui permettra d’obtenir d’ici la fin mars un devis sur lequel l’état et EDF pourront s’engager. « Ce dossier est le résultat d’un travail qui a mobilisé l’ensemble des équipes d’EDF en charge du programme, les filiales et les partenaires industriels et marque une nouvelle étape pour le programme EPR2 et la relance du nucléaire en France », s’est félicité Bernard Fontana, PDG d’EDF sur LinkedIn.

Par rapport aux chiffrages précédents, publiés par la Cour des comptes en janvier 2025, cela représente une hausse de 5,4 mds€2020 des coûts de construction overnight (sans frais intercalaires). « Cette augmentation résulte notamment des montants des provisions pour risques du programme, permettant de s’assurer que nous pourrons absorber les aléas et enjeux des constructions, souligne Xavier Gruz, directeur exécutif en charge de la préfiguration de la maîtrise d’ouvrage du nouveau nucléaire. C’est aussi un signe de maturité du programme, qui est mis sous contrôle et suivi complet. » Même son de cloche du côté de Bercy qui estime dans un communiqué que « EDF commence à avoir plus de visibilité dans son chiffrage ».

Ce montant de 72,8 milliards d’euros est à remettre en perspective des investissements majeurs pour la transition énergétique, à l’image de la modernisation des réseaux électriques de transport (RTE) et de distribution (Enedis) estimée respectivement à 100 et 96 milliards d’euros d’ici 2040. Le programme EPR2, pour les six premières unités, se déroulant sur environ 20 ans, cela représente un investissement annuel moyen de 3,64 milliards d’euros, à comparer à la facture de 50 à 110 milliards d’euros par an de la France pour des énergies fossiles.

Un plafond et un matelas

EDF précise par ailleurs que le montant de ce nouveau devis représente le coût maximal des trois paires d’EPR2. D’une part, le groupe espère ne pas avoir à utiliser l’intégralité des provisions de charge, qui servent de « matelas de sécurité ». D’autre part, il compte sur les effets de série pour gagner en efficacité économique tout au long du programme. « Entre la première et la dernière tranche, nous espérons pouvoir atteindre une réduction du coût unitaire de 30 % », souligne Xavier Gruz. Une donnée que promeut aussi Bernard Fontana sur ses réseaux.

Ces effets de série se répercutent aussi, logiquement, dans les temps de construction prévisionnels des différentes unités. Et pas sans ambition : entre le premier et le dernier EPR2 construit, le lead time pourrait être réduit de 32 mois. De manière globale, le groupe a fait évoluer ses prévisions en s’appuyant sur l’expérience des derniers grands projets nucléaires. « Sans évolution technologique majeure, nous avons réussi à abaisser le délai cible de construction d’une tranche générique à 70 mois, contre 96 mois il y a trois ans », souligne Thierry Le Mouroux, directeur exécutif en charge de la direction projets et construction. Cette amélioration notable provient d’un travail de fond réalisé par EDF pour optimiser la courbe d’apprentissage des équipes travaillant sur les chantiers EPR2.

Prendre les meilleurs exemples

D’abord, le groupe s’est tourné vers le champion actuel de la construction de réacteurs nucléaires : la Chine. « Nous avons créé une vraie proximité avec des partenaires chinois, notamment en mettant en immersion certaines de nos équipes sur des chantiers », notent les dirigeants d’EDF. L’autre grand partenaire pour améliorer le planning est le Royaume-Uni, avec les chantiers d’Hinkley Point C et de Sizewell C. Dans ce cadre, il s’agit de capitaliser sur les 500 travailleurs français actifs sur HPC. « Plusieurs collaborateurs anglais ont aussi commencé à rejoindre EDF pour les projets d’EPR2. Il s’agit principalement de personnes ayant travaillé sur les phases précoces des chantiers comme le génie civil ou l’organisation du site », précise Xavier Gruz.

Ces collaborations ont mené à une meilleure organisation du plan de construction, notamment sur le tuilage des séquences qui ont été optimisées pour pouvoir mener de front plusieurs chantiers. En parallèle, plusieurs travaux internes ont été lancés à EDF. Un groupe de travail sur le génie civil est à l’œuvre depuis sept mois, et une nouvelle organisation clarifiant les rôles et responsabilités a été instaurée. Avec l’ensemble de ces facteurs d’amélioration, EDF estime que le premier EPR2 construit à Penly devrait entrer en service en 2038 pour un premier béton en mars 2029. Ensuite, les mises en service des réacteurs suivants devraient suivre un cadencement de 12 à 18 mois. Pour valider concrètement la poursuite des opérations, le Conseil d’administration d’EDF a par ailleurs validé une enveloppe budgétaire de 2,7 mds€ au programme EPR2 pour l’année 2026. De quoi poursuivre les études et travaux préparatoires.

EDF a aussi indiqué qu’il espérait obtenir une décision finale d’investissement pour le programme vers la fin de l’année 2026. Cette annonce est soumise à l’approbation par la Commission européenne du mécanisme de soutien de l’État français au programme EPR2. Le gouvernement français a transmis à l’exécutif européen son plan le 19 novembre 2025, précise EDF. Ce dernier s’inspire largement de celui mis en place en République tchèque pour la centrale de Dukovany. « En s’appuyant sur un projet déjà existant, cela permet de limiter les risques et donc les pertes de temps associées », précise Xavier Gruz. Les mesures d’accompagnement de l’état français comprennent un taux bonifié pour financer environ 60 % des coûts de la construction, un contrat pour différence (CfD) d’une durée de 40 ans, et un système de partage des risques en l’état et EDF. ■

Par Simon Philippe (Sfen)

Image : EDF prévoit de couler le premier béton nucléaire pour la tête de série des EPR2 à Penly en mars 2029. ©EDF