WNE 2025 : quatre leçons à retenir pour un « come-back » réussi du nucléaire - Sfen

WNE 2025 : quatre leçons à retenir pour un « come-back » réussi du nucléaire

Publié le 10 novembre 2025 - Mis à jour le 13 novembre 2025

Le nucléaire n’est plus une promesse : il est de retour. Le World Nuclear Exhibition 2025 en a dressé les contours, confirmant son rôle central dans les stratégies énergétiques et climatiques mondiales. Mais ce « come-back » repose sur des leviers bien identifiés — financement, industrialisation, standardisation et gouvernance — qui détermineront la réussite de cette relance.

Du 4 au 6 novembre 2025, le World Nuclear Exhibition (WNE) a confirmé une tendance clairement perceptible : le nucléaire redevient central dans les équilibres énergétiques mondiaux. Mais ce « come-back » — loin d’être automatique — repose sur des conditions très concrètes : arbitrages politiques, modèles de financement, industrialisation de la chaîne d’approvisionnement, rôle climatique et gouvernance européenne. La RGN a suivi en live les temps forts de ces trois journée (jour 1, jour 2 et jour 3). Revoyons ici les temps forts.

  1. Le grand retour : de la promesse au réalisme

« Le nucléaire est de retour. Ce retour est maintenant une réalité », assure Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) en ouverture du WNE. Il a rappelé que la conjonction de la hausse de la demande d’électricité, d’un nombre significatif de capacités en construction et de nouveaux pays candidats a rendu crédible le come-back du nucléaire.

« Nous passons de la promesse au progrès : le secteur connaît un retour au réalisme, à mesure que des pays étendent, lancent ou mettent à jour leurs programmes », abonde Rafael Grossi, DG de l’AIEA. Il a souligné que ce réalisme exige désormais des actes — pas seulement des déclarations — pour transformer les intentions politiques en livrables concrets.

 

  1. Financement : l’enjeu décisif

La question du financement a été décrite comme l’un des verrous principaux à lever pour transformer l’élan politique en réalisations industrielles. Le WNE 2025 a consacré plusieurs sessions et tribunes à la recherche de « nouvelles façons » de financer la renaissance nucléaire, pour être en ligne avec les momentums industriels et politiques.

Les investisseurs ont besoin de calendriers et la nécessité d’un cocktail d’outils — financements publics (garanties, prêts à taux préférentiels), partenariats public-privé, mécanismes de partage des risques, et instruments de long terme adaptés aux cycles nucléaires — pour réduire le coût du capital.

Mais la multiplication des « premiers » projets (first-of-a-kind) dans de nombreux pays accroît la prime de risque ; les panélistes ont donc plaidé pour des instruments publics visant précisément ces premières unités (subventions, facilités de crédit, assurances-risques). Stéphane Aubarbier, PDG d’Assystem a lui-même insisté : « le financement est l’un des sujets dominants pour rendre possible un programme nucléaire aujourd’hui. »

 

  1. Supply-chain et standardisation : de la chaîne d’approvisionnement à la chaîne de valeur

La supply-chain a constitué un fil rouge des débats. EDF, Framatome, Vinci, Assystem et d’autres ont insisté sur la nécessité d’impliquer tôt les fournisseurs, d’harmoniser les standards et de construire des relations durables entre grands groupes et PME.

« Nous devons passer d’un modèle de supply-chain traditionnel à une chaîne de valeur à long terme », a déclaré Bernard Fontana (EDF) lors d’un panel sur la supply chain. Il a appelé à tirer les leçons d’industries comme l’aéronautique ou l’automobile où la standardisation a permis l’excellence opérationnelle.

La standardisation, en ce sens, est clé. Plus les modèles et les designs sont standardisés, plus les risques techniques et calendaires diminuent, ce qui baisse le rendement exigé par les prêteurs. « La Chine a prouvé que la réplication et la standardisation permettent d’obtenir des gains économiques et de temps sur les projets de réacteurs nucléaires, souligne Marc Duret, responsable développement et vente de Framatome. Alors que Framatome va largement augmenter sa capacité de production, il faut que nous nous inspirions de ce modèle qui fonctionne. »

« Avec ce projet (Sizewell C, ndr), nous observons les premiers bénéfices de la standardisation, abonde Bertrand Michoud, directeur exécutif de Sizewell C. Le fait d’avoir un design stabilisé bien en amont de la construction nous a permis de dérisquer la manufacture d’une partie des composants. La réplication du design n’était pas acquise au départ. Cela nous a demandé beaucoup d’efforts pour les conditions de sites, pour la phase réglementaire, mais aussi vis-à-vis de la chaîne d’approvisionnement ».

 

  1. Climat : rôle central dans la neutralité carbone

Le WNE a confirmé que le nucléaire est désormais considéré, par de grandes institutions et ministres, comme central à la stratégie de décarbonation :

« L’énergie nucléaire est passée des marges du débat énergétique au cœur de l’action climatique mondiale », assure Rafael Mariano Grossi de l’AIEA. Le salon a également souligné l’ampleur du défi : d’après les intervenants, il faudra multiplier par plus de trois le rythme d’ajout de capacités nucléaires pour atteindre certains scénarios de neutralité carbone.
« Nous veillerons à ce que le nucléaire conserve sa place parmi les solutions d’avenir, afin d’honorer les objectifs de triplement des capacités nucléaires d’ici 2050 », assure Sama Bilbao y León, directrice générale de la World Nuclear Association.

Par Ludovic Dupin (Sfen)

Image : Fatih Birol, Président de l’AIE – @BASTIEN OHIER / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP