5. « Un Plan Marshall, sinon rien ! »

Piloté par l’Université des métiers du nucléaire (UMN), le plan « compétences » remis au gouvernement le 9 juin définit les actions pour sécuriser les 100 000 recrutements que la filière devra réaliser dans les dix prochaines années. Hélène Badia, présidente de l’UMN depuis septembre 2022, détaille le plan d’action sur la formation.
Pouvez-vous rappeler le rôle de l’UMN ?
L’UMN fédère les industriels de l’industrie nucléaire, le monde académique et les professionnels de l’emploi. Créée en avril 2021 sous l’impulsion de douze membres fondateurs1, l’association a pour objectif de revitaliser l’offre de formation dans le secteur nucléaire en l’adaptant aux besoins de la filière, en particulier pour vingt métiers sensibles. Cette démarche est déployée à la maille régionale, interrégionale et nationale en capitalisant sur l’existant et en travaillant sur les contenus des formations. Mais nos missions sont un peu plus larges que développer la formation. Favoriser l’attractivité de toutes les voies d’enseignement et de formation et promouvoir les métiers et les parcours sont aussi indispensables.
Vous concentrez-vous principalement sur les nouvelles installations nucléaires ?
Nos actions sont en lien avec tous les enjeux industriels de la filière nucléaire : l’exploitation à long terme des installations existantes, le développement de réacteurs de petite taille (SMR), le soutien aux usines du cycle du combustible, les activités liées à l’Andra… Des métiers de différents niveaux de qualification sont nécessaires pour répondre à ces besoins, allant des techniciens de niveau Bac pro ou Bac +2 pour le Grand carénage aux ingénieurs en génie civil pour les nouvelles installations nucléaires. Les formations nécessaires varient aussi en durée, et il est important de prévoir ces ressources dès maintenant pour être prêt à répondre aux besoins qui se présenteront d’ici 2025 à 2028. Concernant le cycle du combustible, les professions font partie intégrante du secteur nucléaire et nécessitent aussi une anticipation pour garantir une main-d’oeuvre qualifiée à l’avenir, notamment dans les domaines de la fabrication du combustible, du démantèlement et de la gestion des déchets nucléaires.
Recruter 100 000 personnes d’ici à 2035 est un vrai défi. La France en est-elle capable ?
Les premiers enseignements du programme Match publiés par le Gifen en avril 2023 permettent d’avoir une vision structurée des futurs besoins de la filière. Dans la perspective d’attirer et de former 100 000 salariés, l’étude est très précieuse. C’est à partir d’elle que nous avons élaboré le plan d’action « compétences » de la filière nucléaire remis au gouvernement le 9 juin dernier. Piloté par l’UMN, il s’appuie sur sept leviers et 30 actions concrètes à mener pour attirer, former et recruter la main d’oeuvre qualifiée de la filière. Notre plan sera actualisé chaque année en fonction des résultats révisés du programme Match qui prend en compte les spécificités par métier et par région. Construit avec les partenaires nationaux et régionaux, les pouvoirs publics, les entreprises de la filière, notre plan fédère et intègre les initiatives existantes dans une vision d’ensemble cohérente et opérationnelle.
Quels sont les axes de transformation pour adapter l’offre de formation ?
Les priorités définies par l’EDEC2 nous indiquent les diplômes à créer et les bassins d’emplois correspondants selon les besoins. L’ancrage territorial est au coeur de notre action. Il s’agit ensuite de fédérer les moyens de formation et mutualiser les ressources existantes. De nombreux partenariats avec les Campus des métiers et des qualifications (CMQ), les industriels et les Agences régionales de prestataires (ARP) travaillent à adapter la carte des formations initiales. Une vingtaine de projets de formation ont vu le jour depuis 2022 dans toute la France.
Par exemple, le Campus Ceine3 coordonne le projet Excellence nucléaire en Normandie (ENNo) pour former des robinetiers et ouvrir quatre modules de formation. Le premier projet lauréat de l’AMICMA (Appel à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir »), baptisé Nouveau nucléaire, nouvelles compétences (3NC) prévoit aussi une trentaine de formations qui complèteront le maillage territorial normand. Dans la même dynamique, Vivatome a été créé en région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA).
Un autre axe consiste, au lieu de créer des formations, à adapter l’existant : il s’agira d’opérer une « coloration nucléaire » de formations transverses du CAP au Bac +5. Ce dispositif s’appelle « passeport nucléaire ». Il vise à donner envie aux étudiants de s’orienter vers la filière et à leur apporter un socle de connaissances sur le nucléaire.
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Propos recueillis par Sylvie Delaplace et Ludovic Dupin, Sfen
Photo I Remise du plan d’actions compétences de la filière le 9 juin à Caen. De gauche à droite : Hélène Badia (présidente de l’UMN), Carole Grandjean (ministre déléguée en charge de l’Enseignement et de la Formation professionnels), Sylvie Retailleau (ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation), Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique et Elisabeth Terrail (directrice des Ressources humaines de Framatome).
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