Vers une fin de la division franco-allemande sur le nucléaire ? - Sfen

Vers une fin de la division franco-allemande sur le nucléaire ?

Publié le 19 septembre 2025 - Mis à jour le 24 septembre 2025

Après deux décennies de désaccords profonds sur la stratégie énergétique et la place du nucléaire dans le mix énergétique européen, la France et l’Allemagne commencent à s’aligner. Si rien n’est encore acté, le principe de neutralité technologique semble satisfaire les deux parties.

C’est peut-être la fin de l’une des batailles de politique énergétique les plus importantes d’Europe. À la sortie du 25e conseil des ministres franco-allemand fin août, le ministère de l’Énergie français a indiqué que les deux pays allaient s’aligner pour porter le principe de neutralité technologique dans la réglementation européenne. « Nous avons besoin de sortir de cette approche conflictuelle de la stratégie énergétique, et nous avons, au fond, la nécessité de reconnaître la légitimité de nos orientations énergétiques respectives », précise Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Énergie lors d’une conférence de presse.

Concrètement, les deux puissances européennes souhaitent reconnaître leurs stratégies et éviter les blocages dès lors que les technologies sont décarbonées. En somme, c’est un pas de plus vers la fin de la discrimination du nucléaire, position que soutenait traditionnellement l’Allemagne. Cette avancée pourrait faire évoluer le traitement réservé à l’atome dans les politiques européennes de soutien aux énergies bas carbone, mais aussi à la Banque européenne d’investissement ou à la Banque mondiale. Début mai 2025, lors d’une visite à Paris, le chancelier allemand Friedrich Merz a déjà annoncé sa volonté d’en finir avec la position anti-atome de son pays. Une décision qui avait divisé ses partenaires de coalition.

Le couple franco-allemand a aussi formalisé son rapprochement avec la signature d’un protocole d’accord entre Bpifrance et SprinD, l’agence allemande d’innovation. Bien que les modalités de ce partenariat soient encore en cours d’élaboration, Bercy a indiqué que les technologies nucléaires innovantes, notamment la fusion nucléaire, feront partie des projets couverts, à l’instar de l’intelligence artificielle.

Les directives RED dans le viseur

Pour Bercy, l’alignement sur la neutralité technologique a aussi pour objectif de moderniser la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED III actuellement). « L’enjeu repose sur le fait que le prochain paquet énergie-climat, qui est prévu en 2026-2027 au niveau européen, ne comprenne pas une quatrième directive énergie renouvelable, donc une RED IV, mais bien une nouvelle législation dont le nom reste à trouver, mais qui devra être une directive neutre technologiquement », a précisé le cabinet de Marc Ferracci.

Une position aussi défendue par l’Institut Montaigne. Dans une note publiée fin 2024, le think tank recommandait de passer d’une logique d’objectifs en part d’énergies renouvelables dans l’énergie finale à une baisse de l’intensité carbone. Selon l’Institut, l’approche actuelle se limitant au déploiement graduel d’ENR et de l’efficacité énergétique ne permet pas suffisamment de prendre en compte « l’ensemble des leviers mobilisés par les États membres ».

Actuellement, les travaux législatifs européens fixant l’objectif climatique de l’Union européenne à l’horizon 2040 et le cadre réglementaire pour y parvenir vont bon train. Si la présidence danoise du Conseil européen a déjà envoyé un projet de compromis sur la proposition législative visant à fixer à 90 % l’objectif de réduction des émissions nettes de l’UE à l’horizon 2040, certains cherchent des alternatives. La France, la Pologne et le chancelier allemand Friedrich Merz souhaitent notamment que les modalités soient d’abord discutées par les dirigeants des 27. Si cette volonté se concrétise, les prises de décisions seront repoussées au moins jusqu’au 23 et 24 octobre, date du prochain Conseil européen. ■

Par Simon PHILIPPE (Sfen)

Photo : 25e conseil des ministres franco allemand © Elysée