World Nuclear Exhibition : l’incontournable rendez-vous international du nucléaire civil

Interview de Sylvie Bermann, présidente du World Nuclear Exhibition (WNE), ambassadeur de France. Propos receuillis par Cécile Crampon, Sfen.
Vous avez pris la présidence du WNE à l’automne 2020, en vue notamment de sa 4e édition qui se tient du 30 novembre au 2 décembre 2021 au Parc des expositions de Villepinte, près de Paris.
Pouvez-vous rappeler l’objet de ce salon international ?
Sylvie Bermann : WNE est considéré comme le plus grand salon mondial du nucléaire civil, l’événement de référence pour les professionnels et les entreprises (grands donneurs d’ordre, TPE, PME, ETI) souhaitant développer leurs activités en France et dans le monde. Depuis sa création en 2014, WNE est devenu le lieu de convergence privilégié pour développer son réseau, rencontrer des clients, des pairs et des fournisseurs potentiels, mais aussi découvrir les dernières innovations, nouer des partenariats et signer de nouveaux contrats.
C’est aussi l’opportunité pour les décideurs et dirigeants de partager leurs visions et leurs objectifs, d’échanger sur des sujets stratégiques avec, au cœur des discussions, la volonté de contribuer au développement de l’énergie nucléaire, une technologie déterminante d’une économie bas carbone. L’édition 2021 de WNE est évidemment attendue avec une grande impatience, par de nombreux acteurs aux niveaux national et international, après une 3e édition remontant à plus de trois ans, en juin 2018. Notre ambition est de faire du WNE le « Bourget du nucléaire ». Nos contacts, nombreux, ont permis de mesurer leur intérêt très fort pour cette édition et leur enthousiasme à l’idée d’y participer. Ce WNE semble être plus que jamais utile et bienvenu et devrait attirer près de 1 000 hauts décisionnaires internationaux (gouvernements, institutionnels, grands acheteurs, etc.) autour des 550 exposants.
Précisons que cette édition 2021 est organisée dans un contexte nécessitant le respect d’exigences sanitaires strictes1. En outre, les contraintes pour se rendre en France sont encore fortes depuis certains pays. Nous avons donc fait de WNE 2021 un événement hybride, à la fois physique et digital, pour fédérer le plus grand nombre de participants. À ceux qui le peuvent, je donne rendez-vous au Parc des expositions, une opportunité de se réunir et de se voir à nouveau après ces vingt-quatre derniers mois si perturbés !
Quels seront les thèmes abordés de cette édition 2021 ?
S.B. : Tout se déclinera autour de ce grand thème central : « L’industrie du nucléaire, un acteur-clé pour une société bas carbone et un avenir responsable ». Il s’inscrit dans la préoccupation unanimement partagée par la communauté nucléaire de la lutte contre le changement climatique, et ce dans un contexte international et européen riche : deux semaines à peine après la COP 26 à Glasgow et quelques semaines avant le début de la présidence française de l’Union européenne, tandis que les discussions sont toujours en cours à Bruxelles sur l’importance d’inclure l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne des énergies bas carbone.
Dans le détail, trois thématiques d’avenir seront au coeur des échanges lors du WNE millésime 2021 :
↦ les nombreuses innovations réalisées dans le domaine de la gestion des déchets ces dernières années en France et à l’étranger ;
↦ l’hydrogène et en particulier la production d’hydrogène par électrolyse à partir de l’énergie nucléaire, beaucoup plus efficace que l’hydrogène renouvelable ;
↦ et enfin les small modular reactors (SMR) dont les projets sont portés aujourd’hui par les Américains, les Russes, les Chinois, mais aussi par la France avec NuwardTM.
La journée du 2 décembre sera consacrée à un « SMR & Advanced reactors day » pour apporter un éclairage sur les nouvelles solutions technologiques, leurs avantages concurrentiels et les conditions à réunir pour leur intégration dans des mix énergétiques nationaux. C’est véritablement une opportunité pour les décideurs de haut niveau d’échanger avec les industriels et les centres de recherche sur les besoins d’investissement en capital, les défis à relever notamment en termes de chaîne d’approvisionnement, d’harmonisation des réglementations, d’exigences de sûreté/sécurité ou encore concernant l’acceptation par le public de ces nouveaux types de réacteurs.
« Chacun retrouvera les incontournables du WNE tels que les rendez-vous d’affaires pré-organisés accélérateurs de business pour les entreprises exposantes2, le Start-up Planet3, les visites guidées, les tables rondes, les workshops des exposants et les tribunes des sponsors »
Enfin, il faut rappeler que l’industrie nucléaire recrute et des « focus métiers stratégiques », qui concernent des métiers techniques, seront déclinés autour de ces thèmes pour débattre des enjeux de demain.
Il est aussi question cette année du « WNE Fellow Award ». De quoi s’agit-il ?
S.B. : En effet. Au-delà des WNE Awards qui sont des prix portant sur l’innovation, décernés par catégorie (produits et services, sûreté nucléaire, excellence opérationnelle, management des connaissances et des compétences), nous souhaitons que soit récompensée, pour la première fois, une personnalité non industrielle, oeuvrant en faveur de la filière nucléaire civile. Cette cérémonie, organisée par le GIFEN4 la veille de l’ouverture du salon WNE, décernera le prix à une personnalité sélectionnée par un jury5 présidé par Bernard Bigot, directeur général d’ITER Organization et composé d’experts mondiaux reconnus.
Vous connaissez bien le secteur du nucléaire en tant qu’ambassadeur de France en Chine, au Royaume-Uni et en Russie à une période où la France était et reste impliquée dans de grands projets nucléaires (Hinkley Point, Taishan).
Quelle est votre appréciation personnelle sur cette énergie et sa capacité à être davantage déployée dans le monde ?
S.B. : Dans mes fonctions précédentes d’ambassadeur, j’ai toujours été très fière de ce fleuron de l’industrie française qu’est le nucléaire, qui est une opportunité de partenariat structurant avec beaucoup de pays dans le monde pour le plus grand bénéfice de nos entreprises intervenantes, notamment les PME. Nous sommes aussi à une époque où la promotion de l’énergie nucléaire est rendue d’autant plus nécessaire que le changement climatique est là. Nous devons sortir de l’idéologie des seules énergies renouvelables en ayant une approche scientifique.
Au niveau européen, le Green Deal est au coeur des débats. Certains pays s’opposent à l’énergie nucléaire et font de la résistance alors que les derniers rapports scientifiques demandés par la Commission européenne et celui de la Commission économique de l’ONU insistent sur la nécessité de recourir, entre autres, au nucléaire pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Ces rapports démontrent que le nucléaire est une des industries qui produit le moins de CO2. Bien sûr, je ne suis pas hostile aux énergies renouvelables et à la recherche qui sont nécessaires mais les énergies intermittentes, non pilotables, ne pourront à elles seules répondre aux besoins dans le monde. Arrêter l’énergie nucléaire dans un pays comme l’Allemagne, c’est la remplacer par des énergies fossiles et parfois au détriment de son indépendance stratégique. Nullement opposée par principe à l’accord germano-russe sur le gazoduc Nord Stream 2, il est néanmoins nécessaire de remarquer que l’Allemagne devra gérer la hausse du niveau de CO2 consécutive à l’usage du gaz tout en accroissant sa dépendance énergétique à l’égard de la Russie. Accepter le démarrage d’une nouvelle centrale à charbon, Datteln-4, en mai 2020 relève selon moi d’une attitude paradoxale et irrationnelle. Nous avons la chance en France d’avoir un des mix énergétiques les moins carbonés d’Europe, avec une industrie nucléaire qui s’exporte tout en contribuant à notre indépendance énergétique. Il est important de le rappeler au plus grand nombre, comme le fait que le nucléaire et en particulier la médecine nucléaire tiennent un rôle de plus en plus conséquent dans la santé mondiale et la lutte contre le cancer.
BIO EXPRESS
Sylvie Bermann a été successivement ambassadeur en Chine (2011-2014), au Royaume-Uni (2014-2017) et en Russie (2017-2019).
Elle était auparavant directrice des Nations unies et des organisations internationales au ministère des Affaires étrangères. Elle a également été en poste à Bruxelles comme ambassadeur, représentant permanent au Comité politique et de sécurité (COPS) de l’Union européenne et, à New York, conseillère à la mission française auprès des Nations unies Elle est l’auteur de La Chine en eaux profondes (2017) et de Goodbye Britannia (2021), aux Editions Stock.
1.Il est prévu l’installation d’un centre de dépistage du Covid-19 à l’entrée pour celles et ceux qui ne disposeraient pas du pass sanitaire.
2. Ces rendez-vous d’affaires sont un lieu de rencontres et d’échanges privilégiés entre les visiteurs (acheteurs, donneurs d’ordre, porteurs de projet) et les exposants (fournisseurs, preneurs d’ordre, porteurs de solution).
3. Il s’agit d’un espace dédié aux nouvelles entreprises du secteur nucléaire, conçu spécifiquement pour optimiser les pitchs, le networking, les démonstrations de produits et
favoriser les nouvelles rencontres.
4. Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire.
5. Dix personnalités internationales ont été proposées en très grande majorité par les conseillers nucléaires auprès des ambassades de France.