Combustibles nucléaires : des avancées technologiques majeures à l’essai
En cours de qualification en réacteur, le développement des technologies de combustible encore plus tolérantes aux accidents a connu une accélération considérable dans la dernière décennie. Des progrès qui ouvrent la porte à des économies de coûts de production électronucléaire.
L’accident de Fukushima survenu au Japon en mars 2011 a replacé la question de la robustesse des systèmes nucléaires en cas d’accident grave au coeur du débat public. Dans ce type de scénario accidentel de très faible probabilité d’occurrence – qui dépasse les hypothèses de dimensionnement des installations (« Beyond Design Basis ») –, la perte ou l’altération de la capacité de refroidissement du coeur conduit à la montée en température du combustible. L’ambition d’un combustible « encore plus tolérant aux accidents » ou EATF (pour « Enhanced Accident Tolerant Fuel ») est de conserver le plus longtemps possible sa géométrie et son intégrité au combustible dans ces conditions de scénario accidentel. L’objectif principal, pour ce faire, est de préserver la fonction de confi nement des matières fissiles et des produits de fission du combustible. Cela laisse possible le refroidissement ultérieur du coeur. On peut quantifier en minutes ou en heures, selon la dynamique du scénario accidentel, le délai supplémentaire d’intervention autorisé par ces nouvelles technologies de combustible. Ce concept a motivé un eff ort de recherche et développement considérable des concepteurs de combustible nucléaire au cours des dix dernières années.
Coopérations entre industriels et organismes de recherche
À l’échelle des évolutions historiques qu’ont connu les conceptions d’assemblages de combustible depuis le développement du parc électronucléaire mondial dans les années 1970, le défi technologique est de taille. Car l’enjeu consiste à développer de nouveaux matériaux plus résistants aux hautes températures, à l’oxydation, au flux de neutrons et aux sollicitations mécaniques. Ensuite, il faut définir les procédés industriels qui permettront de les fabriquer, de maîtriser les technologies de transformation, de mise en forme ou de liaison qui in fine permettront la réalisation des composants d’assemblages de combustible. Enfin, il est nécessaire de valider leur bon comportement lors du fonctionnement en réacteur.
Pour atteindre ces objectifs, les concepteurs de combustible ont exploré diverses pistes avec des succès variables. Beaucoup ont été abandonnées. Cela a été fait souvent en établissant des partenariats avec des organismes à vocation de recherche, des entités disposant de moyens d’essais, d’examens en cellules chaudes ou d’irradiation expérimentale. Il faut aussi compter des électriciens, indispensables pour la phase finale de qualification en réacteur de puissance, prérequis réglementaire pour obtenir l’autorisation d’exploitation d’un nouveau combustible (licensing). Outre les propres investissements de R&D des industriels, ces activités ont bénéficié de financements publics significatifs. La Commission européenne a lancé une action de financement des technologies à travers son programme « Il Trovatore ». En France, en plus du financement apporté par l’institut tripartite EDF-Framatome-CEA, le projet Framatome FABATF a été sélectionné dans le cadre du plan France relance pour développer et qualifier de nouveaux moyens de fabrication. Enfin, aux États-Unis, le département de l’Énergie américain (DOE) aura investi plusieurs centaines de millions de dollars d’ici 2025, répartis entre les trois fournisseurs de combustible présents sur le marché américain, dont Framatome, et les laboratoires nationaux.
Un leadership technologique français
Framatome a fortement bénéficié des recherches amont et des moyens d’essais du CEA dans le cadre de l’institut tripartite pour mettre en oeuvre sa stratégie de développement de solutions produits ATF. Une première solution en continuité avec les produits actuels est en cours de tests en réacteurs commerciaux dans différents pays (États-Unis, Suisse). Elle présente d’excellents résultats préliminaires qui alimenteront sa qualification progressive et la validation de ses performances dans les années à venir avant leur utilisation industrielle en recharges. Elle sera suivie, à plus long terme, du développement d’une solution en rupture au potentiel technologique plus ambitieux.
La première solution Framatome PROtect Cr-Cr repose sur l’usage de pastilles de combustible UO2, dopées au Cr2O3 et de gaines en alliage de zirconium M5 de Framatome. Ces dernières sont revêtues d’une couche de chrome métallique par un procédé PVD (Physical Vapor Deposition) permettant de garantir l’homogénéité et l’adhérence parfaite du revêtement. Cette solution apporte une robustesse mécanique vis-à-vis de la fragmentation, une meilleure rétention des produits de fi ssion, un comportement signifi cativement amélioré en oxydation haute température et vis-à-vis des phénomènes de déformation des gaines en cas d’accident de perte de réfrigérant primaire pouvant aller jusqu’à l’éclatement des gaines.
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