Taxonomie européenne : le nucléaire définitivement reconnu malgré l’opposition autrichienne
Le Tribunal général de l’Union européenne a rejeté la tentative de l’Autriche d’annuler l’inclusion de certaines activités liées au gaz et au nucléaire dans la liste des investissements officiellement « verts » de la Commission européenne.
De plus en plus, le nucléaire est reconnu en Europe comme une électricité bas carbone, après des années d’opposition de principe. Dernière normalisation en date : le rejet du recours autrichien contre l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie. Pour rappel, en 2020, la Commission a adopté le Règlement sur la taxonomie, établissant un cadre pour favoriser les investissements durables et orienter les flux financiers vers des activités considérées comme vertueuses, définies dans une liste précise.
En février 2022, la Commission a adopté un règlement délégué fixant des critères techniques permettant d’inclure certaines activités des secteurs du nucléaire et du gaz dans la catégorie des activités contribuant substantiellement à l’atténuation ou à l’adaptation au changement climatique. Le Parlement européen a approuvé ce règlement en août de la même année, ouvrant la voie à son entrée en vigueur début 2023.
Une énergie bas carbone sans alternative
Contestant cette décision, l’Autriche a intenté un recours contre la Commission en octobre 2022. En septembre 2025, le Tribunal général de l’Union, basé à Luxembourg, a rejeté cette action.
Le tribunal estime que la Commission était en droit de considérer que la production d’énergie nucléaire génère quasiment zéro émission de gaz à effet de serre et qu’il n’existe pas, à l’échelle nécessaire, d’alternatives à faible émission de carbone technologiquement et économiquement viables, comme les sources d’énergie renouvelables, pour répondre de manière continue et fiable à la demande énergétique.
Il conclut que la Commission a pris « en compte de façon suffisante les risques associés à l’exploitation normale des centrales nucléaires, aux accidents graves de réacteurs et aux déchets radioactifs ». Les arguments de l’Autriche sur les effets négatifs des sécheresses et des risques climatiques sur le nucléaire sont jugés « trop spéculatifs pour être acceptés ».
Le tribunal affirme qu’il approuve l’idée selon laquelle les activités économiques des secteurs du nucléaire et du gaz peuvent, sous certaines conditions, contribuer substantiellement à l’atténuation ou à l’adaptation au changement climatique. L’approche adoptée par le règlement délégué de 2022 est décrite comme graduelle, fondée sur une réduction des émissions de gaz à effet de serre par étapes, tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement. L’Autriche peut encore faire appel de ce verdict.
Revirement de Ursula von der Leyen
Cette décision intervient alors qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a souligné le 12 septembre dernier le rôle de l’atome dans son discours sur l’état de l’Union : « Il est temps de se débarrasser des combustibles fossiles russes polluants. (…) Nous devons produire davantage d’énergies renouvelables locales – avec le nucléaire comme production de base ». Un discours assez nouveau pour la diplomate allemande, qui avait jusqu’ici écarté l’atome des grandes orientations européennes.
Reste que la taxonomie demeure perfectible, selon la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). Dans un avis publié en 2022, l’association critique notamment une approche qui classe implicitement le nucléaire comme énergie de transition, créant une instabilité réglementaire incompatible avec des projets qui s’inscrivent sur plusieurs décennies. Elle recommande également d’élargir explicitement le périmètre aux activités indispensables, comme le cycle du combustible (enrichissement, recyclage) et la maintenance des installations, aujourd’hui insuffisamment couvertes. ■