[Série #1] Les discours fondateurs du nucléaire civil – Atoms for Peace, le discours d’Eisenhower (1953) - Sfen

[Série #1] Les discours fondateurs du nucléaire civil – Atoms for Peace, le discours d’Eisenhower (1953)

Publié le 22 décembre 2025 - Mis à jour le 19 décembre 2025

Qu’ils soient prononcés dans un contexte de crise, de coopération internationale ou de construction institutionnelle, certains discours font basculer l’histoire. Depuis près de 80 ans, plusieurs d’entre eux ont contribué à façonner le nucléaire civil et la coopération internationale telle qu’elle existe aujourd’hui. Cette série revient sur ces prises de parole et décisions fondatrices des usages pacifiques de l’atome. Aujourd’hui, retour sur Atoms for Peace, le discours prononcé par Dwight D. Eisenhower en 1953.

Le 8 décembre 1953, devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York, le président des États-Unis Dwight D. Eisenhower prononce un discours resté célèbre sous le nom d’Atoms for Peace. À peine huit ans après Hiroshima et Nagasaki, alors que la guerre froide s’installe durablement et que la course aux armements nucléaires s’intensifie, ce discours marque une inflexion majeure : pour la première fois, la première puissance nucléaire propose de faire de l’atome un instrument de progrès et de coopération.

Un contexte de peur nucléaire globale

Dans un climat marqué par l’escalade des arsenaux militaires, Eisenhower appelle à dépasser la logique strictement militaire. Il affirme ainsi : « Si le dangereux développement des armes atomiques peut être renversé, cette plus grande des forces destructrices peut être développée en un grand bienfait, au bénéfice de toute l’humanité. »

Eisenhower insiste sur l’urgence de « chercher la voie par laquelle l’inventivité miraculeuse de l’homme ne sera pas dédiée à sa mort, mais consacrée à sa vie ». Il appelle également à une responsabilité collective face aux dangers atomiques : « Si un danger existe dans le monde, c’est un danger partagé par tous ; et également, si l’espoir existe dans l’esprit d’une nation, cet espoir devrait être partagé par tous. »

La naissance d’une architecture internationale

Dans la suite de son allocution, Eisenhower propose une initiative concrète : confier à une agence internationale des ressources nucléaires destinées à des usages pacifiques. Cela inspire directement la création, quelques années plus tard, de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), institution chargée de promouvoir l’usage civil de l’énergie nucléaire tout en veillant à la non-prolifération.

Un socle pour le nucléaire civil mondial

Le discours Atoms for Peace contribue à légitimer politiquement et socialement le développement du nucléaire civil. Il sert de base au cadre réglementaire international, notamment au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 1968, qui repose sur l’équilibre entre coopération pacifique et contrôle des armes.

En appelant les nations à « explorer toutes nouvelles avenues de paix, aussi ténues soient-elles », Eisenhower pose les fondations d’une coopération multilatérale du nucléaire civil, fondée sur une responsabilité partagée. ■

Par Ludovic Dupin, Sfen

Image : Dwight Einsenhower, lors de son discours AToms for peace (1953) – @AIEA