Sûreté nucléaire : un bilan 2015 positif et des défis - Sfen

Sûreté nucléaire : un bilan 2015 positif et des défis

Publié le 7 juin 2016 - Mis à jour le 28 septembre 2021

L’ASN a rendu public son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en 2015. Le gendarme du nucléaire dresse un bilan positif  de la sûreté d’exploitation des installations nucléaires et pointe les (nombreux) défis qui attendent la filière ces cinq prochaines années.

Un excellent niveau de sûreté

Chaque jour, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) mène des inspections sur les installations nucléaires et leurs activités (transport de substances radioactives, secteurs médical, industriel et de la recherche, etc.). En 2015, 1 882 inspections ont été réalisées. Sur cette base, l’ASN loue « le bon niveau » de sûreté d’exploitation des installations nucléaires et la constance des exploitants : l’année 2015 s’inscrivant dans « la continuité des années précédentes ». 

Un chiffre témoigne du souci permanent des exploitants de maintenir le plus haut niveau de sûreté : chez EDF, le nombre d’événements significatifs au titre de la sûreté, de la radioprotection et de l’environnement a baissé de 8 % par rapport à 2014. 

Exploitation des centrales nucléaires. Outre le fait que l’ASN présente les centrales de Penly, Saint-Laurent-des-Eaux et Fessenheim comme des exemples sur le plan de la sûreté, l’autorité salue la filière indépendante de sûreté interne à EDF. « [Ce dispositif] joue son rôle de vérification des actions et décisions prises par les services en charge de l’exploitation des installations » lit-on dans le rapport. Concernant la maîtrise de l’empreinte environnementale des centrales, l’ASN est satisfaite par les dispositifs déployés. Bilan tout aussi favorable sur le volet des ressources humaines : l’autorité reconnait qu’EDF a pris les mesures nécessaires en matière de recrutement et de formation pour accompagner le renouvellement de ses effectifs. 

Pour les installations de recherche exploitées par les organismes de recherche (CEA, Institut Laue-Langevin) ou par des industriels (comme CIS bio international, Synergy Health et Ionisos pour la production d’éléments radiopharmaceutiques et d’irradiateurs industriels), là-aussi, l’ASN considère le niveau de sûreté satisfaisant.

Le rapport dresse aussi le bilan des activités de démantèlement. En 2015, une trentaine d’installations nucléaires étaient arrêtées ou en cours de démantèlement dans l’Hexagone. Deux ont été « déclassées » (elles ont été totalement démantelées et ont perdu leur statut juridique d’installation nucléaire de base, INB) : le réacteur Siloé à Grenoble et le Laboratoire pour l’utilisation du rayonnement électromagnétique (LURE) à Orsay. Ces réalisations confirment qu’aucun verrou technologique n’empêche le démantèlement d’une installation nucléaire. 

Enfin, concernant la gestion des déchets radioactifs, le dispositif en place, fondé sur un corpus législatif et réglementaire spécifique, un PNGMDR et une agence dédiée à la gestion des déchets radioactifs indépendante des producteurs de déchets (Andra), « permet d’encadrer et de mettre en œuvre une politique nationale de gestion des déchets structurée et cohérente » estime l’ASN. Elle prévient cependant de la nécessité de réévaluer les capacités d’entreposage des déchets radioactifs, insuffisants en l’état pour gérer les futurs déchets issus du démantèlement des centrales nucléaires. Pour le stockage des déchets les plus radioactifs, l’ASN prend acte des retards pris dans la réalisation de Cigéo, mais rappelle l’opportunité du projet : « le stockage souterrain est la solution qui offre le meilleur niveau de sûreté à l’échelle de temps considérée ».

2015-2020 : une période pleine de défis

« Pour l’instant, les choses vont bien mais peuvent se dégrader » a prévenu Pierre-Franck Chevet lors de son audition par le Parlement. Pour le président de l’ASN, la filière dans son ensemble, industriels et autorités de contrôle, fait face à un contexte « sans précédent ».

Plusieurs raisons expliquent ce contexte particulier. La première est qu’une grande partie des installations nucléaires – centrales, usines du cycle, réacteurs de recherche -, entamera d’importants travaux de jouvence, de maintenance et/ou d’amélioration des dispositifs de sûreté. D’ici fin 2017, pour les seules usines du cycle du combustible et les réacteurs de recherche, l’ASN évalue à une cinquantaine le nombre de dossiers de réexamen qu’elle devra étudier. Ces activités s’additionnent aux chantiers en cours, EPR de Flamanville, Cigéo, RJH et Iter, pour lesquels l’ASN continuera de contrôler leur conception et leur construction. Pour assurer ses missions, l’ASN demande plus de moyens. A défaut, elle contrôlera en priorité les installations déjà en exploitation, retardant l’examen des installations nouvelles.

Deuxième motif de préoccupation pour l’ASN : les difficultés économiques et financières des principaux acteurs et la restructuration de la filière. Dans ce contexte inédit, l’ASN reste très attentive aux moyens humains (maintien des compétences clés), matériels et financiers, alloués par les exploitants pour garantir les plus hauts standards de sûreté : « l’ASN veillera à ce que les mises à niveau prescrites à la suite de ces réexamens soient effectivement réalisées en dépit des contraintes économiques, financières et budgétaires auxquelles sont confrontés les exploitants ».

Concernant AREVA, l’ASN sera « particulièrement vigilante » à ce que les exploitants d’INB qui résulteront de la scission du groupe disposent des capacités d’ingénierie suffisantes et robustes pour opérer d’éventuelles modifications des installations concernées et gérer d’éventuelles situations de crises. 

Le Grand carénage : une opportunité pour la filière

En 2019, le réacteur 1 de la centrale EDF de Tricastin sera le premier en France à faire sa quatrième visite décennale. Une échéance jugée « contraignante » par l’ASN compte-tenu de l’ampleur des analyses et des travaux à effectuer. Dans le contexte actuel, l’autorité s’interroge sur les capacités d’EDF à réaliser les études et les travaux de jouvence et sur sa capacité propre à contrôler les éléments proposés par l’exploitant.

L’ASN prévoit de rendre en 2018 un avis générique sur la poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 MWe au-delà de quarante ans. L’élaboration de cet avis global fera l’objet d’une participation du public. Par la suite, le réexamen périodique de chaque réacteur donnera lieu à l’enquête publique comme le prévoit la loi sur la transition énergétique.

La filière saura apporter des réponses. D’abord parce qu’elle s’y prépare depuis plusieurs années et surtout parce que les entreprises ont à cœur de démontrer leur savoir-faire en vue de s’exporter. Mener à bien un tel programme sera une référence importante – équivalent à la prouesse d’avoir construit un parc de 58 tranches en une poignée de décennies – pour les clients étrangers confrontés à des chantiers similaires : Royaume-Uni, Etats-Unis, etc.

Tous les acteurs de l’équipe de France du nucléaire sont conscients que la filière se trouve à un moment charnière de son histoire et qu’une partie de son avenir se joue dans la réussite de ce programme. Les « Bleus de l’atome » ont à cœur de travailler ensemble. Le Grand Carénage en apportera la preuve.

 

 
FESSENHEIM : L’UNE DES CENTRALES LES PLUS SURES DE FRANCE
Dans son rapport annuel, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) évalue la centrale alsacienne, doyenne du parc d’EDF, comme étant l’une des plus sûres du parc français, reconnaissant ainsi la pertinence de la décision d’investir 650 millions d’euros pour sa rénovation.
 

Publié par Boris Le Ngoc (SFEN)