Doel 2 : une fermeture discrète qui recompose l’équilibre énergétique belge - Sfen

Doel 2 : une fermeture discrète qui recompose l’équilibre énergétique belge

Publié le 2 décembre 2025

Le réacteur Doel 2 a été définitivement arrêté le 30 novembre, sans bruit ni controverse, cinquante ans après son entrée en service. Cinquième fermeture nucléaire en trois ans en Belgique, cet arrêt discret marque pourtant un tournant stratégique : à mesure que la capacité pilotable se contracte tandis que la demande et l’électrification progressent, c’est l’équilibre même du système électrique qui se trouve fragilisé à l’horizon 2035.

Le réacteur Doel 2 a été définitivement arrêté le 30 novembre, cinquante ans après son raccordement au réseau. Cinquième unité nucléaire mise hors service en trois ans, il s’éteint sans provoquer de controverse majeure. Pourtant, ce retrait intervient à un moment clé pour la Belgique, qui voit sa capacité pilotable diminuer alors que la demande électrique et l’électrification progressent.

La fin d’un réacteur de première génération

Mis en service en 1975, Doel 2 faisait partie des plus anciennes unités du parc belge. Initialement conçu pour quarante ans, il avait bénéficié en 2014 d’une prolongation de dix années supplémentaires. Engie, son exploitant, a confirmé sa mise hors service conformément au cadre réglementaire belge. L’entreprise a précisé que le réacteur entrait désormais dans une phase de post-exploitation incluant l’évacuation du combustible, la décontamination des circuits et la préparation au démantèlement.

Doel 2 s’ajoute à une liste déjà longue : Doel 3 (2022), Tihange 2 (2023), Doel 1 (février 2025) et Tihange 1 (octobre 2025). Il ne reste désormais plus que Doel 4 et Tihange 3 pour assurer la production nucléaire belge. La fermeture de ces unités anciennes traduit une évolution des exigences de sûreté : les réacteurs de première génération ne sont plus en mesure d’être mis aux standards actuels en matière de résistance aux agressions externes ou de critères sismiques.

Malgré son âge, Doel 2 a accumulé un volume important de production bas carbone. Selon la filière nucléaire belge, l’unité représente plusieurs décennies d’électricité pilotable dont l’équivalent fossile aurait généré des émissions significatives.

Un enjeu croissant pour les années 2030

L’arrêt de Doel 2 ne crée pas de risque immédiat pour l’hiver 2025-2026. Le gestionnaire du réseau belge, Elia, dispose de plusieurs leviers :

  • la mise en service récente d’une centrale au gaz à Flémalle, de puissance comparable à Doel 2 ;
  • l’intégration d’environ 200 MW de batteries stationnaires ;
  • le mécanisme belge de rémunération de capacité, destiné à attirer de nouvelles unités pilotables.

À court terme, ces éléments suffisent à maintenir l’équilibre du système. Mais la tendance est claire : la Belgique est passée de 6 GW de capacité nucléaire en 2022 à environ 2 GW aujourd’hui. Dans une interview donnée au média belge RTL info, Francesco Contino, professeur à l’UCLouvain et spécialiste des systèmes énergétiques, souligne que le système devra absorber un recours accru aux centrales à gaz ainsi qu’une hausse probable des importations, notamment depuis la France et les Pays-Bas.

Du côté du gouvernement fédéral, le ministre de l’Énergie, Mathieu Bihet, se veut rassurant pour l’hiver en cours tout en reconnaissant que l’horizon 2035 concentre les inquiétudes : à cette date, sans nouvelle décision, la quasi-totalité du nucléaire belge serait retirée du mix. Les discussions portent donc autant sur la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 au-delà de 2035 que sur la possibilité d’un nouveau programme.

En 2024, le nucléaire assurait encore 42 % de la consommation électrique belge, mais ce chiffre va mécaniquement diminuer. Une partie de la baisse sera toutefois compensée par des importations d’électricité produite dans des réacteurs français.

Une fermeture qui passe inaperçue, mais un débat qui se structure

Contrairement à l’arrêt de Tihange 1 plus tôt dans l’année, la fermeture de Doel 2 n’a suscité ni mobilisation locale ni réaction politique marquante. Les communications officielles se sont limitées à rappeler le respect du calendrier réglementaire, et la couverture médiatique est restée sobre. Doel 2 quitte ainsi la scène dans une relative indifférence, mais son arrêt symbolise un changement d’échelle : la Belgique réduit rapidement sa capacité nucléaire historique alors même que ses besoins en pilotable augmentent.

Si le court terme ne présente pas de risque majeur, le pays devra, dans les années à venir, arbitrer entre prolongations, nouvelles constructions, gaz, stockage et importations pour maintenir un système électrique stable et compatible avec ses objectifs climatiques. ■

Par Maximilien Struys (indépendant)

Image : Centrale nucléaire de Doel 2 en Belgique
©NICOLAS TUCAT / AFP