Innovatome : un SMR en guerre contre le plastique marin - Sfen

Innovatome : un SMR en guerre contre le plastique marin

Les Français de Nuk’Cycle, vainqueurs du concours Innovatome 2025 ont porté les couleurs de la France à Zagreb lors de la grande finale européenne Innovate for Nuclear1 (I4N). Onze projets étaient en lice, portés par des jeunes Européens qui explorent des applications innovantes du nucléaire au service de l’environnement. Médaille de bronze pour l’équipe tricolore qui vise à débarrasser les océans de ses microplastiques.

En avril dernier, les candidats au concours Innovatome – étudiants, alternants et jeunes professionnels de la filière – avaient 48 heures pour défendre un projet d’innovation crédible combinant briques technologiques existantes, idées neuves et mise en oeuvre maîtrisée. En phase avec les attentes des industriels, six équipes ont plongé d’emblée dans l’innovation et l’élaboration de leur pitch, transformant leurs idées en véritables projets entrepreneuriaux.

Navire humanitaire propulsé au nucléaire aux solutions de maintenance et de traçabilité, en recyclage des plastiques, agriculture adaptée au changement climatique, traitement du cancer… Les équipes ont cogité tous azimuts. Très impressionné, le jury d’experts2 a finalement tranché en faveur de l’équipe Nuk’Cycle.

Le nucléaire au chevet des océans

Nuk’Cycle veut s’attaquer aux plastiques flottant à la surface des océans. Selon l’ONG The Ocean Cleanup, les chiffres sont alarmants. La concentration de débris en plastique de petite taille observés dans le gyre subtropical du Pacifique nord, ne cesse de croître, jusqu’à 10 millions de microparticules par km2 en 2022, soit dix fois plus qu’en 2015. Face aux images chocs de ce 7e continent de plastique, l’idée d’une « barge nucléaire » mobile propulsée par un petit réacteur modulaire (SMR) a germé, une barge conçue pour collecter, recycler et transformer les polymères plastiques sur l’eau. L’irradiation ouvre en effet la voie à des approches innovantes pour traiter les microplastiques, confirme l’AIEA. « Au sein de l’équipe, nos profils étaient complémentaires. Nous avons avancé ensemble dans une même direction : démontrer que l’irradiation du plastique est une piste intéressante pour lutter contre la pollution anthropique », explique l’équipe de Nuk’Cycle.

Innover, oui, mais avec un modèle économique robuste !

« Vous avez 48 heures pour proposer une application concrète portée par un modèle économique solide », avait rappelé en début de concours Nathalie Collignon, directrice de l’innovation chez Orano. « Ce n’est pas le concours Lépine ici », précisait-elle avec fermeté. C’est le recyclage des plastiques par réticulation, appelé PEX, qui a constitué la brique technologique du projet. Cette technologie permet de modifier la structure des plastiques pour pouvoir les réutiliser. « Avec le soutien de partenaires stratégiques – Technicatome pour la propulsion nucléaire et le CEA pour les technologies d’irradiation – et une gestion rigoureuse des coûts, le projet présente une rentabilité intéressante (estimée à 16,4 %) et un fort potentiel de développement commercial », a estimé le jury.

« Pour nous, le financement initial à 100 % permettra de lancer le projet, de couvrir l’amorçage, la R&D et les premières opérations. Mais notre objectif est l’autonomie : il ne faut pas dépendre de fonds publics, le modèle doit être économiquement viable pour se déployer à grande échelle. Un seul bateau ne suffira pas à nettoyer les océans. En générant nos propres revenus, nous pourrons répliquer la solution, financer une flotte et avoir un véritable impact », expliquent les jeunes ingénieurs.

Un SMR « 3 en 1 »

L’usage d’un SMR « permettra à la fois d’alimenter la propulsion du navire, d’apporter l’électricité nécessaire au fonctionnement de l’embarcation et de l’usine de recyclage et de fournir les rayonnements permettant de traiter le plastique par réticulation dans le but d’améliorer ses propriétés en utilisant le principe d’irradiation par réticulation », poursuivent-ils.

Pour la propulsion nucléaire, l’avantage majeur est son autonomie exceptionnelle : « Contrairement aux carburants classiques qu’il faut recharger régulièrement, un réacteur nucléaire peut fonctionner pendant près de dix ans sans ravitaillement. Cela s’explique par le cycle du combustible nucléaire, beaucoup plus long, ce qui rend la propulsion nucléaire idéale pour des missions de longue durée ou dans des zones éloignées où le ravitaillement est difficile ».

Pour le recyclage des polymères plastiques, la réticulation peut être induite par des rayonnements ionisants. « Le réacteur au plomb produit exclusivement des rayons bêta et gamma qui peuvent être valorisés. Néanmoins seuls les rayons gamma pourront être utilisés car leur pouvoir de pénétration est le seul capable d’atteindre le plastique. Ils permettent sa transformation en matériaux recyclés de très haute qualité, ensuite utilisés, par exemple, dans le spatial, l’aéronautique ou la médecine de pointe », précise la jeune équipe. Pour réduire les déchets plastiques, les rayons gamma et les faisceaux d’électrons offrent des avantages uniques : ils permettent un recyclage plus propre, sans additifs nocifs, tout en améliorant l’efficacité énergétique.

Ce que l’équipe retiendra

Le montage du projet, la richesse des échanges, l’effervescence pour être prêts dans les temps : tout fut d’une folle intensité. Puis vint le moment tant attendu, à Zagreb, du pitch final que les ingénieurs tricolores ont vécu comme un défi exigeant et une grande fierté partagée.

Selon, Thibault Rozalen, ingénieur chez Orano et coach de Nuk’Cycle : « L’aventure s’est arrêtée là s’agissant du concours, mais les Français ont brillé en décrochant une belle 3e place. Bravo les Nuk’Cyclers ! »

Alexandre Havard, chef de projet d’Innovatome abonde : « Les entreprises misent sur les jeunes pour bousculer les codes et réinventer l’industrie. Parce qu’au fond, l’innovation, c’est ça : oser, rêver grand, s’amuser un peu… Et changer le monde, un atome à la fois ! Bravo à toutes les équipes ».


1. I4N est organisé par le réseau Young Generation de l’European Nuclear Society (ENYGF).
2. Le jury Innovatome 2025 est composé de Christine Antao, responsable de l’innovation chez Framatome, de Nathalie Collignon, directrice de l’innovation du groupe Orano, de Jean Dufour, chef de projet chez TechnicAtome et  d’Anne-Marie Birac, représentant l’association WiN France.

> Voir aussi : Innovatome : 48h pour inventer le nucléaire de demain

Propos recueillis par Sylvie Delaplace (Sfen)

Photo I Les Nuk’Cyclers : Ishan Baichoo (alternant ingénieur en informatique, Edvance), Ismail Ammari (ingénieur ventilation nucléaire, Orano Projets), Julia Bernard (alternante chef de projets, Orano Projets), Victor Remy (apprenti ingénieur, Newcleo), Lucas Clave (étudiant en Master 2 d’Histoire des mondes contemporains et des relations internationales, La Sorbonne)

© Maximilien Struyss

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