Pour la première fois, une installation de fusion nucléaire a produit plus d'énergie qu'elle n'en a consommée - Sfen

Pour la première fois, une installation de fusion nucléaire a produit plus d’énergie qu’elle n’en a consommée

Publié le 12 décembre 2022 - Mis à jour le 13 décembre 2022

Pour la première fois, une installation de fusion nucléaire est parvenue à produire plus d’énergie qu’elle n’en a consommé pour initier son fonctionnement. Il s’agit du laboratoire national américain Lawrence Livermore. Cela représente une étape critique dans la course à la maîtrise de la puissance du Soleil, initiée il y a plus de 70 ans.

Le Department of Energy (DOE) aux États-Unis a annoncé une percée majeure en matière de fusion nucléaire, avec le National Ignition Facility (NIF) au laboratoire national fédéral Lawrence Livermore en Californie. Ce site travaille sur la fusion par confinement inertiel. Or pour la première fois, les physiciens sont parvenus à produire plus d’énergie que celle employée pour provoquer la réaction de fusion. « La réaction de fusion dans l’installation du gouvernement américain a produit environ 2,5 mégajoules d’énergie, soit environ 120 % des 2,1 mégajoules d’énergie des lasers », rapporte le journal britannique Financial Time, citant des sources proches de l’installation expérimentale.

Il s’agit d’une performance jamais atteinte dans l’histoire de la fusion nucléaire, depuis l’exploration de ce domaine démarré dans les années 50. L’installation américaine avait déjà réussi à produire 1,37 mégajoule en septembre dernier, soit 70 % de l’énergie dépensée.

Iter, l’installation internationale dédiée à la Fusion en construction à Cadarache en France, utilise la méthode du confinement magnétique pour maintenir le plasma à 150 millions de degrés. Le laboratoire américain, quant à lui, emploie le principe du confinement inertiel. Il s’agit de bombarder une pastille de plasma d’hydrogène avec le plus grand laser du monde.

Un outil de décarbonation

La fusion nucléaire permettrait théoriquement de produire des quantités très importantes d’énergie, sans émettre aucun de gaz à effet de serre et en ne produisant quasiment aucun déchet radioactif. L’administration américaine, dans son plan de décarbonation de son économie, compte la fusion parmi les énergies bas carbone. De même la France, dans son appel à projets pour les start-ups du nucléaire (programme France 2030), le pays propose ses financements à de jeunes pousses prometteuses dans le domaine de la fusion nucléaire.

« Nous allons assister à un moment d’histoire si les résultats sont confirmés », a estimé auprès du quotidien britannique le physicien américain Arthur Turrell, spécialiste de la fusion nucléaire. Sur twitter, le spécialiste de la fusion, Greg de Temmerman, se réjouit : « L’article (celui du FT, ndr) parle de 2,5 MJ générés pour 2,1MJ injectés soit un gain de 1,2. Si confirmé c’est le moment qu’on attend depuis plus de 70 ans, la démonstration de la fusion !!! Il reste beaucoup de chemin avant un réacteur, mais c’est un pas important ».

Au-delà de la recherche publique, le monde la fusion connait un succès certain dans le monde des investisseurs privés. Selon la Fusion Industry Association, les 33 acteurs privés du secteur ont attiré sur la seule année 2022, 2,8 milliards de dollars d’investissements privés, portant le total à 4,7 milliards de dollars. Par rapport à l’année 2021, cela représente une augmentation de 139 %. À cela s’ajoute 117 millions de dollars en subventions et aides d’états, portant le total à près de cinq milliards de dollars – à comparer au coût du projet international d’Iter – réévalués à 21 Mds$ – et la contribution directe de la France d’1,2 Mds€ (2017). ■

Par Ludovic Dupin (Sfen)

Photo : Détail du National Ignition Facility (NIF) au laboratoire national Lawrence Livermore