Taxonomie européenne. Le Conseil plaide pour la « neutralité technologique » - Sfen

Taxonomie européenne. Le Conseil plaide pour la « neutralité technologique »

Publié le 1 octobre 2019 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Une première étape a été franchie le mercredi 25 septembre 2019. Le Conseil de l’Union européenne (UE), qui rassemble les ministres concernés par un projet de texte, a décidé de défendre le concept de « neutralité technologique », laissant la porte ouverte à l’énergie nucléaire dans le label européen des investissements verts baptisé « taxonomie ». Cependant la procédure de co-construction impose un consensus avec le Parlement européen où nombres de députés restent à convaincre.

C’est un texte crucial qui aurait pu passer inaperçu cet été. Le 18 juin 2019, la Commission européenne a publié son projet de taxonomie européenne visant à orienter les investissements des marchés financiers vers des activités dites « durables ». Ce projet est le fruit des travaux d’un groupe d’experts techniques de la Commission, le Technical Expert Group (TEG). Le label a été soumis à une consultation citoyenne en ligne jusqu’au 13 septembre puis au Conseil « énergie » le 25 septembre.

Une opposition vive entre Paris et Berlin

On retrouve l’opposition traditionnelle entre les pays favorables au nucléaire et opposants farouches à l’atome. L’Allemagne, soutenue par l’Autriche et le Luxembourg, voulait exclure le nucléaire du projet de taxonomie tout en plaidant pour une adoption rapide. Lors du Conseil de l’UE, le représentant allemand Andreas Feicht a ainsi déclaré que « l’énergie nucléaire n’est ni sûre, ni durable, ni rentable ».

A l’inverse la majorité des Etats, emmenés par Paris, ont voulu intégrer le nucléaire dans la taxonomie. Ces pays ont rappelé les vertus de l’atome dans la lutte contre le changement climatique.

En effet, une série de rapports est venue récemment étayer cette position. Dans les pas du GIEC, la prestigieuse Agence Internationale de l’Energie de l’OCDE a rappelé en mai dernier qu’il était pratiquement impossible de parvenir à la décarbonation de notre économie sans une augmentation de la part du nucléaire dans le mix électrique mondial.

Le consensus autour du stockage géologique profond

Pour atteindre les objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030, les besoins en décarbonation sont estimés entre 175 et 290 milliards d’euros par an. Le financement privé jouera un rôle clé dans cet effort. Cependant, toutes les activités ne répondent pas aux critères environnementaux requis.

Pour établir son classement, le TEG a ainsi dégagé plusieurs critères (utilisation durable des ressources halieutiques, prévention des déchets et recyclage, protection des écosystèmes…). Sur chacun des critères sélectionnés, le curseur est au vert pour le nucléaire. En dépit de ses qualités reconnus, le TEG n’avait pas retenu le nucléaire, au motif que cette énergie ne répondait pas au critère de « non-préjudice significatif » (Do No Significant Harm) à l’environnement.

Pour les experts, il serait difficile de prévoir toutes les conséquences à long terme du stockage géologique profond des déchets de haute activité à vie longue (HA-VL) sur l’environnement. En renvoyant la question à une commission ad hoc sur l’analyse du cycle de vie nucléaire, le TEG balaye d’un revers de main le consensus européen [1] et scientifique autour du stockage géologique profond.  Un argument qui ne semble pas avoir convaincu les membres du Conseil de l’UE.

Un classement toujours en discussion

Le chemin pour l’adoption de la taxonomie est encore long. En mars 2019, le Parlement européen, qui co-légifère avec le Conseil de l’UE, avait clairement exclu l’énergie nucléaire du projet de taxonomie européenne. L’eurodéputé vert Allemand Sven Giegold a ainsi affirmé « en ouvrant la porte par derrière au nucléaire, le Conseil risque de détruire la confiance des investisseurs et joue un très mauvais tour à la finance durable ».

L’esprit de consensus qui préside à toute décision européenne impose de trouver un accord. Le projet doit maintenant passer l’étape du « trilogue » où la Commission, le Conseil et le Parlement doivent dégager une position commune.

La taxonomie devrait être adoptée d’ici la fin de l’année 2021 afin d’être pleinement mise en œuvre en 2022.

 

[1] Directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs


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