Tritium or not tritium ?
La centrale américaine d’Indian Point, exploitée par Entergy à Buchanan (Etat de New York, Etats-Unis) a défrayé la chronique au début du mois de février. Suite à une fuite lors d’une opération de préparation de déchargement du combustible nucléaire, de l’eau contenant du tritium à des niveaux supérieurs à la normale s’est répandue sous la centrale. Alors, le tritium : dangereux ou pas ?
Indian Point : ce que l’on sait
A une quarantaine de kilomètres au nord de New York, dans le comté de Wichester, la centrale d’Indian Point compte deux réacteurs à eau pressurisée de 900 MWe, mis en service en 1974 et 1976. Un troisième réacteur, mis en service en 1962, est arrêté depuis 1976. La production d’Indian Point assure 30 % de la consommation d’électricité de la mégalopole new-yorkaise.
Le 7 février dernier, une fuite d’eau radioactive s’est produite dans le circuit de filtration du réservoir de stockage du réacteur 2, dans le sous-sol du bâtiment qui abrite la piscine d’entreposage du combustible usé. De l’eau à haute teneur en tritium – 65 000 % supérieure à la normale sur un point de prélèvement – s’est répandue sous la centrale, dans les nappes phréatiques.
Ces eaux souterraines ne contribuent pas à l’eau potable de la région, mais se jettent dans la rivière Hudson, à une quarantaine de kilomètres au nord de New-York. Toutefois, pour la NRC – l’autorité de sûreté américaine – cette fuite ne représente pas de menace pour l’environnement. En effet, une fois déversée dans l’Hudson, l’eau radioactive sera si diluée que le tritium sera pratiquement indétectable.
Andrew Cuomo, Gouverneur de l’Etat de New York (et qui réside dans le comté de Wichester), a demandé qu’une enquête soit menée pour identifier précisément l’origine de la fuite. L’exploitant Entergy, rappelant que les taux élevés de tritium ne correspondent aux standards d’exploitation ne présentaient cependant « pas de risque pour la santé et la sécurité du public, les rejets [de tritium] étant mille fois inférieurs aux limites fédérales », a assuré faire tout le nécessaire pour éviter qu’un tel incident se reproduise.
Le tritium en question
Mis en évidence dans la réaction nucléaire en 1934, le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène. Produit naturellement en très petite quantité par le rayonnement cosmique, il a notamment remplacé le radium pour rendre luminescents les cadrans de montres et les instruments de bord pour la navigation de nuit. On le trouve aussi, en quantités très faibles, dans les eaux destinées à la consommation.
Mais il a été produit en quantités importantes lors des essais nucléaires atmosphériques de la 2ème moitié du 20ème siècle. Il est aujourd’hui produit en quantités plus ou moins importantes dans les réacteurs nucléaires en fonctionnement et lors du traitement des déchets radioactifs. A l’échelle de la planète, on en comptabilisait 3,5 kg en 2009, avec une production naturelle mondiale d’environ 200 gr par an. Avec sa demi-vie[1] de 12,3 ans, le tritium disparait relativement rapidement, ce qui l’empêche de s’accumuler en grandes quantités.
Très mobile, le tritium se combine avec de l’oxygène pour former de l’eau tritiée. Il pénètre facilement dans l’organisme à travers le cycle de l’eau, mais s’élimine rapidement, généralement entre 6 et 9 jours et est considéré comme faiblement radiotoxique[2], délivrant une dose moyenne annuelle de l’ordre d’un microsievert, soit le millième du seuil limite pour le public fixé à 1 millisievert. Des études estimeraient cependant que le tritium, associé à certains composants des cellules, pourrait agir sur l’ADN. A ce jour, il n’existe pas de données épidémiologiques humaines significatives qui permettent d’estimer directement, même approximativement, le risque de cancer dû au tritium. Mais quels que soient le mode et la voie de contamination, il suffirait de boire une grande quantité d’eau pour réduire la période biologique du tritium de 30 à 50 %.
[1] La « demi-vie » ou « période est » est le temps nécessaire pour que l’activité d’un radioélément soit divisée par deux. Pour les déchets radioactifs, si la période est inférieure à 5 ans, on parle de « vie courte » et de « vie moyenne » entre 5 et 100 ans. Au-delà, on parle de déchets « à vie longue ». Voir aussi sur www.laradioactivite.com
[2] La radiotoxicité potentielle mesure la nuisance d’un noyau radioactif assimilé par l’organisme à la suite d’une inhalation ou ingestion.
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