SMR : une coordination des autorités de sûreté dans le monde sera nécessaire - Sfen

SMR : une coordination des autorités de sûreté dans le monde sera nécessaire

Publié le 6 décembre 2021 - Mis à jour le 7 décembre 2021

Selon l’AIEA, le monde compte aujourd’hui plus de 70 concepts de SMR dans 18 pays du monde.
Lors du World Nuclear Exhibition (WNE) du 30 novembre au 2 décembre dernier, s’est tenu un « SMR Day ». À cette occasion, plusieurs tables rondes exceptionnelles, dont une animée par la Sfen, ont permis de faire le point sur l’attente internationale vis-à-vis des SMR et les conditions de leur développement. Cela demande entre autres une entente entre les autorités de sûreté mondiales afin d’accélérer leur déploiement.

La course aux SMR a commencé et elle est mondiale. Le 2 décembre, lors du WNE, la conférence « SMR & Advanced Reactors Day » a réuni des spécialistes du sujets. Brent Warner, Head of Power Sector Unit (WEO) de l’AIE, rappelle que, selon le scénario NetZero de mai 2021, l’investissement nécessaire dans la production l’électricité bas-carbone seule en 2030 sera de l’ordre de 1600 milliards de dollars par an. Cela représente un triplement des dépenses actuelles. C’est un marché majeur, en particulier dans les pays émergents qui vont devoir sortir du charbon.

Les besoins sont tellement élevés que toutes les technologies auront un rôle à jouer : renouvelables, nucléaire, capture et stockage du carbone, hydrogène. Ceci à condition qu’elles soient prêtes au début des années 2030, c’est-à-dire disponibles commercialement, matures industriellement et compétitives : « L’industrie nucléaire a beaucoup à prouver dans les dix ans à venir. La course a commencé, et c’est dans les années 2030 que l’essentiel de la course va vraiment avoir lieu ».

Si l’AIEA compte plus de 70 concepts de SMR en développement dans 18 pays du monde, deux SMR seulement sont en fonctionnement aujourd’hui, un en Russie et un en Chin. Un autre est en construction en Argentine. À noter que, le jour-même, Ontario Power Generation (OPG) annonçait la construction d’un SMR sur son site de Darlington en Ontario. Selon Mikhail Chudakov, directeur du département de l’énergie nucléaire à l’AIEA, ce sont plus de 40 pays qui ont contacté l’agence pour étudier les SMR. La moitié ont déjà indiqué qu’ils souhaitaient les intégrer à l’avenir dans leur mix électrique. C’est le cas en particulier des pays qui ont de nombreuses îles, comme l’Indonésie ou la Malaisie, ou des territoires isolés, mais aussi de pays comme le Brésil ou la Jordanie.

Aller au-delà du « business as usual »

Ces pays souhaitent évaluer à la fois si les SMR sont pertinents pour les besoins de leur territoire mais aussi quels bénéfices économiques ils peuvent en attendre. Pour répondre à toutes ces requêtes, le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a demandé la mise en place d’une plateforme de coordination des services de l’agence, avec cadre de travail commun et un portail pour un « one stop shop » pour les pays membres.

Bill Magwood, DG de l’OCDE-NEA, a confirmé que beaucoup de gouvernements après Glasgow commencent à se poser la question des SMR, avec un focus important sur 2030. Selon lui, pour que le nucléaire joue son rôle, le « business as usual » ne suffira pas. « Nous allons avoir besoin d’une révolution dans le nucléaire aussi, et beaucoup de ces designs seront de la gen4 », assure-t-il. S’il y a 70 concepts, « seulement quelques-uns seront un succès : nous devrons faire des choix relativement rapidement car si nous n’avons pas ces technologies en 2030, elles ne pourront pas faire une différence en 2050. C’est un appel à l’industrie, c’est un appel aux laboratoires. »

Une nécessaire coordination des autorités de sûreté nationales

Selon Mikhail Chudakov, le plus grand obstacle aujourd’hui au développement des SMR est le manque de coordination des autorités de sûreté nationales. Il a plaidé pour qu’elles développent une approche nouvelle, différente de celle mise en œuvre aujourd’hui pour le développement des réacteurs de 1000 ou 1600MW. Il a évoqué le cas particulier des SMR « transportables » : « Si vous acheminer un SMR transportable sur une île avec son combustible, et si vous venez le reprendre plus tard [en fin d’exploitation], toujours avec son combustible, a-t-on vraiment besoin du même type de « capacity building » à grande échelle ? »

Selon Mikhail Chudakov, il ne s’agit pas évidemment de réduire le niveau de sûreté, de sécurité ou de protection contre la prolifération, mais de changer la manière dont on procède : on pourrait par exemple s’inspirer de l’industrie aéronautique. Quand un concept est accepté dans un pays, il est accepté dans le monde entier. « C’est très difficile aujourd’hui, car dans le nucléaire chaque autorité de sûreté a ses propres règles. Nous parlons maintenant des SMR depuis dix ans, mais si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050, il va falloir accélérer. Nous ne sommes pas aujourd’hui au niveau qui est attendu de nous. »

Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF, a confirmé cette analyse : « Nous pensons qu’il est essentiel d’avoir des standards de sûreté internationaux, comme dans l’industrie aéronautique, où il existe une reconnaissance mutuelle entre quelques-unes des agences de sécurité [..] Notre industrie s’est construite à une époque où la mondialisation était si éloignée de ce qu’elle est aujourd’hui que nous pouvions peut-être nous permettre, dans l’industrie nucléaire, d’avoir des réglementations nationales. [..] Nous avons commencé à travailler, mais ce n’est pas suffisant ».

Jan Patek, de la Direction de l’Energie Nucléaire à la Commission européenne, assure que la Commission veut soutenir le développement des SMR. « La promesse des SMR ne se réalisera que s’ils peuvent être déployés rapidement : cela concerne non seulement l’arrivée des premiers d’ici 2030 et pas plus tard, mais aussi la rapidité de déploiement de chaque projet sur des délais beaucoup plus courts que deux des installations à grande échelle », prévient-il. En ce qui concerne les licences, Jan Patek dit éviter « délibérément » le mot « harmonisation ». « Pour le moment, nous avons besoin de rationaliser le process pour aller plus vite, que ce soit par la reconnaissance mutuelle, ou par le biais d’autres principes qui doivent être explorés ».

Bill Magwood, de l’OCDE-NAE, est prudent. Il rappelle qu’il est important de reconnaître que beaucoup de ces technologies sont très différentes dans leur conception, et qu’il ne faut pas parler des SMR en tant que groupe : « Peut-être qu’il y a des classes que nous pouvons regrouper, mais la plupart du temps, nous devons les examiner individuellement ». Il confirme que la question de l’harmonisation n’appartient ni à l’AEN, ni à l’AIEA, ni à aucune autre organisation. « Les régulateurs nationaux doivent vraiment travailler ensemble pour faciliter la voie à ces technologies à l’avenir. »

par Valérie Faufon, Copyright : WNE/Gigen

*Conférence organisée avec Avec William D Magwood, Director-General / OECD Nuclear Energy Agency, Massimo Garribba, Deputy Director-General, DG Energy/EC, Mikhail Chudakov, Deputy Director General and Head of the Department of Nuclear Energy IAEA, Brent Wanner, WEO Energy Analyst / IEA, Kathryn HUFF, US Department of Energy, Jean-Bernard Levy, Chairman and CEO, EDF, Alexey Likhachev, General Director, Rosatom, Valérie Faudon, Déléguée Générale de la Société Française d’Energie Nucléaire (Sfen).