Le soutien à l’énergie nucléaire « vital » selon les Etats-Unis
Avec 99 réacteurs en exploitation, le parc nucléaire américain assure 20 % de la production d’électricité et la moitié de l’électricité bas carbone du pays. Le marché de l’électricité américain est particulièrement concurrentiel et la compétitivité du nucléaire est mise à mal dans certains Etats par l’essor du gaz de schiste et des énergies renouvelables.
En raison de pressions économiques, commerciales et financières, six réacteurs nucléaires américains ont été prématurément arrêtés depuis 2013 et 12 autres devraient l’être au cours des sept prochaines années. Au total, ces 18 fermetures enlèveront plus de 15,8 GW de la production du réseau, soit 15 % de la capacité nucléaire existante. A l’inverse, seules deux centrales nucléaires, les unités Vogtle-3 et 4 en Géorgie, des AP1000 de Westinghouse, sont en construction.
L’industrie nucléaire américaine considère depuis longtemps que les marchés de l’électricité devraient reconnaître l’apport du nucléaire pour sa capacité de production en base, y compris lors des événements climatiques extrêmes, comme dans le cas d’ouragan ou de froids intenses, ainsi que par sa capacité à produire pendant de nombreux mois, voire années, sans avoir besoin de nouveau combustible, et donc sans approvisionnement, contrairement aux autres sources de production pilotable d’électricité. En mars 2018, le think tank Atlantic Council jugeait le déclin de l’industrie nucléaire aux Etats-Unis comme « un problème politique important » mais ne disposant pas de l’attention nécessaire. La même semaine, FirstEnergy, exploitant de l’Ohio, annonçait son intention de fermer ses trois centrales nucléaires (Davis-Besse, Perry et Beaver Valley) d’ici trois ans, à moins qu’une aide fédérale lui soit octroyée.
Plusieurs Etats comme l’Illinois, New York et le New Jersey se sont inspirés des mécanismes de soutien alloués aux renouvelables pour sauver des centrales nucléaires en difficulté financières. Des démarches toutefois insuffisantes à l’échelle nationale.
Début juillet, une vaste coalition réunissant 75 ex-hommes d’Etat, responsables de la sécurité nationale et dirigeants industriels a exhorté Rick Perry, le Secrétaire américain à l’Énergie, à prendre des mesures immédiates pour empêcher la fermeture des réacteurs nucléaires, rappelant les bénéfices d’un secteur nucléaire national fort sur le plan de la sécurité nationale compte tenu de la sécurité d’approvisionnement qu’il procure.
Un mix électrique diversifié
L’administration américaine reconnaît désormais le problème. Rick Perry a ainsi déclaré que le soutien financier des centrales nucléaires est essentiel à la sécurité nationale. Face à la hausse de la demande en électricité, il a confirmé que des travaux sont en cours pour proposer un plan de préservation de certaines des principales centrales nucléaires du pays. Le département américain de l’Énergie (DOE) étudie ainsi les moyens d’aider financièrement les installations nucléaires, y compris en obligeant les exploitants de réseaux à acheter cette électricité. L’administration américaine met l’accent dans sa politique énergétique sur la résilience des réseaux. Cette politique est perçue comme nécessaire par ces partisans, considérant que le réseau électrique du pays ne peut pas compter uniquement sur le gaz naturel, l’éolien et l’énergie solaire.
Pour le J. Winston Porter, ancien administrateur adjoint à l’Environmental Protection Agency, le problème du nucléaire est lié à la révolution du gaz de schiste qui permet un approvisionnement en gaz naturel très bon marché. « Nous en devenons de plus en plus dépendants pour la production d’électricité », explique-t-il. « Par conséquent, nous risquons de perdre la diversité énergétique qui a longtemps servi de rempart au système énergétique américain. » Un constat en signe d’avertissement : « On peut même se demander : Quel sera le coût du gaz naturel quand il sera notre seule source majeure de production d’électricité ? » s’interroge-t-il.
Le pays soutient l’innovation nucléaire
L’appui du gouvernement trouve aussi des échos au sein du Congrès. Le Sénat a ainsi voté un projet de loi de crédits début juillet prévoyant 1,2 milliard de dollars pour les programmes d’énergie nucléaire du DOE. Approuvé à 86 voix contre 5, ce plébiscite est venu un peu plus de deux semaines après l’adoption par la Chambre des Représentants d’un projet de loi similaire.
Le DOE a aussi récemment annoncé un financement de près de 64 millions de dollars pour des projets de nouvelles technologies nucléaires menés par des laboratoires nationaux du DOE, des universités et des entreprises privées. Au cours des derniers mois, il a déjà fourni près de 90 millions de dollars de financement pour des projets de R&D nucléaire. A moyen terme, l’administration considère les nouvelles technologies nucléaires, comme les petits réacteurs modulaires (SMR), comme un élément clé de sa stratégie énergétique.