La standardisation de Nuward sur de bonnes bases réglementaires
Malgré la remise à plat du design du petit réacteur modulaire (SMR) d’EDF, les évaluations réglementaires continuent pour le projet Nuward. L’ASNR et cinq autres autorités de sûreté européennes ont publié une deuxième série d’enseignements tirés d’une revue conjointe. De quoi faciliter l’exportation et la standardisation du design.
Ce n’est pas un secret, pour les constructeurs de petits réacteurs modulaires, la standardisation est un enjeu majeur. Un défi que l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection française (ASNR) a décidé de mener de front en lançant, avec certains de ses homologues européens, une évaluation préalable commune (joint early review – JER) sur les options de sûreté du design du réacteur Nuward développé par EDF. Lancé en 2022, ce projet répond à un double objectif : faciliter le développement d’un design le plus standardisé pour le SMR français, mais aussi, pour les autorités du nucléaire, partager des bonnes pratiques et stratégies de réglementations. Le groupe de travail a publié les enseignements de la deuxième phase de la revue le 2 décembre 2025.
Cette deuxième phase d’étude a mis autour de la table les régulateurs néerlandais (ANVS), polonais (PAA), suédois (SSM), finlandais (Stuk) et tchèque, en plus de l’ASNR. Cela représente deux fois plus d’autorités de sûreté que lors de la première phase achevée en septembre 2023. « Lors de cette nouvelle phase, le périmètre de l’évaluation a été étendu à de nouvelles thématiques techniques, notamment sur les barrières de confinement, l’évaluation des conséquences radiologiques d’un accident et l’architecture des systèmes électriques et de contrôle-commande », détaille le gendarme du nucléaire français dans un communiqué.
Un processus bénéfique
Du côté du développeur de SMR, les bénéfices de ce processus sont clairs. « Ces échanges continuent d’avoir une grande importance dans la courbe d’apprentissage, mais aussi pour la capacité des ingénieurs à anticiper les défis liés au design pour les licences d’un même réacteur sur différents marchés européens », souligne la filiale d’EDF dans un document d’analyse. L’entreprise estime que la JER représente une expérience unique permettant de soutenir de manière concrète le développement des SMR. « Une meilleure compréhension de la diversité des attentes réglementaires européennes et le partage des contraintes auxquelles sont soumis les concepteurs » permet de fournir au marché une solution standardisée et rentable tout en conservant un niveau de sûreté très élevé. Et ces bénéfices ne se limitent pas uniquement au SMR de Nuward : « L’impact limité du changement de stratégie de Nuward à mi-parcours de la phase 2 de la JER a démontré que seuls quelques-uns des dix principaux thèmes abordés sont spécifiques au design, voire spécifiques aux SMR. »
Pour rappel, après de premiers retours sur les attentes de marché EDF a décidé à la mi-2024 de remettre à plat le design de Nuward. L’objectif : s’appuyer sur des technologies éprouvées et déjà existantes pour garantir la tenue des délais et des budgets. Présentée en avant-première lors d’un webinaire de la Sfen, la nouvelle conception du réacteur de troisième génération vise une puissance électrique allant jusqu’à 400 MW et une production de chaleur compétitive. Nuward et le Comex d’EDF se sont fixés comme rendez-vous la mi-2026 pour confirmer les études de marché, les choix de développement et la recherche de partenaires internationaux.
Un atout pour les régulateurs
Au-delà des avantages pour le développement de Nuward, cette initiative permet aussi aux autorités de sûreté de comparer entre-elles les différentes exigences, pratiques et expériences. « Cette initiative confirme l’intérêt de développer des coopérations multilatérales pour l’évaluation de projets de réacteurs arrivés à un degré de maturité suffisant, dans un contexte international marqué par la standardisation », note l’ASNR. Un dialogue qui ouvre la voie à des collaborations internationales pour l’évolution de réglementations et de pratiques nationales. Dans le rapport publié, les régulateurs soulignent que les différences identifiées proviennent principalement des moyens de faire respecter les réglementations plutôt que les directives en elles-mêmes. « Bien qu’atteindre des consensus ne soit pas l’objectif principal de ce travail, il permet d’identifier des opportunités de convergence régulatoire », est-il noté dans le rapport.
D’autre part, les participants soulignent les avantages de ce processus pour sécuriser un design. « Cela permet de traiter les problèmes liés à la sûreté dès le début, minimisant ainsi les découvertes tardives dans le processus d’autorisation, tout en permettant le déploiement d’une conception de réacteur dans plusieurs pays grâce à une évaluation réglementaire conjointe », précise le document. De quoi lutter contre deux des grands défis de la relance nucléaire : la sécurisation du design et la standardisation de sa production.