COP30 : les trois points à retenir pour le nucléaire
La COP30 s’est tenue à Bélem (Brésil) du 10 au 21 novembre, dans un contexte marqué par deux années consécutives de températures mondiales record et une hausse persistante des émissions de gaz à effet de serre. Ces tensions climatiques s’ajoutent à des relations internationales fragilisées par des conflits et des visions divergentes de l’avenir énergétique mondial, rendant la négociation sur le climat d’autant plus complexe.
La 30e édition de la COP sur le climat visait à aborder la révision des engagements nationaux, la protection des communautés des impacts climatiques, la garantie des financements climatiques, la préservation des forêts, la sortie progressive des énergies fossiles et de favoriser l’inclusion et la justice climatique. La ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, souligne qu’il est indispensable d’atteindre « avant la COP30 un alignement sur l’urgence climatique ».
L’un des principaux enjeux de la COP30 a été la réévaluation des engagements inscrits dans les contributions déterminées au niveau national (CDN), afin de renforcer l’action climatique collective. Depuis plusieurs années, le nucléaire a pris toute sa place dans les négociations climatiques, en particulier depuis la COP28 de Dubai où l’atome était pour la première fois cité dans l’accord final et où une vingtaine de pays se sont engagés à tripler la capacité nucléaire mondiale, condition sine qua none pour atteindre la neutralité carbone.
Si c’est la sortie des énergies fossiles qui étaient au cœur des débats cette année, avec un succès mitigé (voir encadré ci-dessous), trois grands messages sont à retenir sur le nucléaire :
- De plus en plus de pays s’engagent à tripler la capacité nucléaire d’ici 2050
Le nombre de pays soutenant la déclaration visant à tripler la capacité nucléaire d’ici 2050 est désormais de 33. Le Rwanda et le Sénégal ont annoncé leur ralliement lors de la COP30. Consciente que l’industrialisation ne peut reposer uniquement sur des sources intermittentes comme le solaire ou l’éolien, le Rwanda a choisi de devancer les besoins en intégrant le nucléaire civil à son mix énergétique. « Le président Kagame a vu très tôt la nécessité d’un mix énergétique crédible. Le nucléaire s’est imposé naturellement dans cette logique », explique le Lassina Zerbo, président de l’agence sur l’énergie atomique du Rwanda. Le Rwanda mise sur les petits réacteurs modulaires et les microréacteurs, capables de fournir de l’électricité de manière autonome et continue à des zones isolées, des hôpitaux ou des infrastructures industrielles. Une solution particulièrement adaptée aux défis de l’Afrique, où l’accès fiable à l’énergie demeure un frein majeur au développement.
De son côté, Le Sénégal, dont l’électricité dépend encore largement des combustibles fossiles, lance lui aussi son programme nucléaire. Il démarre avec un réacteur de recherche pour former ses scientifiques et ingénieurs dans des domaines comme la médecine nucléaire, l’agriculture et la science des matériaux. À plus long terme, le pays prévoit de développer un petit réacteur modulaire dans le cadre de sa stratégie « Sénégal 2050 ».
- Deux nouvelles institutions financières s’engagent aux côtés des pays pour tripler le nucléaire
Parallèlement à ces initiatives, Stifel Financial Corp et la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC) ont annoncé rejoindre l’initiative « Tripling Statement of Support by Financial Institutions » (Triplement de Soutien des Institutions Financières).
Cette déclaration avait été initiée en septembre 2024, lors de la Semaine du climat à New York. 14 institutions financières et plus de 140 entreprises industrielles avaient affirmé reconnaître le rôle essentiel des projets nucléaires civils dans la transition vers une économie bas carbone. Elles avaient également exprimé leur soutien aux objectifs de long terme visant à accroître la production mondiale d’énergie nucléaire et à développer l’ensemble de l’industrie nucléaire, afin d’accélérer la génération d’électricité propre au service de la transition énergétique.
Bien que la COP 30 atteste un soutien mondial de plus en plus important de nombreux enjeux demeurent. Sama Bilbao y León, directrice générale de la World Nuclear Association (WNA), a résumé l’enjeu de manière claire : « La voie vers le triplement de la capacité nucléaire est ouverte, mais elle exige un leadership audacieux, pragmatique et visionnaire. Les gouvernements doivent agir dès maintenant, et l’industrie doit livrer des engagements et collaborer avec la société civile. Un avenir plus propre et plus résilient est à portée de main avec l’énergie nucléaire. »
- Vers une synergie inédite entre nucléaire et énergies renouvelables
Lors de la COP30, Women in Renewable Energy (WiRE) et Nuclear for Climate initiative (N4C) ont signé une déclaration conjointe pour aller vers la neutralité carbone. Cette déclaration insiste sur le fait que « pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, des politiques stables et des cadres d’investissement prévisibles, incluant toutes les sources d’énergie propre, sont indispensables ».
Elle rappelle aussi que la neutralité carbone exige la mobilisation de toutes les solutions énergétiques disponibles. Une approche collective et coordonnée reste la clé. En somme, la réussite de la neutralité carbone dépendra de la capacité des acteurs à collaborer et à conjuguer leurs efforts. ■
Encadré : Le bilan mitigé de la COP30
Le 22 novembre, la communauté internationale a adopté l’essentiel du Paquet Politique de Belém. Le texte ne reprend pas la proposition d’une feuille de route pour sortir des combustibles fossiles, annoncée dès l’ouverture de la conférence par le président brésilien Lula. Cette absence déçoit 80 pays, parmi lesquels la Colombie, les États insulaires les plus exposés ainsi que l’Union européenne.
En parallèle, le document souligne les progrès réalisés au niveau mondial au cours de la dernière décennie, « notamment des avancées rapides et une baisse des coûts des technologies, ainsi que des niveaux records de capacité mondiale en énergies renouvelables et d’investissements dans les énergies propres ». Autrement dit, si l’accord reste silencieux sur les combustibles fossiles, il met en avant la dynamique positive déjà enclenchée dans les secteurs bas-carbone.
Sur le volet de l’adaptation, la décision introduit en revanche un engagement majeur. Elle « appelle à des efforts pour tripler les financements destinés à l’adaptation par rapport aux niveaux de 2025 d’ici 2030 ». Cela pourrait représenter jusqu’à 120 milliards de dollars par an. Ces fonds doivent notamment permettre de surélever les routes, renforcer les bâtiments face aux tempêtes ou encore préparer l’agriculture aux épisodes de sécheresse.