Le Royaume-Uni précise ses ambitions énergétiques

Le 7 avril 2022, le département des Affaires, de l’Énergie et de la Stratégie industrielle (BEIS) du Royaume-Uni a détaillé ses ambitions énergétiques pour un mix à la fois moins carboné et plus résilient. La « Stratégie de sécurité énergétique britannique » comporte plusieurs volets se déclinant à différentes échelles de temps.
Pour réduire rapidement sa dépendance aux énergies fossiles tout en luttant contre le changement climatique, le gouvernement britannique a présenté début avril un plan en 10 points :
- Développer l’éolien en mer, y compris flottant ;
- Développer l’hydrogène bas carbone ;
- Déployer de nouvelles unités nucléaires y compris les petits réacteurs modulaires (SMR) ;
- Accélérer la transition vers des véhicules zéro émission ;
- Favoriser la mobilité sans émissions via un réseau de bus verts et le vélo ;
- Soutenir l’innovation pour l’introduction d’un carburant durable pour l’aviation et le transport maritime ;
- Décarboner le logement en encourageant l’isolation et l’installation de pompes à chaleur ;
- Investir dans les systèmes de capture et de stockage du carbone ;
- Protéger l’environnement à travers notamment la plantation d’arbres, la restauration des tourbières et un programme de lutte contre les inondations ;
- Développer la finance et l’innovation verte.
On remarque dans ce programme que les Britanniques souhaitent faire appel à tous les moyens disponibles pour décarboner les secteurs de l’énergie, du logement et des transports. En 2030, 95 % de l’électricité outre-Manche pourrait être bas carbone annonce le département des Affaires, de l’Énergie et de la Stratégie industrielle (BEIS). Pour rappel, le gaz représente encore près de 40 % de la production d’électricité outre-Manche[1]. Du côté des renouvelables, l’accent est mis sur l’éolien. Le nucléaire est pour sa part désigné comme le seul moyen de sécuriser une production d’énergie stable et bas carbone.
Baisser la facture des ménages, une priorité
À travers différentes mesures, chiffrées à 9,1 milliards de livres sterling, le gouvernement britannique souligne l’urgence de soulager les factures d’énergie des ménages et constate par la même occasion la forte dépendance du pays et de ses citoyens au gaz. « Plus de 90 % de nos maisons sont chauffées par des énergies fossiles représentant ainsi un tiers du gaz consommé dans le pays », souligne le document. À moyen et long terme, le gouvernement souhaite se débarrasser du gaz dans ce secteur grâce à l’augmentation de l’efficacité énergétique d’environ 700 000 logements d’ici 2030 et, d’ici à 2050, atteindre 100 % des logements à la fois bien isolé et chauffé avec de l’énergie bas carbone (pompe à chaleur – donc indirectement de l’électricité – ou de l’électricité bas carbone). En 2020, 295 TWh de gaz ont été consommés par les foyers britanniques.
La mer du Nord, le nouvel eldorado énergétique
La mer du Nord est centrale dans la politique énergétique britannique. D’une part, le gouvernement souhaite, d’ici 2050, ne reposer que sur des gisements de gaz nationaux. D’autre part, il souhaite mettre l’accent sur l’éolien en mer, y compris flottant.
Sur ce premier point, le gouvernement souligne : « Environ la moitié de notre demande de gaz est satisfaite par les approvisionnements domestiques. En atteignant le zéro carbone d’ici 2050, nous pourrions encore utiliser un quart du gaz que nous utilisons actuellement. Pour réduire notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés, nous devons donc exploiter pleinement nos grandes réserves de la mer du Nord, utiliser les cavernes vides pour le stockage du CO2, produire de l’hydrogène pour remplacer le gaz naturel et utiliser notre expertise offshore pour soutenir notre secteur éolien en mer ».
Sur le second point, « nous allons devenir l’Arabie saoudite de l’éolien, avec l’objectif en 2030 que plus de la moitié de nos capacités d’énergies renouvelables soient éoliennes », déclare le BEIS. Soit précisément une capacité de 50 GW, dont 5 GW d’éolien flottant d’ici à 2030.
Le nouveau nucléaire britannique
« Notre objectif est d’être en pointe, une fois de plus, sur une technologie dont nous étions pionniers, afin qu’en 2050 jusqu’à un quart de l’électricité que nous consommons soit d’origine nucléaire », avance le document. Le Royaume-Uni, qui compte deux réacteurs EPR en construction à Hinkley Point C, lance un grand programme nucléaire. « Le Royaume-Uni faisait en effet partie des pionniers pour la fission nucléaire. Mais depuis, nous sommes tombés derrière d’autres pays. Cinq de nos six centrales nucléaires seront fermées d’ici la fin de la décennie et nous n’avons qu’un seul projet en construction. Pour comparaison, la France a actuellement neuf fois plus de capacité nucléaire que le Royaume-Uni », déplore le gouvernement. Il est utile de préciser que le parc nucléaire de nos voisins est majoritairement composé de réacteurs dits Advanced Gaz Reactor (AGR), dont les caractéristiques techniques n’offrent pas les mêmes possibilités d’exploitation à long terme que les réacteurs à eau pressurisée qui composent le parc français.
Afin de renouveler la quasi-entièreté de son parc nucléaire et même l’agrandir, le gouvernement vise 24 GW de nucléaire (contre 7 aujourd’hui) en 2050. Cela passe par la construction d’une première série de huit réacteurs nucléaires, dont les deux EPR de 1600 MW prévus à Sizewell C[2]. Huit sites ont été identifiés : Hinkley, Sizewell, Heysham, Hartlepool, Bradwell, Wylfa, Oldbury et Moorside. Certains de ces emplacements pourraient accueillir des SMR, y compris à plus long terme, des technologies avancées, dans lesquelles le BEIS souhaite renforcer les coopérations internationales.
[1] https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1032260/UK_Energy_in_Brief_2021.pdf
[2] Alors que le chinois CGN a été écarté du projet, l’État britannique va prendre une participation directe de 20 % dans le projet de construction des deux réacteurs, chiffré à 20 milliards d’euros. EDF participera au projet à la même hauteur. Cet engagement s’ajoute aux 100 millions de livres déjà investi fin janvier 2022 pour « soutenir le développement du projet ».