Clap de fin pour le nucléaire allemand - Sfen

Clap de fin pour le nucléaire allemand

Publié le 31 août 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Le soleil d’été a grillé la pelouse de la centrale nucléaire de biblis. Et comme « l’heure est à l’optimisation des coûts, il n’était pas question d’arroser » sourit Horst Kemmeter, directeur de la centrale. Car biblis vit désormais au ralenti, dans l’attente de l’autorisation de l’autorité de sûreté du land de hesse pour commencer la déconstruction de ses deux réacteurs. Tout a commencé en 2000 quand le gouvernement spd-verts de gerhard schröder annonce l’abandon progressif du nucléaire. La fermeture de biblis, détenue par rwe, est prévue pour 2011 ou 2012.

En 2010, revirement de situation. Le gouvernement autorise une prolongation de fonctionnement. Biblis respire. D’autant mieux que l’entreprise et Hartmut Lauer, Directeur de la centrale depuis 2001, choisissent de démontrer l’efficacité et la sûreté des 2 réacteurs en réalisant plus d’1 milliard d’euros de travaux de rénovation et surtout, obtiennent des autorités de sûreté régionale et fédérale, l’autorisation de fonctionner jusqu’en 2019.

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Depuis 2011, le mégawattmètre de Biblis a cessé d’afficher la production

En 2011, l’accident de Fukushima Daiichi, les accords politiques et le désamour de la population pour le nucléaire poussent le gouvernement allemand vers un « tournant énergétique » (Energiewende), dont le point central est la sortie accélérée du nucléaire d’ici 2022 avec cette fois des dates prévues de mise à l’arrêt pour chaque réacteur. De fait, en très peu de temps, le gouvernement allemand revenait sur son propre projet dans lequel le nucléaire jouait un rôle important en tant que « technologie de transition » jusqu’au milieu des années 2030. L’arrêt immédiat de huit centrales, dont les deux tranches de Biblis, est ordonné quelques jours après l’accident de Fukushima Daiichi.

Avec l’entrée en vigueur en août 2011 du 13e amendement à la loi Atomique [1], l’arrêt définitif et immédiat de huit centrales et l’arrêt progressif des autres d’ici 2022 est décrété. La procédure administrative de fermeture des deux tranches de Biblis est engagée et le dossier de demande de -déconstruction envoyé le 6 août 2012 à l’Autorité de sûreté du Land de Hesse. Après plusieurs échanges entre les autorités et l’exploitant, aucun problème particulier n’est identifié. Décentralisation oblige, Horst Kemmeter, Directeur de Biblis, attend maintenant que le gouvernement fédéral donne son avis et compte sur une autorisation pour 2016. Mais il rappelle aussi que « les organisations antinucléaires et plus de 1 000 personnes se sont exprimées lors de l’enquête publique contre la déconstruction ». Ce qui ralentit notablement le processus.

Déconstruire, c’est aussi exploiter

Bettina Roos, responsable au service du personnel de RWE, à Biblis depuis 11 ans, se souvient : « En 2010, on a commencé à travailler sur la prolongation de la durée de fonctionnement et on a embauché. Mais après Fukushima, les sujets de préoccupation ont évolué ». Avec 700 salariés et 300 prestataires permanents, la centrale a dû trouver une nouvelle organisation. « Nous sommes en adaptation permanente, souligne Mme Roos. Nous avons redimensionné les équipes. »

Biblis est passée à 400 salariés, sur la base du volontariat, de reclassements dans le Groupe RWE, de primes ou encore du non-remplacement des départs à la retraite. « Nous sommes dans une région économiquement et industriellement dynamique. Ça aide. Mais cela devient de plus en plus difficile » reconnaît la responsable RH.

 

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La commune de Biblis est jumelée avec Gravelines (Nord) qui abrite 6 réacteurs 900 MWE.

Le combustible est toujours sur le site, stocké dans la piscine de désactivation du bâtiment réacteur. « Nous attendons l’autorisation de l’évacuer, explique Horst Kemmeter, mais en attendant, nous devons garantir la sûreté ». En effet, le refroidissement continue d’être assuré et près de 40 % des essais périodiques doivent encore être réalisés. Sans oublier la protection incendie, la ventilation et la radioactivité… Tout cela avec 40 % de personnel en moins.

L’entreprise a donc choisi de ré-internaliser un grand nombre de tâches. Ainsi, les équipes de quart qui faisaient autrefois tourner les tranches se forment à la radio-protection et la décontamination. Autre poste à optimiser : la consommation d’électricité et d’eau, qu’il faut désormais acheter à l’extérieur… La centrale nucléaire s’est donc dotée d’une centrale à gaz pour se chauffer et a redimensionné son installation de traitement d’eau.

Un projet pour accompagner la fin de vie

« Nous estimons la phase de déconstruction à environ 15 ans » annonce le directeur de Biblis. La centrale reste sous le coup des réglementations nucléaires tant que le combustible ne sera pas évacué. Si l’exploitation au quotidien (suivi des tranches, sûreté, technique, radioprotection, contrôle qualité…) est organisée de façon classique, l’organisation de la déconstruction fait l’objet d’un projet « Mise à l’arrêt et post-exploitation » complet.

Le premier lot du projet est dédié à la stratégie de déconstruction, de sa planification aux autorisations nécessaires. Le second organise la logistique, les infrastructures et la gestion des déchets. C’est cette équipe qui va construire une installation sur site pour stocker les matériaux non contaminés réutilisables et se charge de trouver une filière d’évacuation aux déchets recyclables (fils de cuivre par exemple).

 

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Le troisième sous-projet (planning opérationnel de déconstruction et optimisation de la post–exploitation) résout les problèmes que pose le redimensionnement du site. Il envisage par exemple de supprimer une salle de commande pour n’en conserver qu’une qui pilotera les deux tranches.

Le combustible et ses -composants sont l’objet du quatrième sous–projet.

Enfin, et non le moindre, le cinquième lot est consacré aux équipes. Il s’agit d’identifier les perspectives, les besoins en compétences et les évolutions des personnels. Bettina Roos note que « les métiers sont de plus en plus polyvalents. Ceux qui restent doivent faire de nouvelles tâches différentes, en plus de celles qu’ils faisaient avant. »

Alors que le projet de déconstruction de Biblis commence à peine, celles et ceux qui restent gardent leur motivation intacte. Et tant pis si la pelouse a grillé cet été. L’automne qui arrive va lui rendre ses couleurs !

 

 
EN CHIFFRES
 
2 réacteurs à eau préssurisée. Tranche A de 1 225 MWe, mise en service en 1974, et tranche B de 1 300 MWe, mise en service en 1976.
512 TWh  c’est la production totale de Biblis A&B pendant son exploitation, l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité de l’Allemagne.
2011 Début de l’arrêt définitif de Biblis par amendement à la Loi Atomique en date du 6 août.
369  salariés RWE travaillent sur le site à fin 2015.
~ 30 % des coûts de la déconstruction sont des coûts de personnels 
~ 60 000 tonnes de déchets seront générées par la déconstruction de Biblis A&B
3 225  tonnes de déchets radioactifs de faible et moyenne activité sont issues de la déconstruction de Biblis A&B (hors combustibles irradiés), soit à peine 1 % du total des déchets.
 


La version d’origine de la loi Atomique date de 1960. Elle est la base légale de l’utilisation de l’énergie nucléaire et des rayonnements ionisants en Allemagne. Au cours du temps, la loi Atomique a été amendée à plusieurs reprises. L’amendement de 2002 prévoyait l’abandon progressif du nucléaire. L’amendement de 2011 entérine la fermeture immédiate et définitive de 8 réacteurs et l’arrêt progressif des 9 centrales restantes d’ici 2022.

Par la Rédaction