La Chine dévoile son immense cargo nucléaire alimenté au thorium - Sfen

La Chine dévoile son immense cargo nucléaire alimenté au thorium

Publié le 5 décembre 2025

Au début du mois de novembre 2025, la Chine a enfin levé le voile sur les premières spécificités techniques de son nouveau prototype de cargo à propulsion nucléaire. Celui-ci sera équipé d’un réacteur au thorium refroidi aux sels fondus. Il affichera une puissance de 200 MWth.

Il avait été dévoilé pour la première fois par la Chine en 2023. À nouveau, le cargo nucléaire « le plus grand du monde » a fait parler de lui le 5 novembre dernier. Propulsé au nucléaire et capable de porter jusqu’à 14 000 conteneurs, les premières spécifications techniques liées au moteur du nouveau navire révolutionnaire en développement viennent d’être annoncées.

Les informations ont été relayées par le journal South China Morning Post en contact avec une source proche du projet, Hu Keyi, expert en chef de la China State Shipbuilding Corporation (CSSC) et directeur du comité scientifique et technologique de Jiangnan Shipbuilding. Le navire prototype est développé par la China State Shipbuilding Corporation (CSSC) en partenariat avec la China National Nuclear Corporation (CNNC). La phase de conception pourrait s’achever en 2026 et la construction, elle, débuterait vers la fin de la décennie.

Les premiers détails techniques

Le cargo serait équipé d’un réacteur au thorium refroidi au sel fondu. Celui-ci pourrait atteindre une puissance thermique de 200 MWth, soit l’équivalent de la puissance des réacteurs S6W des sous-marins nucléaires d’attaque de classe Seawolf de l’US Navy. Le réacteur au thorium serait relié à un générateur de dioxyde de carbone supercritique – la turbine en quelque sorte – pour transformer l’énergie thermique en énergie électrique pour une puissance de 50 MWe. Selon Hu Keyi, « ce cycle sCO2 avancé atteint un rendement de conversion thermique-électrique de 45 à 50 %, un progrès considérable par rapport au rendement d’environ 33 % des réacteurs à vapeur classiques ». Le navire aurait la capacité de voguer sur les mers pendant des années sans ravitaillement. En effet, le réacteur est une unité modulaire étanche qui sera remplacée entièrement tous les 10 ans à quai.

Une sûreté pas laissée-pour-compte

L’expert a également souligné plusieurs caractéristiques techniques liées à la sûreté. « Le réacteur fonctionne à pression atmosphérique, ce qui élimine tout risque d’explosion due à une surpression. Le réacteur possède également un coefficient de température fortement négatif, ce qui signifie que la réaction nucléaire ralentit naturellement lorsque la température augmente, empêchant ainsi tout emballement. » En outre, le réacteur dispose de deux systèmes passifs d’évacuation de la chaleur résiduelle et d’une chambre de sécurité pour récupérer le thorium solidifié en cas de situation accidentelle.

Une matière nucléaire abondante

Le réacteur du prototype de cargo nucléaire chinois utilise un combustible à base de thorium. C’est une matière nucléaire qui n’est cependant pas fissile, comme peut l’être l’uranium-235 (utilisé dans nos réacteurs à eau pressurisée). Elle est fertile (on parle ici du thorium-232). Au sein d’un réacteur, elle ne peut donc être utilisée seule, une quantité suffisante de matière fissile doit être ajoutée pour initier et entretenir les premières opérations de fission.  C’est une matière abondante et qui pourrait présenter des avantages en matière d’économie des ressources et de déchets radioactifs dans ce type de réacteur.

La Chine est depuis longtemps le fer de lance des technologies au thorium, puisqu’elle dispose d’importants gisements de cette matière sur son territoire. L’Académie des sciences de Shanghai avait annoncé quelques semaines plus tôt, avoir réussi à transformer du thorium en uranium – une étape essentielle au fonctionnement de ces technologies. L’opération s’est déroulée au sein de leur réacteur expérimental au thorium refroidis aux sels fondus, d’une puissance de 2 MWth. Installé dans le désert de Gobi, c’est le seul de ce type à être en exploitation dans le monde. ■

Par François Terminet (Sfen) 

Image : Cargo porte conteneurs, Source : Shutterstock