WikiLeaks : info ou intox ?
En fin de semaine dernière, WikiLeaks a accusé AREVA de ne pas avoir pris toutes les précautions nécessaires pour protéger ses salariés de la mine de Bakouma (République centrafricaine) des rayonnements ionisants. Pourtant, contrairement à une idée reçue, le groupe français applique les mêmes réglementations et les mêmes exigences sur l’ensemble de ses sites miniers, où qu’ils se trouvent dans le monde. Les allégations de WikiLeaks – dont la source est un rapport non daté et non signé – ne reflètent pas la réalité des actions d’AREVA sur place. Eléments de décryptage.
AREVA en République centrafricaine
A Bakouma, AREVA a mené des travaux d’exploration et quelques travaux préparatoires à la création d’une mine à ciel ouvert qui n’a pas encore vu le jour. En 2012, tout est arrêté. En juin de la même année, le site est attaqué et pillé par des bandes armées. « Nous avons évacué tout notre personnel, en laissant sur place une équipe réduite de maintenance et un gardiennage continu, assuré par une société privée » précise AREVA.
A l’époque, le pays était en proie à une instabilité politique (NDLR : instabilité qui débouchera quelques mois plus tard sur une guerre civile) et l’Etat n’était plus en mesure d’assurer la sécurité du site et de ses environs. Si bien qu’à partir de décembre 2012, le groupe français n’aura plus accès au site de Bakouma.
Par ailleurs, cette attaque est intervenue alors que les cours de l’uranium avaient déjà chuté, depuis l’accident de Fukushima en mars 2011 et l’arrêt des réacteurs japonais qui s’en était suivi. En août 2012, AREVA informe les autorités locales de la suspension de ses activités à Bakouma en raison de la conjonction des deux facteurs, le contexte sécuritaire et le contexte économique et de marché.
Il n’y a donc jamais eu d’exploitation de mine d’uranium en République centrafricaine par AREVA, le projet étant resté au stade de l’exploration, comme c’est le cas de nombreux projets miniers.
Du Canada à la Centrafrique : la protection des mineurs est identique
Dans le nucléaire, la protection des salariés est une priorité. L’activité minière ne fait pas exception. Les mesures de protection et le suivi des travailleurs sont sans commune mesure avec ce que l’on trouve, par exemple, dans les mines de charbon. Dans le cas de Bakouma, AREVA a contesté formellement les accusations d’absence d’équipement de protection évoquées par Wikileaks : « Les employés du site avaient des tenues de travail adaptées, et bénéficiaient de sensibilisation régulières aux enjeux de sécurité au travail et de radioprotection », indique le groupe.
En 2014, 1 049 mineurs ont trouvé la mort dans les mines de charbon chinoises et « plusieurs millions ont contracté des pneumonies et d’autres maladies mortelles » selon l’ONG China Labour Bulletin. Le nucléaire français est bien loin de cette image d’un autre siècle. Concernant l’exposition et le suivi radiologique des salariés, depuis les débuts des années 2000, AREVA s’est donné comme objectif de prendre la référence française de 20 mSv sur 12 mois, qui est la plus exigeante au monde, pour l’exposition maximale aux rayonnements ionisants de son personnel dans l’ensemble des pays où opère le groupe, y compris ceux où la règlementation locale est moins sévère, ainsi que pour les sous-traitants intervenant sur ses installations. En outre, les salariés bénéficient d’un suivi médical spécifique.
Pour les travailleurs de Bakouma, les doses enregistrées entre 2009 et 2011 étaient, en moyenne, comprises entre 0,18 et 0,85 mSv par an avec une dose maximale de 2,28 mSv : des résultats largement inférieurs à la limite à ne pas dépasser des 20 mSv. Dans un rapport de mars 2013, l’ANR – l’autorité de sûreté centrafricaine – confirmait que « les doses reçues par le personnel sont faibles et largement en-dessous des seuils règlementaires ». Les données d’exposition radiologique d’exposition des salariés ont été transmises à l’ANR.
Un site réhabilité où la nature reprend ses droits
Si des prospections ont été menées à Bakouma, c’est que le site recelait naturellement – et donc avant toute activité humaine – de l’uranium. Dès lors, la radioactivité naturelle à Bakouma (le « bruit de fond naturel ») est naturellement plus élevé que dans des endroits ne présentant pas ces caractéristiques.
Avant de cesser toute activité à Bakouma, AREVA a mené la totalité des travaux nécessaires à la réhabilitation du site. « L’objectif de ces travaux était la mise en sécurité et la reconstitution des terrains dans une configuration aussi proche que raisonnablement possible de leur état initial avant le lancement des travaux miniers, pour que la nature puisse y reprendre ses droits, comme c’est l’objectif dans tout réaménagement d’ancien site minier que nous menons, en France et à l’étranger » précise le groupe. L’objectif a été atteint : les contrôles radiologiques de 2013 n’ont révélé aucune anomalie et la végétation a commencé à reprendre ses droits.
En raison de ses caractéristiques, le site continuera de présenter une radioactivité naturelle un peu plus élevée que la moyenne locale, mais aucun impact sur la santé n’est à redouter : « Au regard des niveaux de radioactivité relevés et consignés dans le rapport de juillet 2013 [déposé par Areva au Ministère des Mines centrafricain et contresigné par le représentant du Ministre], selon la localisation dans ce site de taille importante, il faudrait rester entre 14 mois et près de 4 ans dans ces lieux isolés en milieu de la forêt équatoriale pour recevoir une dose ajoutée de 1 mSv. Il n’y a donc pas d’enjeu sanitaire, en particulier compte-tenu des usages locaux et de la distance des zones d’habitat » précise AREVA.
Crédit photo : DR