Prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans dans la prochaine PPE ?
Dans la perspective d’exploiter les réacteurs nucléaires au-delà de 60 ans en France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) appelle EDF à réaliser des études d’ici 2024, de manière à pouvoir mener une instruction avant 2026. Afin de cranter ces échéances, le président de l’ASN propose d’inscrire ce travail dans la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
C’est désormais un constat partagé. Assurer la sûreté d’approvisionnement en électricité de la France tout en respectant les objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre passera, à la fois, par le renouvellement d’une partie du parc et par l’exploitation à long terme du parc nucléaire actuelle. Alors que les premiers réacteurs du parc, le palier 900 MW, franchissent la barrière des 40 ans – moyennant les investissements menés dans le programme de grand carénage – c’est désormais la limite de 60, voire 80 ans qui est envisagée.
Lors de ses vœux à la presse le lundi 23 janvier, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Bernard Doroszczuk, a appelé à, d’ores et déjà, anticiper cette question. Il ne s’agit pas de prendre de décision de suite mais de poser clairement les enjeux techniques liés à cette perspective. « L’ASN souhaite que l’hypothèse d’une poursuite de fonctionnement des réacteurs actuels jusqu’à et au-delà de 60 ans soit étudiée et justifiée par anticipation par EDF d’ici fin 2024 », explique-t-il.
Un tel travail permettra « une instruction approfondie (par l’ASN, ndr) débouchant sur une prise de position de l’ASN d’ici fin 2026 sur cette éventuelle possibilité de poursuite d’exploitation ». Bernard Doroszczuk assure que l’ASN vise à travailler sur ce sujet sans a priori, de manière à identifier les points sensibles, comme les éléments non remplaçables (par exemple la cuve) ou difficilement remplaçables.
De manière à acter ce processus, le patron du gendarme de l’atome suggère que cette demande de justification de fonctionnement au-delà de 60 ans adressé à EDF soit inscrite dans la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui sera votée à l’été prochain.
EDF pleinement engagée
EDF se dit déjà pleinement investie dans ce travail. Lors d’une audition devant la Commission d’enquête parlementaire sur « la souveraineté et indépendance énergétique de la France », le patron du parc nucléaire d’EDF, Cédric Lewandowski, a expliqué que « les 80 ans ne sont pas du tout un tabou. Six réacteurs aux États-Unis ont obtenu une licence d’exploitation jusqu’à 80 ans et il se trouve que nos technologies sont à peu près similaires (…) aujourd’hui le consensus scientifique et technologique est que notre parc est conçu pour aller jusqu’à 60 ans (…) la question du passage de 60 à 80 exige un certain nombre d’études et nous les engageons ».
Quelques semaines auparavant lors de la la COP27 sur le climat à Sharm el-Sheikh en Égypte, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Rafaël Grossi avait pris très clairement position en faveur de l’exploitation à long terme des réacteurs nucléaires. Interrogé sur le fonctionnement de réacteurs pendant 60 ou 70 ans, il répondait : « Le héros méconnu de la lutte contre le réchauffement climatique est l’exploitation à long terme (des réacteurs), qui consiste essentiellement à avoir, avec la moitié ou même moins de l’investissement initial, un nouveau réacteur qui sera là – vous dites jusqu’à 70 ans, je dis 100. Nous voyons aujourd’hui des réacteurs qui sont plus proches de 80 ans et qui sont parfaitement sûrs, ayant bénéficié d’opérations de remise en état très poussées ». ■