Un rôle élargi et un nouveau positionnement pour le Haut-commissaire à l’Énergie atomique - Sfen

Un rôle élargi et un nouveau positionnement pour le Haut-commissaire à l’Énergie atomique

Publié le 11 janvier 2024 - Mis à jour le 16 janvier 2024

Le rôle de Haut-commissaire à l’Énergie atomique a été créé dès 1945 et a considérablement évolué au fil des années. Dernier changement en date, un décret du 30 décembre 2023 élargit significativement son champ de compétence et le positionne plus près du Premier ministre.  

La fonction de Haut-commissaire à l’Énergie atomique a été créée par l’ordonnance du 18 octobre 1945 instituant le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). À l’origine, le CEA était doté d’une direction bicéphale, le Haut-commissaire étant chargé de la direction scientifique et technique de l’établissement tandis que l’Administrateur général l’était de sa direction administrative et financière, tous deux nommés par le Président de la République et étant par ailleurs les conseillers du Gouvernement pour toutes les questions relatives à l’énergie atomique. L’idée à la base de cette dichotomie était que « les savants qui composent [l’organisme] doivent être dégagés des soucis administratifs » (heureuse époque pour les chercheurs !). Le premier Haut-commissaire a été Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel de chimie en 1935 conjointement avec son épouse Irène et ancien directeur du CNRS, et le premier Administrateur général, Raoul Dautry, ancien membre du Gouvernement provisoire.

Par la suite, un rôle réduit au sein du CEA

Comme cela arrive souvent dans les structures dotées d’une double tête, ce mode de fonctionnement n’a pas réussi à perdurer. Par un décret du 29 septembre 1970 réformant l’ordonnance fondatrice, le Haut-commissaire a vu son rôle limité à celui de conseiller scientifique et technique de l’Administrateur général, tout en demeurant membre de droit du Conseil d’administration et président du Conseil scientifique de l’organisme. Toutefois, la possibilité lui était donnée de saisir directement le Comité de l’énergie atomique[1], dont il était membre, et les ministres intéressés de ses propositions concernant l’orientation générale scientifique et technique « qui lui paraît souhaitable », le maintenant ainsi dans un rôle de conseiller du Gouvernement… pour autant que ses propositions soient entendues. Par ailleurs, il pouvait être chargé de diverses missions, notamment dans le domaine de l’enseignement ; à ce titre, il présidait le conseil d’enseignement de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN), placé auprès du CEA.

En 2009, le Haut-commissaire s’est vu confier des responsabilités régaliennes dans le domaine du contrôle gouvernemental de la dissuasion nucléaire ainsi que de la gestion patrimoniale des matières nucléaires, affectées ou non à la défense.

Un rôle élargi et un repositionnement administratif

Par un décret du 30 décembre 2023 du Président de la République, le Haut-commissaire voit son rôle élargi et son positionnement modifié.  Par rapport au CEA, s’il perd sa qualité de membre du Conseil d’administration, il conserve la présidence du Conseil scientifique de l’organisme et demeure (temporairement, voir plus bas) le conseiller scientifique et technique de l’Administrateur général.

Au-delà du CEA, il est habilité à saisir les membres du Gouvernement concernés de ses propositions concernant, dans le domaine des activités nucléaires civiles et militaires, l’orientation générale scientifique et technique dans les domaines de la politique nucléaire, de la défense et de la sécurité nucléaire, ce qui élargit considérablement son champ de compétences.

En outre, il peut désormais :

  • Assurer, par délégation du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), le secrétariat du Conseil de politique nucléaire[2] (précédemment exercé par le secrétariat général de la présidence de la République). À ce titre, il prépare les délibérations de cette instance et suit leur mise en œuvre ; il dispose à cet effet d’un adjoint issu de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ;
  • Être chargé, à la demande du ministre de la Défense, du ministre chargé de l’Énergie et du SGDSN, de missions de conseil et d’expertise dans le domaine de la politique nucléaire, ainsi que de missions intéressant la défense et la sécurité nationale ;
  • Être chargé, à la demande du ministre chargé de l’Énergie, du ministre chargé de la Recherche et du ministre chargé de l’Enseignement supérieur, de missions de conseil et d’expertise intéressant la recherche et l’enseignement supérieur dans le domaine de la politique nucléaire.

Du fait de l’extension de ses missions, le Haut-commissaire est rattaché administrativement au SGDSN, au lieu de l’être au CEA, ce qui le positionne auprès de la Première ministre, comme cela était le cas à l’origine.

Des changements à venir

Il convient de noter que ces dispositions devraient encore évoluer avec l’adoption du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, récemment déposé au Parlement, qui prévoit l’abrogation de l’article législatif du code de la recherche[3] instituant le Haut-commissaire à l’énergie atomique, ce qui aura pour conséquence de supprimer le rôle de ce dernier auprès de l’Administrateur général du CEA et de le positionner exclusivement auprès de la Première ministre via son rattachement au SGDSN. Les fonctions du Haut-commissaire seront alors uniquement régies par le décret du 30 décembre 2023. Une nouvelle modification de ce texte sera néanmoins nécessaire pour supprimer la référence à l’article précité du code de la recherche qui demeure en vigueur jusqu’à l’adoption du projet de loi.

Rappelons que l’actuel Haut-commissaire est Vincent Berger, nommé à cette fonction par décret du 13 septembre 2023. ■

Par Marc Léger, Président de la Section technique Droit et assurance de la Sfen

[1] Initialement compétent pour les « problèmes généraux de la politique nucléaire », ses attributions sont aujourd’hui limitées aux activités (civiles) et à l’organisation du CEA. Il est présidé par le Premier ministre ou un ministre par délégation.

[2] Présidé par le Président de la République, ce conseil définit les grandes orientations de la politique nucléaire et veille à leur mise en œuvre, notamment en matière d’exportation et de coopération internationale, de politique industrielle, de politiques énergétiques, de recherche, de sûreté, de sécurité et de protection de l’environnement.

[3] Article L. 332-4.